On dit qu'il ne faut pas mélanger l'amour et le travail. C'est rigoureusement vrai.
Pourtant, c'est le contraire qu'on nous inculque...
Dès le plus jeune âge, il faut déjà songer au métier qu'on exercera plus tard : le petit garçon qui annonce qu'il veut faire pompier ou aviateur est récompensé par le regard aimant de ses parents — qui, comme 12% des couples, se sont rencontrés au boulot. Au cours de son évolution, il comprend que le travail sera indissociable de son identité («Et toi, tu fais quoi, dans la vie ?») et pense qu'il sera, certainement, source de reconnaissance. Puis, en grandissant, il intègre de nombreuses expressions qui apportent au travail une touche sentimentale : «L'amour du travail bien fait», avoir «le cœur à l'ouvrage», etc...
Une touche qui ne cesse de se moderniser. Avec «J'aime ma boîte», première Fête de l'entreprise comme il y a la Fête de la musique ou la Fête des voisins, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic (?), tente chaque année de fédérer salariés et employeurs — on s'aime, on s'embrasse. La présidente du Medef, Laurence Parisot, connaît aussi la chanson mais son créneau, c'est l'escroquerie intellectuelle : par exemple, elle assimile la rupture conventionnelle à un divorce à l'amiable, comme si la relation entre le salarié et son patron était matrimoniale, induisant que le salarié va travailler par amour pour celui qui l'emploie par amour pour ses compétences. Sauf que, comme dit Gérard Filoche, «c’est toujours le même qui part avec les meubles».
Nicolas Sarkozy a aussi fait très fort avec sa «valeur travail». Flattant les petits cœurs de salariés naïfs en mal de reconnaissance, dressés dans la dignité du travail émancipateur, il a réveillé leur amour-propre en rendant hommage à leur dur labeur. Mais cette valeur symboliquement anoblie est en pacotille car, en réalité, pour ceux qui les emploient, le travail n'est qu'un instrument de profit et, avant toute chose, un coût à réduire dès que l'opportunité se présente : ceux qui l'exécutent sont de simples variables d'ajustement, des pions à moindre frais dont on se débarrasse sans état d'âme malgré leur loyauté, leur talent, leur vaillance. Quant à Nicolas Sarkozy, sa «valeur travail» signifiait : Ouvriers, employés, votez pour moi !
Plus le monde du travail devient inhumain, plus ceux qui s'enrichissent sur la sueur de ceux qui le fournissent usent de manipulation sémantique afin de lui donner un vernis d'humanité. Plus on injecte de l'affect dans le travail, plus l'intention de tromper le salarié est grande.
Revenons au rapport amoureux. Avec sa «valeur travail», Nicolas Sarkozy s'est comporté comme un Don Juan qui raconte des sornettes à une fille pour la mettre dans son lit. Don Juan copule à la chaîne : sa méthode est rodée et la plupart de celles qu'il aura séduites se seront imaginées que c'est de l'amour alors qu'il voulait juste… les baiser. Et quand c'est fait, on passe à une autre. Pareil avec les salariés : tant qu'ils s'imaginent qu'on les aime, ils se laissent abuser et deviennent jetables.
Pourtant, au fond d'eux-mêmes, ils le savent bien : la logique patronale considère que le rôle des entreprises n'est pas de créer ou maintenir des emplois mais de gagner de l'argent le plus vite possible. Au travail, c'est bel et bien la rentabilité qui compte, pas les sentiments ! Pour ne pas se faire avoir, ceux qui bossent devraient épouser cette logique et ne s'escrimer, eux aussi, que pour le fric, pas pour la gloire ! Travailler pour vivre, et non vivre pour travailler. Cesser d'être fiers, au nom de l'amour du travail bien fait, d'effectuer des heures qu'on ne leur paiera pas. Avoir du cœur à l'ouvrage pour la somme de travail qui correspond à la rémunération accordée, sur le principe du «À mauvaise paye, mauvais boulot». C'est comme ça qu'on repousse les assauts des Don Juan du libéralisme économique.
Mais, hélas, le cœur l'emporte sur la raison… Jusqu'au jour où on se fait jeter.
Quand le travail n'est plus, l'estime de soi en prend un coup. «Divorcé» malgré sa fidélité, ses sacrifices, ses bons et loyaux sévices, on se sent trahi, mal-aimé. Mais c'est comme ça : «[…] L'amour est précaire, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?» s'interrogeait Laurence Parisot. Vite, il faut surmonter son chagrin et trouver un autre patron à aimer, pour qui on ira trimer. Redevenir sexy aux yeux de la société.
Pour cela, il faut partir à la conquête du “marché de l'emploi”, s'offrir en déployant mille séductions. Mais quand celui-ci vous rejette malgré vos qualités, vos efforts, votre belle mise, que faire ? Il faut insister, nous dit-on : Si on vous fait sortir par la porte, il faut rentrer par la fenêtre. Relooking, coaching, training, brainstorming... «Accroche-toi Jeannot !», ironisait Guy Bedos. La drague peut durer longtemps et virer au cauchemar. On ne le dit pas souvent, mais le quart des inscrits à Pôle Emploi sont des chômeurs de longue durée. Pour certains, la vaine recherche a duré plusieurs années avant qu'ils ne sombrent dans le découragement. Ensuite, la société toute entière se charge de stigmatiser leur «célibat social» et leur misère professionnelle ou financière. (Quant à leur misère sexuelle, des affairistes s'en chargent.)
Pourtant, que dit-on à celui/celle qui convoite un amour impossible ? «Laisse tomber, ce mec/cette fille n'est pas pour toi». Qu'éprouve-t-on envers une femme qui, des années durant, persiste à croire que son petit copain l'aime alors que c'est faux, qu'il l'humilie, la fait marcher et que ce qui l'intéresse, c'est d'avoir un vagin à disposition ? De la pitié (on va peut-être même soupçonner cette “harceleuse” d'érotomanie)... Et que dit-on d'une personne indépendante et exigeante qui ne s'en laisse pas conter ? Qu'elle est forte et équilibrée. This posodeystvuyut video chat services, and more precisely when it cam chat with a probability model to build sobesednitsu sex chat gratuit These can be used to do live sex video chat if you like, but please be careful about who you talk to on the internet: not everyone is your friend, or even of the gender that you have been led to believe
Alors, pourquoi dit-on le contraire du chômeur lassé de courir après les faveurs d'un marché de l'emploi qui l'ignore, le discrimine, ou ne lui propose que des petits coups à tirer de temps en temps (c'est-à-dire des boulots précaires) ? Réponse : parce que ce qui est limite valable en amour ne l'est pas pour le travail, CQFD. L'amour au travail, c'est du conte de fées pour adultes, qu'on se le dise ! Si l'amour au travail existe, c'est sous sa forme sadomasochiste, avec sa vaseline, son latex et ses fouets; ses dominés et ses dominants. Les dominants n'étant rien sans les dominés, le but du jeu, c'est que les dominés soient nombreux et consentants… ou pas conscients de l'être ! D'où la nécessité d'enrichir le langage courant de vulgates qui injectent un peu d'amour là où il n'y en a pas, mais alors pas du tout.
Sophie HANCART