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L’invité : Hervé Séryeix

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Entrepreneur, professeur à Paris VIII (St Denis), délégué interministériel à l'Insertion des jeunes sous Juppé puis sous Jospin, membre du Conseil Économique et Social, Conseiller du commerce extérieur, Vice-président de la FFGE (Fédération Française des Groupements d'Employeurs), Hervé SÉRIEYX a publié son dernier livre «Coup de gueule en urgence» en septembre 2004. Son ouvrage, qui traite du conservatisme et des inconséquences nationales qui menacent notre contrat social — liberté, égalité, fraternité — propose des moyens pour préserver cette spécificité française.


Hervé SÉRIEYX a écrit ou co-écrit 21 livres dont quelques best-sellers : L'entreprise du troisième type vendu à 200.000 exemplaires - Zéro mépris vendu à 100.000 - Le big bang des organisations qui traite de la pénétration de la pensée complexe dans le management, vendu à plus de 60.000 exemplaires.

Tirées de cette interview, quelques petites phrases qui tuent et en disent long sur l'engagement d'un "homme libre" qui gravite dans les plus hautes sphères :

• François Bayrou, l'homme talentueux qui sait ne rien faire, l'homme qui ne fait pas de vagues : avec lui pendant 4 ans il n'y a rien eu, ni grève ni changement !

• Alors que j'avais été nommé par un gouvernement de droite, et malgré mes penchants politiques (…), je dois reconnaître que ce sont les ministres de gauche qui m'ont le plus aidé.

• Les dirigeants, les cadres d'entreprises et le monde syndical sont totalement fermés, récalcitrants à l'ouverture et aux changements.

• Le mode de fonctionnement des entreprises doit passer par des femmes et des hommes qui soient capables de donner du sens au travail des autres.(...) Les cadres français ne sont pas bons, ce sont des techniciens avant tout alors que la qualité humaine des personnes est primordiale.

• Il vaut mieux embaucher un diplômé atypique qui aura du vécu, plutôt qu'un major d'HEC qui n'a pensé qu'à sortir premier de sa promotion et n'a jamais rien vu, rien connu.

• L'emploi salarié est gravement mis en cause par l'irruption du modèle anglo-saxon. (…) Suite aux scandales d'Enron et de Worldcom, le Congrès américain a voté en juillet 2002 la loi Sarbanes-Oxley qui rappelle que l'entreprise est bien un collectif d'actionnaires qui maximisent leurs mises. (...) Pour mieux séduire les actionnaires, les retours sur capitaux pour les gros porteurs doivent être de 10 à 15% par an. Et toute entreprise dans le monde détenant plus de 20% de capitaux d'origine US doit donc obéir à cette loi, ce qui représente plus de la moitié des entreprises du CAC40 ! Quand on sait que le taux de croissance mondial maximum est de 3% par an, vous imaginez l'aberration !


Actuchomage : Racontez-nous votre parcours...

Hervé SÉRIEYX : Dans ma vie professionnelle (longue, 42 ans que je bosse !), j'ai été secrétaire général d'un département de Thomson, puis consultant pendant 15 ans chez Eurequip. Nos équipes - une centaine de consultants expatriés - accompagnaient des investisseurs français ou américains (Total, Elf…) dans le recrutement et la formation des salariés locaux : nous effectuions des transferts de technologies en Indonésie, au Nigeria, au Venezuela…, et nous mettions en place des managements mixtes à l'aide d'économistes et de sociologues locaux, c'était passionnant ! A la disparition des grands projets français dans les années 80, j'ai ensuite "pantouflé" chez un de mes clients (Lesieur, 8.000 personnes) en tant que Directeur général adjoint chargé du Développement, mais le groupe a explosé avec la mondialisation. Et je suis revenu chez Eurequip, qui avait 250 salariés (Lesieur et Eurequip avaient un actionnaire commun, la BNP, qui m'a demandé de revenir en tant que président).

