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Boutade ? Oui, bien sûr. Pas question de revenir sur ces principes de civilisation dont nous sommes si fiers et qui, parfois, servent encore de garde-fou.
Mais au quotidien, quand on voit comment les élites politiques et économiques bafouent nos principes fondateurs en toute impunité, instillant ces multiples trahisons dans nos esprits jusqu'à les transformer en norme de société, quand on s'aperçoit que même le citoyen lambda ne s'offusque plus des coups de canif répétés dans notre contrat républicain, notre Constitution, nos chers Droits de l'Homme et nos conventions internationales, comment, au dégoût, ne succèderait pas un brin de dérision ?
Quelques exemples...
L'alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris intégralement dans la Constitution du 4 octobre 1958, affirme que “chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi”. Or, s'il est clair que travailler est un "devoir" — il est surtout, pour la majorité des actifs, l'unique moyen d'assurer sa subsistance —, le droit constitutionnel à "obtenir un emploi" est le seul à ne bénéficier d'aucune portée juridique dans un contexte où l'emploi est l'objet de destructions massives. En clair, si le chômeur a le devoir de travailler (ce que la loi n°2008-758 du 1er août 2008 lui rappelle), qu'il se démerde pour obtenir un emploi qui lui permette de vivre, puisque l'obligation de résultat se heurte à la non-obligation de moyens : le chômeur se doit toujours de travailler, tandis que l'Etat et les entreprises ont le droit de continuer à détruire des emplois et de ne plus en créer.
N'en déplaise à ceux qui voudraient en finir avec la protection sociale, l'alinéa 11 du même texte précise que “tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence”. Cependant, les 8 millions de Français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, les chômeurs en fin de droits qui survivent avec l'ASS, le RSA ou rien du tout, apprécieront le caractère "convenable" et hautement constitutionnel de ces "moyens d'existence"...
Le 1er alinéa de l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 affirme le "droit au travail" et, aussitôt après, celui à la "protection contre le chômage" : “Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage”. Les chômeurs non indemnisés, ceux que l'on oblige à accepter des emplois indignes, déclassés ou des formations non désirées sous peine de sanctions/radiation apprécieront également.
L'article 25 du même texte précise que “toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté”. Pourtant, ici ou ailleurs, non seulement on s'assoit sur les conséquences de la crise — les chômeurs sont responsables de leur situation et, paraît-il, s'y complaisent —, mais il est question de renier ces principes fondateurs.
De la "valeur travail" au travail gratuit
Voyez Benoist Apparu qui estime, avec un naturel confondant, que l'obligation faite aux chômeurs de longue durée britanniques de travailler gratuitement pour la collectivité constitue, en effet, «une excellente idée» car «mieux vaut travailler pour rien que de ne rien faire du tout»... Mais oui : il faut aider ces profiteurs de "l’Etat-providence" à "se réadapter au travail" ! Faute d'emplois rémunérés, profitons de la crise pour les faire bosser à l'œil (et laissons la Finance dégager des profits sur le dos des états endettés).
Or, ce petit secrétaire d’État oublie que la Grande-Bretagne, à l'instar de la France et de l'Allemagne (pays des jobs à 1 €), a signé le 25 juin 1957 la Convention sur l'abolition du travail forcé qui, dans son article Premier, précise :
“Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail qui ratifie la présente convention s'engage à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n'y recourir sous aucune forme :
a) en tant que mesure de coercition ou d'éducation politique ou en tant que sanction à l'égard de personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l'ordre politique, social ou économique établi
b) en tant que méthode de mobilisation et d'utilisation de la main-d'oeuvre à des fins de développement économique [valable pour les contrats aidés]
c) en tant que mesure de discipline du travail [valable pour les chômeurs anglais]
d) en tant que punition pour avoir participé à des grèves
e) en tant que mesure de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse.” [on peut retenir la discrimination sociale]
Benoist Apparu n'est pas le seul a être frappé d'amnésie : nombre de politiques, de droite comme de gauche, et de citoyens ordinaires ne s'indignent pas de la scandaleuse proposition du gouvernement britannique. Certains estiment même qu'il faudrait importer cette mesure quasi esclavagiste dans la patrie des Droits de l'Homme !
Qu'ils se rassurent, le principe existe déjà : Pôle Emploi propose des EMT (évaluations en milieu de travail) et des AFPR (actions de formation préalable au recrutement), soit des mini-formules de travail gratuit pour les employeurs qui ne veulent plus s'emmerder avec une période d'essai qu'il faut, hélas, rémunérer.
Enfin, certains estiment qu'il faut en finir avec ces gens qui sont payés pour ne pas travailler. Qu'en pense Christine Lagarde qui, en tant qu'élue du 12e arrondissement de Paris, touche 4.000 € brut par mois en faisant siège vide depuis deux ans et demi ?
La "valeur travail", les "droits de l'homme", tout ça, c'est démodé !
Comme le propose notre ami Patdu49, finissons-en avec ces textes qui datent de Mathusalem et tous ces organismes qui les défendent mais ne servent à rien. Nous sommes au XXIe siècle, celui du tout-libéral, du tout-décomplexé, de la "rupture" : des valeurs du passé faisons table rase !
Tiens, par exemple, au lieu de conserver cette devise éculée sur le fronton de nos institutions — Liberté, Égalité, Fraternité — qui ne colle plus vraiment à la France d'aujourd'hui, si on mettait à la place :
• Corruption, Inégalité, Répression
• Travail, Famille, Patrie
• Copinage, Corporatisme, CAC40
• Stock options, Parachutes dorés, Jetons de présence, Rentes Immobilières ?
Ça en jetterait, non ?
