[...] Dans un essai à paraître fin mai, "La Crise de trop. Reconstruire un monde failli", l'économiste Frédéric Lordon explique comment nous avons progressivement basculé dans «le capitalisme antisalarial». Il y dissèque l'évolution du partage de la valeur ajoutée, autrement dit de la part des salaires dans le produit intérieur brut, notamment par rapport aux profits (soit ce qui sert à la fois à l'investissement de l'entreprise et aux dividendes de ses actionnaires) : 10 points de moins depuis 1982 ! Certes, Frédéric Lordon reconnaît que les salaires étaient alors trop hauts et les profits trop bas pour que les entreprises puissent investir. Mais, de 1982 à 1986, quel rattrapage ! Le capital a pris «sa revanche avec une rapidité et une brutalité insoupçonnées». En moins de quatre ans, la part des salaires a chuté de façon dramatique tandis que celle des profits s'est mise à grimper, pour atteindre un sommet de 33% en 1989. On n'en est plus redescendu.
L'excès de la profitation
Pour Frédéric Lordon, ce tournant du milieu des années 1980 est capital et doit être choisi comme véritable point de référence pour comprendre ce que les salariés ont perdu : c'est à partir de 1985-86 que la part des profits commence à sérieusement déraper dans «l'excès de la profitation». A partir de là, «tout ce que le capital va rafler, il va le prendre de la plus improductive des manières». Pas pour investir davantage [1], mais pour enrichir toujours plus le pouvoir actionnarial au détriment des salariés et de l'emploi.
Résultat, selon l'économiste, nous aurions à rattraper non pas 10, mais 3 points de PIB… soit tout de même la bagatelle de 53 milliards d'euros [2] ! Et ce n'est qu'un minimum. «Pour s'en faire une idée, il suffit de constater que la part des dividendes dans le PIB est passée de 3,2 à 8,5% en 2007 : 5,3 points au bas mot», passés des salariés aux actionnaires ! [...]
(Source : Télérama)
=> Lire toute l'analyse de Frédéric Lordon sur son blog
[1] Le récent rapport Cotis, du nom du directeur général de l'INSEE qui l'a conduit, reconnait que, depuis vingt ans, les entreprises ont privilégié la distribution de leurs profits (d'abord les dividendes, puis les très hauts salaires depuis une dizaine d'années) par rapport à leur autofinancement (investissements, trésorerie).
[2] Rappelons qu'outre la baisse généralisée des salaires — grandement facilitée par le chômage de masse et la précarisation de l'emploi —, donc du pouvoir d'achat — qui a provoqué aux Etats-Unis une crise du surendettement, à l'origine de «la crise» mondiale que nous subissons —, ce siphonnage en règle par une poignée de rapaces est aussi la cause des «trous» de notre protection sociale, alimentée par les seuls revenus du travail : 20 milliards d’€ pour la Sécu (assurance maladie et vieillesse), 17 milliards d’€ pour l'Unedic (assurance chômage). Avec un seul rattrapage des 53 milliards que l'on vole chaque année au salariat, il n'y a plus de déficits sociaux.
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