Puis j'ai tout quitté pour devenir professeur d'université à Paris VIII, donc à St Denis, où les élèves sont majoritairement issus de cultures métissées : les pédagogies à appliquer ne sont pas du tout les mêmes, parce que les structures intellectuelles et les modèles historiques de ces jeunes de grande qualité sont différents des nôtres. On sait que les entreprises ne font pas ce qu'il faut pour les accueillir, et si elles ne l'envisagent pas durablement, on est mal barrés. Cette expérience est donc à l'origine de mon prochain livre dont le titre provisoire est "Beurs, blacks et entreprises, responsabilités partagées", que je co-écris avec Jamila Ysati, une post-doctorante franco-marocaine et musulmane.
Puis j'ai créé ma boîte - L'Institut Européen du Leadership - avec Gabrielle Roland, une femme passionnante qui a écrit sur l'entrée des femmes dans le monde professionnel, notamment "Colère à deux voix" : là encore situation "métissée", les femmes et les immigrés c'est presque pareil, le numerus clausus, le plafond de verre… Puis nous avons revendu notre société six ans après.

Le hasard de ma vie a fait qu'ensuite Alain Juppé m'a nommé Délégué interministériel à l'insertion des jeunes en difficulté, et très vite le "jeune en difficulté" s'est avéré être Juppé lui-même, puisqu'il a été remplacé par Jospin et que j'ai eu l'agréable surprise d'être maintenu dans mes fonctions. J'ai donc successivement travaillé avec quatre ministres de droite, puis de gauche. J'ai eu d'abord Barrot, Drut, Arthuis et... (trou de mémoire) …Bayrou ! (rires), "l'homme talentueux qui sait ne rien faire", "l'homme qui ne fait pas de vagues" : avec lui pendant 4 ans il n'y a rien eu, ni grève ni changement ! Les quatre ministres de gauche étaient Allègre, Martine (Aubry), Buffet et Strauss-Kahn. Alors que j'avais été nommé par un gouvernement de droite, et malgré mes penchants politiques (je me dirais "centriste" mais je m'en fous, ce qui m'intéresse ce sont les problématiques), je dois reconnaître que ce sont les ministres de gauche qui m'ont le plus aidé, avec beaucoup de cœur, surtout Martine et Buffet qui ont été formidables.

Puis Entreprises et Cités (la plus grosse organisation patronale, plus importante que le Medef) m'a appelé à Marcq-en-Barœul dans le Nord-Pas-de-Calais, remarquable poumon socio-économique de cette région. Quand on quitte Paris on découvre les réalités territoriales, les séparations politiques s'estompent et les gens travaillent pour leur territoire. Entreprises et Cités avait racheté des sociétés de conseil dont Quaternaire, fondée en 1973, ayant un peu plus d'une centaine de consultants : j'en suis le président du Conseil de surveillance, après avoir été patron du Directoire.

Actuchomage : Et quel est votre lien avec le Conseil Economique et Social ?

Hervé SÉRIEYX : J'y ai siégé par deux fois, au titre de "PQ" (sourires), les "personnalités qualifiées" choisies par Jacques Chirac. Ce n'était pas très important !
J'ai surtout écrit 21 livres, bientôt 22. Pour autant, je ne me considère pas comme un écrivain : écrire fait partie de mon processus personnel d'apprentissage, un point sur une tranche de vie, et j'ai besoin d'aller rencontrer des gens, de les interviewer, de lire des livres. Chaque fois j'en apprends un peu plus.

Actuchomage : À 67 ans, avec ce parcours incroyablement éclectique, vous êtes donc un touche-à-tout ?

Hervé SÉRIEYX : Il y a un invariant dans tout ça, et je me sens terriblement cohérent et homogène. Je crois très profondément, viscéralement que ce qui fait l'évolution du monde, ce sont les personnes au cœur des organisations. C'est mon fil conducteur : on peut changer le monde, même modestement, et ce sont des individus qui portent les changements.
Par exemple, à la fin des années 70, l'industrie française - et les services aussi - s'effondraient parce qu'on pensait que la qualité, ça se contrôlait. Je me souviens d'avoir fait des discours pour dire que la qualité, ça ne se contrôle pas mais ça se fabrique, c'est une autre façon de faire qui coûte moins cher et qui rapporte plus. Peu à peu, la vision de la qualité en France se transforme grâce à quelques personnes qui le martèlent : la qualité, le mode de fonctionnement des entreprises passent par des femmes et des hommes qui sont capables de donner du sens au travail des autres. Mais il y a toujours un tropisme fatal qui fait que les cadres français ne sont pas bons, ce sont des techniciens avant tout alors que la qualité humaine des personnes est primordiale, et ça ne marche que si l'on est animé, conduit par des individus qui ont un minimum de qualités humaines, ce qui n'est pas fréquemment le cas...

