Je présente ici, de façon un peu développée, un projet de mise en place d'un système de Revenu Universel dont l'objet est de garantir les bas revenus tout en simplifiant la gestion de l'Etat. D'actualité, non ?
par Simontrois, économiste, consultant… & chercheur d’emploi.
(Billet publié le 28 février 2006)
LE REVENU UNIVERSEL : Sécurité, Modernité, Liberté
J’entends ici par REVENU UNIVERSEL – RU, en abrégé - tout revenu inconditionnel, versé aux citoyens adultes et reconnaissant ainsi leur simple dignité de citoyen, indépendamment d’un quelconque travail, salarié ou non, mais soumis aux respect des lois, à la participation à un service civique et éventuellement l’obligation de participer aux élections.
Dès à présent nous voyons que les modification rapides et imprévisibles liées aux impératifs de compétition et au progrès technique, impliquent une mobilité accrue des femmes et des hommes au travail et l’aptitude des salariés à changer de contrat voire de lieu de travail et d’entreprise. Bientôt même, certains citoyens impliqués dans la complexité des processus économiques, devront être disponibles pour contracter simultanément avec plusieurs entreprises et/ou administrations. Bref, le travail, surtout le travail intellectuel et administratif, prend des formes nouvelles changeantes qui requièrent des capacités d’adaptation et sont de plus en plus difficiles à cantonner dans les formes de carrières classiques.
Sécurité …
Sans sécurisation d’une part au moins des revenus, la précarité psychologique que cette situation génère des résistances et une moindre adaptabilité. Pour finir tout le monde y perd : les salariés par les traumas subis, quand ce n’est pas la dérive vers l’exclusion et la grande pauvreté, les firmes qui doivent s’avancer masquées ce qui complique leur processus d’adaptation, parfois au moment même où l’adhésion des salariés à leur projet serait le plus nécessaire et qui cassent leur image sociale auprès de leur clients et globalement, le PIB qui s’établit à un niveau inférieur à son potentiel.
Un système qui garantirait à tous à partir de 18 ans, une partie appréciable du salaire et aux entrants dans le monde du travail, un substitut au salaire minimum, outre son effet stabilisateur sur les anticipations et la consommation globale de l’économie, rendrait moins pénible les pertes d’emplois et faciliterait grandement les reconversions en permettant aux acteurs d’anticiper les changements et de s’y préparer sereinement, par exemple par des formations mieux adaptées ; il permettrait en outre de mieux répartir les cotisations de retraites et de sécurité sociale aujourd’hui mises à mal par le chômage de masse ; Il y a en 2005 près de 19 millions de chômeurs indemnisés en Europe (EU25) et peut être autant d’exclus des indemnités. La perte de richesse collective est colossale !
La logique comptable des adversaires du RU est celle de l’autruche (la monnaie existerait «à priori» dans un stock défini) et de la tautologie ! (Le stock de monnaie d’aujourd’hui déterminerait celui de demain). C’est l’inverse qui devrait s’appliquer, c’est le potentiel de création de richesses qui devrait déterminer le volume de monnaie à créer et qui conditionne le risque d’inflation !
Depuis déjà plus de 20 ans en France, la timidité des politiques publiques favorisant l’investissement, l’innovation et la recherche qui sont pourtant les seules véritables sources de création d’emploi (et donc le moyen privilégié de combattre le chômage) a eu pour conséquence un déficit de PIB de l’ordre de 1% par an au moins.
La situation actuelle résulte du choix fanatique de réduire l’inflation à tout prix. Ce choix, avant tout politique, favorise les rentiers plutôt que l’investissement au détriment de l’emploi. Il est vrai toutefois que dans le contexte de compétition économique globalisé (mondialisation), les salaires sont devenus la variable d’ajustement.
Modernité !
Mais l’instauration du RU ne vise pas seulement l’instauration d’un système économique plus juste, il se veut aussi un outil de simplification considérable de l’action publique, dont la réussite n’est pas concevable sans une grande cohérence avec un système fiscal qui en parallèle, doit être profondément remanié. Dans cette cohérence, il est un aspect de la redistribution qui au fil du temps sera au fil du temps, ajustable à la productivité globale du pays, et permettant à tous d’avoir la garantie de bénéficier d’une part minimum de la valeur ajoutée globale (PIB) du pays. Le grand mérite du système serait de stabiliser la demande globale tout en libérant les adaptations économiques indispensables des entreprises.