Dans la foulée, enfin débarrassés de nos vieux préceptes, licencions un maximum de salariés, laissons-les mariner au chômage pendant un an minimum, et reprenons-les ensuite pour effectuer gratuitement des travaux d'intérêt général !
SH
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Commentaires
Rappelons qu'en France, le principal exploiteur n'est pas à rechercher dans le CAC40, c'est l'Etat lui-même !
Ce matin, je lisais dans le Parisien, l'exemple de cette jeune fille qui est en cdd depuis 10 ans à l'Ecole normale supérieure pour 1100 euros par mois ! Répondre | Répondre avec citation |
"Citation de Mr Philippe Derudder
Nous sommes beaucoup à vouloir sortir de la logique qui conduit aujourd’hui :
à mettre nos voitures dans les maisons mais des gens à la rue ;
à voir mourir de faim d’un côté et surproduire de l’autre ;
à satisfaire l’actionnaire quand l’entreprise licencie ;
à installer le chômage quand satisfaire les besoins vitaux réclamerait tant de travail ;
à brader le bien-être des peuples, sous prétexte d’un supposé manque d’argent ;
à créer le besoin dans le seul but de vendre ;
à faire croire que bonheur rime avec consommation ;
à assujettir le profit humain au profit financier. (fin de citation)"
Un père chômeurs inquiet pour l'avenir de ses enfants!!!!!!!! !!!
(limitation a 1000 caractères dommage!) Répondre | Répondre avec citation |
Inconsciemment, ils sont persuadés que la richesse s'attrape par contact.
Ils ne voteront pas majoritairement pour quelqu'un qui n'est pas adoubé par le grand capital. Par ailleurs, le grand capital fera tout pour ce que cela n'arrive jamais. On peut leur faire confiance, ils ont suffisamment verrouillé le système pour dormir tranquillement sur leur tas d'or. Répondre | Répondre avec citation |
Très juste : la plupart des gens ont une soumission automatique devant les riches, les surdiplômés et ceux qui ont ou s'arrogent le pouvoir.
Consternant ! Ils ne se posent même pas la question de savoir comment la richesse matérielle leur est tombée dans le bec ou le berceau.
Je me console avec ma richesse intérieure et mon manque cruel de complexes (d'infériorité) s'entend ! Répondre | Répondre avec citation |
Qu'est-ce qu'un riche? Répondre | Répondre avec citation |
Pas étonnant qu'avec une telle clairvoyance, il prône une politique du 19eme siècle. Répondre | Répondre avec citation |
Dans une élection, 100% des votants auront voté pour le candidat de la ploutocratie.
Les élections 'ont la vertu que c'est un moment privilégié où les gens (pas tous bien sûr) sont réceptifs à autre chose que l'abrutissement ordinaire que leur sert les média des patrons. Répondre | Répondre avec citation |
L'inflation est le pire ennemi du capitalisme. D'où les premières mesures drastiques de stabilisation dans les années 70 où l'inflation flirtait avec les 15%.
Aujourd'hui, seuls les produits de première nécessité (énergie, loyers, transports) revendus au privé ont le droit d'avoir de telles augmentations pour le bien-être des actionnaires. Les salaires ne suivent plus depuis longtemps.
Quel serait le sens d'avoir comme dans l'Allemagne d'avant-guerre des brouettes de billets pour acheter sa baguette ?
La redistribution des richesses est en cause, pas une fabrique de billets de monopoly. Répondre | Répondre avec citation |
A tu une idée de solution?
Etant philosophe, j'ai un problème pour chaque solution. Répondre | Répondre avec citation |
[Gandhi] Répondre | Répondre avec citation |
OPPRESSION
EXPLOITATION
MEPRIS.
Faut patienter une dizaine d'années et plus personne ne se souviendra que les droits de l'homme furent une belle théorie. Répondre | Répondre avec citation |
Les difficultés viennent par ce que ces mêmes droits ont été accordés à des entités non-biologiques : les "personnes" morales".
Je pense qu'il faudrait soumettre les "personnes morales" aux mêmes lois que les robots, dites "3 lois de la Robotique".
Pour réfléchir a ce problème d'une manière concrètement proche de la situation des chômeurs on peut choisir comme :
- "personne morale" : un couple au sein d'un même foyer fiscal
- "robot" : une plateforme de télétravail
- "entités biologiques" : un individu, sa nouriture et ses prédateurs.
Ainsi, à mon sens, il faut supprimer les droits des non-hommes pour que l'homme retrouve son droit. Répondre | Répondre avec citation |
Dis donc, ça phosphore un max !
Pour te dire que je suis bien content de revoir ta signature sur le site. Et bien heureux de lire ceci : "il faut supprimer les droits des non-hommes pour que l'homme retrouve son droit". Celle-là, je la garde bien au chaud !
Merci Répondre | Répondre avec citation |
je suis censuré Répondre | Répondre avec citation |
Article 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. Répondre | Répondre avec citation |
en même temps remarque, il est UMP.
a été sénateur etc ..
donc evidemment, ça dérange quand on sort des vérités dérangeantes pour leurs consciences, enfin + pour leur égo … Répondre | Répondre avec citation |
(il faut bien que bien les paysants votent pour moi)
Les droits de l'Homme ça suffit!
(il faut bien faire des affaires …avec les despotes) Répondre | Répondre avec citation |
OPPRESSION
EXPLOITATION
MEPRIS
Et je précise que l'EMT (évaluation en milieu de travail) ne dispense pas en plus d'une période d'essai !
Pour un CDD de 7 mois, j'ai eu droit à une semaine non rémunérée (la fameuse EMT…mais payée au Pôle Emploi !!) et un mois d'essai.
Et j'ai appris depuis par un avocat qu'un CDD ne peut pas être rompu sauf pour faute grâve. Répondre | Répondre avec citation |