Actuchomage : N'avez-vous jamais envisagé d'embrasser une carrière politique ?

Hervé SÉRIEYX : Mais j'ai l'impression d'avoir fait beaucoup de politique... à ma manière ! Sincèrement, je crois qu'on ne changera rien avec les partis politiques. Par contre, je suis un démocrate et je crois aux vertus de l'alternance : tous les cinq ans, un foulard bleu, un foulard rouge, pour éviter la captation de pouvoir.
Il y a longtemps, on m'a parlé de la "ratologie" : les rats sont des bestioles terriblement intelligentes et quand une colonie est attaquée, ils se massent en rond autour de leur roi pour le protéger ; on a remarqué qu'une vingtaine de rats encercle son roi en mettant chacun sa queue dans la gueule de l'autre. C’est le cœur du dispositif. On a aussi constaté que la population de ces rats proches du roi est hétérogène : mâles, femelles, gros, petits, vieux, jeunes, noirs, gris… mais ils ont en commun la même odeur. Je suis hanté par cette idée que ce qui fait le changement d'un pays (ou son absence de changement) c'est de savoir d'où émanent les ordres, c'est-à-dire l'énergie qui défend le système : est-ce que ce sont des gens qui ont l'odeur de la réaction, du conservatisme (de haut comme en bas, de droite comme de gauche), ou est-ce que les impulsions partent d'un roi des rats positif, qui a envie que le monde change à travers les personnes qui l'entourent ?
Les rois des rats existent chez nous : j'en connais, chacun dans leur domaine, et ce sont de parfaits inconnus car le monde ne peut changer qu'avec des inconnus. Dès qu'on devient visible on devient conforme, esclave de la représentation mentale qu'on se fait de vous. Pour mener à bien les changements il faut rester non-conforme, donc inconnu. Car quand on est connu, on ne peut plus compter.

Actuchomage : Mais pourquoi a-t-on l'impression que la société française reste globalement statique, voire sclérosée malgré les exemples concrets que vous évoquez ?

Hervé SÉRIEYX : L'entreprise française serait morte si elle avait persisté à fonctionner comme avant, avec des produits chers et de mauvaise qualité. Par exemple, quand j'ai démarré à la Thomson, les ingénieurs de fabrication étaient promus selon le nombre de radio transistors qu'ils sortaient de la chaîne (vive la quantité, périsse la qualité !) et en bout de chaîne, on avait des ingénieurs qualité qui eux étaient promus en fonction des défauts qu'ils interceptaient. Résultat, on refabriquait deux fois les produits mais on s'en moquait, c'était les Trente Glorieuses, on avait les clients et le fric. Aujourd'hui, avec les petits Chinois qui font la même chose que nous mais beaucoup mieux et beaucoup moins cher, et des salaires + charges 30 fois inférieurs, on ne peut plus jouer à ça. Heureusement qu'il y a eu, fin 70 début 80, des gens qui sont intervenus pour limiter la casse (je signale en passant que la même chose est en train de se produire dans le domaine financier) et les changements ont été faits en dehors des institutions type CNPF - l’ancêtre du Medef - ou autre, malgré qu'en France toute tentative de changer quoi que ce soit sans passer par les institutions est sévèrement brimée !
D'un point de vue sociétal on va lentement, mais les changements sont considérables. Il y a plus de femmes au travail qui ont de plus en plus de responsabilités. On a tout de même eu la gauche en 1981 alors qu'à l'époque ça semblait impossible, et les capitaux ne partent plus en Suisse. On a donc appris à vivre avec l'autre. Il y avait un sacré écart entre le système éducatif et l'entreprise : maintenant l'enseignement s'est ouvert aux entrepreneurs. En 1980, on ne pouvait pas parler de fesse, on était un pays très conventionnel, très convenu ! Aujourd'hui, c'est un peu trop et il faudrait même réinventer le péché (rires)... La France a beaucoup évolué, mais il y a des choses qui n'ont pas évolué du tout : les dirigeants et les cadres d'entreprises, et le monde syndical, qui sont totalement fermés, récalcitrants à l'ouverture et aux changements.