Une politique cohérente à l’échelle continentale contribuerait fortement à la crédibilité et la pérennité d’un système de Revenu Universel ; toutefois il est peu probable qu’une telle décision puisse être prise dès à présent par les 25 pays de l’UE. Il serait bon toutefois que l’un des grand pays de l’Union tel que la France, en démontre l’exemplarité. La situation périlleuse où se trouve aujourd’hui notre pays exige en effet des réformes de grande ampleur qui tout à la fois rendent confiance aux gens, allège les structures étatiques, et stimulent l’économie : l’instauration d’un système de Revenu Universel est l’une des réformes dont notre pays à besoin.
L’essentiel est de parvenir à un système simple à comprendre par tous et facile à mettre en œuvre après un temps de préparation adéquat. Il est en effet capital d’éviter les travers technocratiques de la mise en place des 35 heures qui ont beaucoup contribué au discrédit d’une mesure qui a beaucoup profité aux classes moyennes mais (par définition) pas aux chômeurs et autres exclus de fait, du travail. Pour ma part je suis partisan d’un basculement en une seule fois dans le système du RU, après d’un temps de préparation et d’explication suffisant (au moins 2 ans).
Liberté …
L’instauration du RU permettrait enfin d’instaurer pour tous un véritable espace de liberté par rapport au travail, en particulier pour les moins bien armés, les plus faibles souvent promis de nos jours au confinement dans les métiers les moins bien payés, le travail à temps partiel forcé voire le non travail :
• Par la possibilité de se soustraire aux formes de travail les plus injustes, impliquant un grand nombre d’heures non payées et privant ainsi le salarié d’un temps qu’il pourrait utiliser pour compléter ailleurs ses revenus ou de choisir le repos.
• Par l’opportunité de dégager des périodes pour se former, se reconvertir et se donner des moyens réels d’une ascension sociale.
• En libérant toutes les personnes d’une part de l’angoisse du lendemain, qui les soumet à l’arbitraire de chefs d’entreprises ou d’une hiérarchie qui parfois abuse de leur situation.
• En généralisant pour tous, la possibilité d’emprunter et en améliorant celle de trouver un logement.
MA PROPOSITION
Je propose donc un système où l’Etat (via le Trésor Public) verserait à tout adulte (même aux retraités) ayant atteint l’âge de 18 ans et ayant accompli (ou s’engageant à le faire, après formation adéquate) un service civil, un revenu minimum équivalent au Smic net majoré (par exemple, actuellement 1.250 € mensuels ; soit 1.600 € brut).
En complément :
• Instauration d’un prélèvement à la source généralisé de l’impôt sur le revenu, prélevé sur les salaires par les employeurs et les banques (revenus mobiliers) et reversé au Trésor de façon informatisée.
• Les employeurs reverseraient au Trésor l’équivalent (en brut) du RU ou un prorata pour un salaire inférieur et paieraient les charges sur la partie des salaires dépassant le RU, à l’exception des cotisations chômage qui seraient supprimées et de la part des cotisations retraite en deçà du RU.
• En cas de licenciement, les employeurs continueraient de payer à leurs anciens salariés un différentiel de salaire (entre une part du salaire brut - avant licenciement - et le RU), et de payer sur ce différentiel les charges patronales, et ceci pendant la durée conventionnelle d’indemnisation, négociée avec les syndicats (actuellement, jusqu’à 36 mois maximum).
• Suppression du SMIC qui n’aura plus de raison d’être.
• L'UNEDIC disparaîtrait (une part des fonctionnaires ainsi rendus disponibles pourraient être affectés à l’administration des Finances ou de la Justice) ; le rôle de l’ANPE serait considérablement réduit : aide à la gestion du marché de l’emploi (plus d’obligation d’inscription, simple surveillance des condition de l’offre et des organismes de formation des salariés, travaux statistiques. (Peut être une fonction de contrôle des organismes de formation ?)
• Suppression de toutes les aides de soutien à l’emploi (suppression des allègements de charges pour les bas salaires, avec ici des économies considérables qui compenseront en grande partie l’augmentation liée au soutien des sans emplois et retraités).
• Maintien des Allocations Familiales, mais suppression des bourses après 18 ans, et des aides au logement. Et plus généralement de toutes les aides et subventions aux personnes adultes sauf cas de charges de vie particulièrement lourdes et inévitables. Une majoration du RU (à définir si un allègement fiscal est insuffisant) pourrait être prévue en compensation des difficultés d’accès à une vie sociale normale.
