Vous regrettez d'avoir perdu votre emploi et cherchez désespérément du boulot ? Voici un roman ébouriffant qui vous fera passer l'envie d'avoir envie de retourner dans le monde de l'entreprise.
Onze cadres d'une multinationale sont en réunion. De 11 heures à 13 heures, ce comité de direction va faire le point sur «le fonctionnement de l'entreprise, qui a réalisé une excellente année avec une marge opérationnelle de plus de 15% au dernier trimestre mais qui doit, plus que jamais, confirmer cette progression» en fixant de nouveaux objectifs. Leur président, «nettoyeur aux mains propres» qui a, lui aussi, le «dada de la rupture» et dont l'inculture crasse professe un «agréable nietzschéisme de salon», martèle «sa volonté de hisser l'entreprise au plus haut niveau de compétitivité et d'expertise pour devenir les leaders du secteur, [...] être les plus agressifs, les plus mordants».
Bref : les voici tous «condamnés à l'excellence», c'est une question de vie et de mort ! (En réalité ce n'est que la volonté des actionnaires, ces individus qui bénéficient de l'action des autres, consistant à transformer l'entreprise en une pépinière à dividendes.)
Bien sûr, il y a les «charges» qu'il faut s'acharner à réduire, car «les avantages acquis tuent l'économie». Contrainte et forcée, la DRH va se charger de purger toute cette «odieuse masse salariale» («on ne peut pas faire d'omelette sans casser des œufs», n'est-ce pas ?) : puisqu'on ne peut pas virer les croulants à cause de la contribution Delalande, on pourrait remplacer les quadras les mieux payés par des stagiaires diplômés et motivés payés un tiers du Smic, externaliser le service de courses, etc...
L'intérêt de ce roman, court et magistral, est de narrer le contenu de cette réunion en s'immisçant, tel les anges des Ailes du désir de Wim Wenders, dans le cerveau de chaque participant, à la manière des cercles de L’Enfer de Dante. Les pensées se succèdent, qu'elles soient intimes ou professionnelles, injectant de l'humanité… à l'inhumain. De l'arriviste facho à l'incompétent obsédé sexuel, de la femme de pouvoir qui méprise la testostérone à la célibataire esseulée et boulimique, du directeur (lui-même pressé par sa hiérarchie) sans pitié à la responsable du personnel totalement désespérée, qu'ils y contribuent ou qu'ils le subissent, tous sont prisonniers de l'enfer. Car l'entreprise est un monde totalitaire avec ses rituels, ses fondements, son organigramme, son «fürher» et ses «caudillo» grotesques. Assoiffée de profits, la voici devenue un «lieu de prédation institutionnalisée» où chacun de ses membres est en guerre contre les autres, et où chacun se déteste.
Sur les onze, neuf sont complètement dedans, névrosés, souffrants, pathétiques.
Mais deux sont ailleurs : l'un est au purgatoire, l'autre au paradis...
Ce compte-rendu de comité stratégique pourrait semblait caricatural mais quand on referme le livre, on se dit qu'il ne l'est pas vraiment. C'est cinglant, cynique, hilarant et indispensable. LPG masažas Vilniuje gera kaina, lazerinė depiliacija, lipotikai akcija, biorevitalizacija ir randų šalinimas lazeriu randų šalinimas
Sophie HANCART
Laurent QUINTREAU, Marge brute - Denoël/10-18 (2006) - 6,50 €