Actuchomage : Alors d'où vient ce "coup de gueule en urgence", puisque vous nous dressez un tableau de la France somme toute plutôt positif ?

Hervé SÉRIEYX : Des changements il y en a eu plein, mais en périphérie. J'ai découvert que la France n'est pas un pays de droite ou de gauche, mais un pays d'État. Par exemple les deux gouvernements auxquels j'ai participé - de droite et de gauche - ne pensaient pas du tout que l'entreprise crée de l'emploi mais qu'elle en supprime, et que ce qui va créer de l'emploi, ce sont les mesures ! Alors on fait une réunion interministérielle et un crâne d'œuf arrive avec une mesure, et on se demande qui va la mettre en œuvre, quel ministère va ordonnancer la dépense, puis enfin le monde de l'entreprise refait surface dans les consciences et on se dit qu'il faut impliquer les partenaires sociaux. En dépit de cette mentalité bizarre, l'économie française ne se porte pas trop mal pour l'instant, mais plus à droite qu'à gauche on se retranche derrière l'Etat et on croit qu'il est tout ! Et quand on me dit que le gouvernement actuel est libéral, par rapport aux Etats-Unis, Madelin est à l'extrême gauche de Kerry car - tout comme moi et beaucoup d'autres - il accorde une grande importance à l'État ! Tout dépend du sens que l'on donne au mot "libéral".
Je suis frappé de voir combien, parmi les 25 pays européens, nous ne sommes plus que deux pays (l'Allemagne et la France) à ne pas avoir la mentalité anglo-saxonne. Mon coup de gueule, c'est de dire que nous avons une richesse folle, étonnante avec nos systèmes de solidarité, les services publics, l'État, et que si on veut les défendre il faut se réveiller ! Mon souci ce n'est pas que la France ne bouge pas, mais de voir que la France est en train de devenir un état américain, qui perd sa spécificité et son originalité. Depuis 1789, on a troqué Dieu contre la République, et cette transcendance a fait notre contrat social : liberté (de circuler, de parler…) - égalité (des chances) - fraternité (nos systèmes de solidarité, l'accès aux services publics…). Tout ceci est financé par l'impôt et surtout l'emploi salarié, qui est gravement mis en cause par l'irruption du modèle anglo-saxon. Car, j'en rappelle la définition, l'entreprise anglo-saxonne est un collectif d'actionnaires qui maximisent leurs mises. En France, l'entreprise est un collectif de salariés ayant une activité qui cherche à satisfaire ses clients pour ensuite investir, durer, augmenter ses salariés et rémunérer le capital, convenablement mais sans excès. Jacques Lesourd disait que la France est le seul pays collectiviste qui réussit : c'est une économie administrée.

Actuchomage : Alors que faire pour conserver notre spécificité ?

Hervé SÉRIEYX : Pour s'en tirer, il faut d'abord savoir ce qu'il se passe. Je suis frappé de voir que la plupart des français n'ont pas vu le modèle anglo-saxon arriver dans leurs entreprises, et je rappelle qu'il nous est imposé ! Suite aux scandales d'Enron et de Worldcom, le Congrès américain a voté en juillet 2002 la loi Sarbanes-Oxley, qui rappelle que l'entreprise est bien un collectif d'actionnaires qui maximisent leurs mises, et qui décrète donc que les managers ne doivent plus piloter l'entreprise mais exécuter les ordres du Conseil d'administration, qui dirige tout. Pour mieux séduire les actionnaires, les retours sur capitaux pour les gros porteurs doivent être de 10 à 15% par an. Et toute entreprise dans le monde détenant plus de 20% de capitaux d'origine US doit donc obéir à cette loi, ce qui représente plus de la moitié des entreprises du CAC40 !
Ce système ne fonctionne qu'à très court terme : pour comprimer les coûts, puisqu'il faut cracher de 10 à 15% de bénéfices aux actionnaires, il oblige aux délocalisations de la chaîne de valeur de l'entreprise et aux externalisations (appel à la sous-traitance). Quand on sait que le taux de croissance mondial maximum est de 3% par an, vous imaginez l'aberration ! La loi Sarbanes-Oxley, elle se fout du personnel : imaginez que Renault ou Peugeot s'y plient, et on est morts ! Car ce sont nos emplois qui garantissent notre contrat social. La devise des Etats-Unis n'est pas du tout "Liberté, Égalité, Fraternité" mais "Liberté" et ensuite démerde-toi ! Paie-toi ta retraite, paie-toi ta sécu, et le service public on connaît pas, etc… Si on veut maintenir l'emploi français pour garder notre héritage de 1789, il faudra donc travailler autrement !