• Instauration d’une cotisation sociale généralisée (intégrant l’ancienne) de «régulation des revenus» assise pour le secteur marchand et collectivités territoriales soit sur les salaires soit sur la valeur ajoutée ou les deux. La cotisation actuelle sur les revenus mobiliers et immobiliers serait majorée.
• Un droit à la formation est reconnu à chacun, au-delà même des cursus scolaires et universitaires avec la possibilité de suivre un quantum d’heures de cours, à son initiative au cours de sa vie ; avec une priorité en cas de perte d’emploi, sous des formes à définir (les formations à distances, après validation qualitatives, seront privilégiées).
• De nouvelles taxes seraient aussi crées pour financer les nouvelles charges de l’Etat : on pourrait ainsi suggérer une taxe, non récupérable, sur la publicité (prospectus, journaux, télévision…). Eventuellement, majoration de la TVA de 1 à 2% à étaler sur 4 ou 5 ans pour en limiter l’effet inflationniste.
A noter que les cotisations de régulation des revenus seraient d’autant plus fortes que le chômage serait élevé et minimisées en cas de plein emploi ; les entreprises seraient ainsi incitées à embaucher et les actifs à revenu élevé ayant une forte épargne (donc de revenus non salariaux) à chercher un emploi en cas de chômage.
Le RU, qui doit se concevoir comme l’instrument central d’une politique de répartition des revenus, correspond à un pouvoir d’achat important redistribué aux catégories les plus modestes de la population sans exception ni conditions, qui vont ainsi pouvoir plus facilement se domicilier, emprunter etc… Cette injection de pouvoir d’achat va générer un surcroît de croissance et donc de revenus fiscaux et d’incitation à l’investissement par le secteur marchand ; on pourrait ainsi retrouver des taux de croissance supérieurs à 3% (entre 3 et 5%, en fait) selon la vitesse de mise en place du système, qui sera ainsi essentiellement financé par la croissance supplémentaire (outre les économies sur les charges de soutien à l’emploi devenues inutiles.)
D’autres dispositions en cohérence avec ce système, viseront à favoriser l’investissement : modulation de l’IS, de l’impôt sur la fortune, exonération des placements dans des projets ou entreprises innovantes ; l’impôt sur le revenu calculé après déduction de tous les autres impôts, sera revu à la hausse sauf pour les 2 premières tranches du barème les 4 premières tranches étant élargies : un impôt forfaitaire de 100 € jusqu’à 12.000 €. Sera payé par tous les contribuables.
Des mesures importantes doivent aider les très petites entreprises à améliorer leur productivité administrative (chèque emploi généralisé jusqu’à 10 ou 20 salariés, le RU étant alors directement versé au salarié par le Trésor public).
Le RU pourrait être indexé sur l’évolution du PIB réel (hors inflation) diminué d’un certain nombre de facteurs (énergies fossiles, dépenses liées à l’environnement).
Je voudrais aussi souligner, et ce n’est pas négligeable en matière de délinquance, que la disposition du RU supposerait évidemment le respect de la loi, tout fait de délinquance entraînant, après jugement sa réduction voire sa suppression (par affectation aux victimes, au paiement des amendes…). Une bonne part de la délinquance, liée à la pauvreté disparaîtrait, avec les coûts sociaux induits.
Objections
Un certain nombre de gens ne seront pas ou pas assez incités à travailler ; le système risque d’être inflationniste et serait peu incitatif pour les emplois peu qualifiés.
Incitation au travail : Il existera toujours une fraction de la population, qui pour des raisons diverses, souvent de santé, sera peu encline à travailler (tout comme une autre à travailler plus) ; il nous semble que cela dépend moins d’un système donné que de la position valorisante ou non pour la personne au sein de son environnement social : on ne peut souhaiter faire un travail démoralisant, démotivant privé de toute reconnaissance sociale, le salaire n’est pas, loin de la seule motivation au travail, mais la «sociabilité» en est une, essentielle, quoique souvent ignorée. ПрофиКаркас строительство домов по ключ в Киеве
L’argument selon lequel le RU conduirait à une désaffection à l’égard du travail peut être contourné en limitant la garantie de revenu plus ou moins fortement pour ceux qui refuseraient des conditions d’emploi au moins égales à celle de l’emploi perdu (à faire constater le cas échéant par un juge indépendant et non par les salariés des ASSEDIC ou ANPE) ou même en réduisant (via la fiscalité) le revenu disponible (20 à 30% ?) à un revenu inférieur au RU pour toute personne inactive en âge de travailler, depuis un quantum de mois à définir après négociation avec les organisations syndicales.
Par ailleurs, on peut imaginer, quoique dans un esprit de souplesse, des formes de travail obligatoire, sous forme de services divers qui pourraient être proposés via les collectivités locales aux «sans travail», ou mieux, à l’initiative des personnes concernées des formes services aux personnes administrativement simplifiées.
On peut aussi, comme déjà suggéré, organiser une sanction par la fiscalité (prélèvement d’un impôt forfaitaire pour ceux qui ne travaillent pas).
Cela dit, il restera toujours des gens "irrécupérables", pourquoi les contraindre à encombrer des organisations qu’ils vont perturber et qui pour certains d’entre eux ont un potentiel de créativité (arts, sciences, techniques) ? Pourquoi vouloir que tous entrent dans un moule unique ?
Inflation : dans l’Europe actuelle, la concurrence est telle que l’inflation ne serait guère affectée pas une hausse conséquente des revenus les plus défavorisés. Le domaine de l’immobilier peut se discuter, en raison du surplus de demande, mais outre que la forte inflation immobilière constatée depuis 6 ou 7 ans n’a pas attendu la mise en place d'un RU pour se manifester, on peut seulement dire que sa mise en place constituerait une compensation pour les bas revenus qui en sont victimes, une politique adéquate visant à majorer l’offre (taxation des logements inoccupés plus de 12 mois, financement accru de logement sociaux).
La gestion des prix et de la masse monétaire par la BCE ne serait pas affectée par le nouveau système, passé la période de mise en place qui se traduirait par une majoration substantielle des revenus les plus bas et surtout des exclus. La modulation par l’impôt sur les sociétés de la politique de l’investissement viendrait compenser d’éventuelles hausses de taux du crédit.
Le coût des emplois peu qualifiés ne serait pas nécessairement majoré, puisque en contrepartie de la suppression des allègement de charge des bas salaires, les salaires devraient baisser à un niveau minimum de marché (inférieur au Smic actuel). Le niveau de ce salaire dépendrait de la «pénalisation fiscale» imposée aux non travailleurs volontaires, il serait d’autant plus bas que cette pénalisation serait forte. (la cohérence de l’ensemble du système impliquerait – inconvénient, nous en convenons pour les femmes qui le choisissent - de pénaliser le travail à temps partiel). De toute façon, il y aurait un niveau de revenu pour lequel les postulants n’accepteraient plus de travailler. C’est la politique de revenus qui déterminerait le salaire minimum et non un Smic administré. L’Etat conserverait ainsi une capacité d’action en matière de politique sociale.
CONCLUSION
D’inspiration évidemment keynésienne, le RU serait essentiellement un instrument de régulation des revenus et de simplification des aides de l’Etat, au-delà des injustices au moins partiellement corrigées, tout en permettant une grande flexibilité en matière de coût du travail ; il aurait en effet le mérite de simplifier l’empilement de nombre de mesures sociales et de soutien à l’emploi auxquelles il se substituerait et de permettre de réduire le nombre des fonctionnaires affectés à la distribution de ces aides au profit d’autres fonctions où de la réduction du budget de l’Etat, que les évolutions démographiques en cours rendent possibles sans problème majeur dans les années à venir.
Le RU, tout en amorçant une modification sociale majeure du salariat n’induirait donc nullement, bien au contraire, la «fin du travail» ; il deviendrait par contre un outil parmi d’autres - mais incontournable - de sa régulation sociale, ainsi partiellement découplée de celle des revenus : un pas vers la limitation, sinon la suppression, de l’asservissement au travail salarié et vers plus de liberté humaine.
Je suis convaincu que passées les critiques initiales inévitables, le succès et l’efficacité de ce système, s’il était adopté en France, seraient vite contagieux en Europe, et qu’il serait ensuite adopté par de nombreux pays et par son attraction, un puissant facteur d’intégration européenne.
Bien sûr, l’adoption du RU devrait être soumise à référendum après les élections Présidentielles de 2007.
Simontrois
Post scriptum : Il reste, j’en suis conscient, de nombreux aspects à traiter, à commencer par la question de la transition de la situation actuelle au nouveau système, et du périmètre des bénéficiaires (ce qui fera intervenir les dispositions concernant l’immigration). Mais c'est un début !