Actuchomage : Que proposez-vous face à ce bulldozer ?

Hervé SÉRIEYX : Tout d'abord, on ne pourra pas faire reculer le modèle anglo-saxon : on n'arrête pas un raz-de-marée avec un dé à coudre. À nous de faire en sorte que nos entreprises puissent continuer à la fois de se développer tout en crachant ces résultats. Il y a des façons de faire, et il y a des entreprises qui le font tout en se développant (je pense à Air Liquide dont le fonctionnement est très inhabituel).
Je sors ma petite équation qui dit que la performance d'une boîte est égale à sa valeur ajoutée divisée par ses coûts. Pour augmenter la performance, deux options. Ou l'on s'attaque au dénominateur (c'est la stratégie du boucher : on coupe les coûts, ce que font toutes les entreprises françaises), mais plus je diminue mon dénominateur et moins je peux le diminuer. C'est donc une stratégie de très court terme. Ou l'on augmente la valeur ajoutée (c'est-à-dire faire plus avec ce qu'on a, donc être intelligent : c'est la stratégie du boulanger qui fait lever le pain), et ça passe par des méthodes de management inédites, enseignées nulle part, un vrai champ ouvert. Il faut être impitoyable sur le choix des hommes. Nos entreprises sont encore terriblement marquées par le taylorisme : répartition des tâches + hiérarchie… Les petits Chinois travaillent de cette façon mais pour moins cher, si on continue dans cette voie on est morts ! Pourtant, mieux que l'organisation scientifique du travail qui consiste à additionner le résultat de tâches prédéfinies exécutées puis contrôlées par des "gorilles", c'est la multiplication de l'intelligence interactive autour d'objectifs partagés qui nous permettra d'augmenter nos performances, et cela passe par le management ! Il vaut mieux embaucher un diplômé atypique qui aura du vécu, plutôt qu'un major d'HEC qui n'a pensé qu'à sortir premier de sa promotion et n'a jamais rien vu, rien connu.

Actuchomage : Votre discours est malheureusement marginal... Le recrutement ne se fait pas sur ce modèle !

Hervé SÉRIEYX : Oui, mais j'ai la chance d'être connu dans le monde de l'entreprise et de donner des conférences depuis 1982 (plus de 3.000, jusqu'à 3 par semaines), je rencontre des chefs d'entreprises et des patrons de PME dans des séminaires… Sur ces thèmes-là on n'a pas encore gagné, mais c'est fou ce que ça s'ébranle ! Pour en revenir au rôle politique, ce ne sont pas les lois qui changeront quelque chose. Le plan de cohésion sociale est bien sympathique, j'aime beaucoup Borloo, mais voilà un "roi des rats" qui n'en n'est plus un : désormais prisonnier de son image et de ce qu'on attend de lui, il ne fera plus rien. Mais la France change sans le savoir, il y a des progrès de fond dans les régions, des gens de droite qui travaillent avec des gens de gauche, ce n'est plus Peppone et Don Camillo. Pour contribuer aux progrès et faire changer le système, il faut être un "maranne" (juif espagnol converti de force par Isabelle la Catholique mais qui, en secret, continuait à satisfaire aux règles du judaïsme) ou un "marginal sécant" (ni dedans, parce que si on bouge on se fait assassiner, ni dehors parce qu'on n'est pas crédible). Il faut en avoir l'air, tout en restant ce que l'on est. Faire partie des institutions, en n'en pensant pas moins.


Propos recueillis par Yves Barraud et Sophie Hancart

© Actuchomage – Février 2005
Mis à jour ( Samedi, 17 Octobre 2015 14:00 )  

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