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Chômeurs : les «incontournables de Noël»

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Amis chômeurs, vous n'êtes pas prêts de retrouver du boulot ! Vous pouvez donc décider de mettre à profit votre temps libre pour faire le point sur la situation. C'est bientôt Noël : voici quelques idées de cadeaux pas chers qui vous apporteront joie, lucidité et espoir.

On le sait, l'année qui se profile sera très noire : chaque jour, quelque 2.000 nouveaux chômeurs iront s'inscrire à Pôle Emploi. A ce jour, cet organisme ô combien impuissant compte déjà 5,6 millions d'inscrits. Gageons qu'à ce rythme, qu'ils seront 6 millions avant fin 2013.

C'est la crise ! Inutile de paniquer — le gouvernement, lui, ne panique pas du tout… —, car vous voyez bien que vous êtes loin d'être seul(e). Six millions de chômeurs et de précaires, franchement, ça a de la gueule ! Mais 6 millions de chômeurs et de précaires qui réfléchissent, ça peut aussi peser sur l'avenir.

Certes, vous n'êtes peut-être pas habitué à tout ce temps libre qui s'offre subitement à vous. Toutes ces heures à tuer quand on n'est plus sur des rails, c'est flippant. Imposées et décriées, elles sont vécues comme un malheur. Pourtant, rien n'est plus précieux : même si vous ne le mesurez pas encore, le temps libre du chômeur est son seul privilège, et surtout sa plus grande richesse.

La manière la plus simple, la plus stimulante et la moins chère d'en profiter, c'est la lecture, activité souvent reléguée au placard quand on a la tête dans le guidon. Le chômage vous donne l'occasion de vous y (re)mettre. On peut s'inscrire à la bibliothèque, ou attendre une occasion comme Noël. Loin des possessions matérielles qui ne procurent qu'un plaisir de court terme, nous vous proposons d'opter pour une jouissance durable et 100% non polluante. Loin des affres du boulot, question de penser vos plaies, nous vous proposons de réfléchir à ce qui vous a été enlevé : LE TRAVAIL.

Dans cette modeste sélection de cadeaux «Spéciale chômeurs», voici quelques ouvrages fondamentaux — et hautement subversifs — que tout privé d'emploi se doit de lire afin de comprendre ce qui lui arrive — ce qu'il a perdu, mais aussi gagné —, se débarrasser de sa culpabilité, compenser sa pauvreté monétaire par un inestimable enrichissement intellectuel, et envisager de nouvelles perspectives de vie — pour ne pas dire civilisationnelles.
Car le chômeur, pionnier de la décroissance, est l'Homme du futur.


Commençons par ce pamphlet que Pôle Emploi devrait remettre à tout nouvel inscrit : Le droit à la paresse de Paul Lafargue (1880). Réédité en 2010 au prix modique de 7 € et préfacé par Gérard Filoche, c'est un incontournable. Mais avec un titre pareil, il est clair que Pôle Emploi ne vous l'offrira pas ! Il faut donc le demander à votre entourage, ou l'acheter vous-même avec votre ARE ou votre prime de Noël : c'est non seulement un investissement solide, mais d'un rapport qualité-prix imbattable !

Paul Lagargue dénonce le culte du travail et l'exploitation sauvage des hommes et de la nature. Pointant les dégâts de la surproduction qui génère du chômage, ce visionnaire savait déjà qu'elle créait des «besoins factices», que «les produits sont adultérés pour en faciliter l'écoulement et en abréger l'existence». Cette frénésie, «désastreuse pour la qualité des marchandises», va jusqu'à «violer les lois de l'honnêteté commerciale» et pire, les Droits de l'homme, «concoctés par les avocats métaphysiciens de la révolution bougeoise» qui ne sont à ses yeux que les droits de l'exploitation capitaliste. Selon lui, «tous les maux individuels et sociaux sont nés de la passion pour le travail» et le "droit au travail", tant réclamé par ses adeptes, est celui de la misère. Lafargue inspira ensuite le syndicaliste Emile Pouget dans son manifeste de 1910 intitulé Le Sabotage : «L'oisiveté serait mère de tous les vices et le travail une vertu, la plus belle de toutes les vertus... Il est inutile d'observer que cette morale est à l'usage exclusif des prolétaires, les riches qui la prônent n'ayant garde de s’y soumettre : l'oisiveté n'est vice que chez les pauvres.»

Même constat, un demi-siècle plus tard, dans l'incontournable Éloge de l’oisiveté de Bertrand Russell (1932). «Considérer le travail comme une vertu suscite aux hommes un tort immense», pensait-il. S'il avait connu Nicolas Sarkozy, ce philosophe et mathématicien gallois aurait farouchement combattu son idéologie du "travailler plus pour gagner plus", lui pour qui «la voie du bonheur et de la prospérité passe par une diminution méthodique du travail».

«Il existe deux types de travail, disait-il : le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matière; le second, à dire à quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé; le second est agréable et très bien payé. […] La morale du travail est une morale d'esclave, et le monde moderne n'a nul besoin de l'esclavage.» Puis de conclure avec grande sagesse : «Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi à la place le surmenage pour les uns et la misère pour les autres. En cela nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n’y pas de raison de persévérer dans la bêtise indéfiniment...»

Nous vous recommandons aussi l'excellent Éloge de la démotivation de Guillaume Paoli (2008), philosophe et initiateur du mouvement berlinois des «Chômeurs Heureux» dont il rédigea en 1996. Il nous explique pourquoi il est tout à fait normal voire parfaitement légitime d'être démotivé dans notre société de marché, surtout à l'heure actuelle, et pourquoi cette démotivation est même une chance. Il nous rappelle que le but d'une entreprise n'est pas de créer des emplois mais de gagner de l'argent. Il nous invite à la résistance passive en accomplissant un véritable travail de sape. Car l'inertie est une force et le meilleur moyen de faire tomber le système, c'est de ne plus avoir besoin de ce qu'il veut nous offrir.

Autre perle que vous pouvez commander au Père Noël, certes moins consistant mais tellement hilarant, le célèbre Bonjour Paresse de Corinne Maier (qui a aussi publié Ceci n'est pas une lettre de candidature, ou tout ce que vous aimeriez écrire à un recruteur sans oser poster la lettre). Elle y critique l'Entreprise, grande pourvoyeuse de lâcheté et de servilité, haut lieu de la médiocrité, du gaspillage et des faux-semblants, qui cultive le parasitisme et la langue de bois. On lui a reproché de cracher dans la soupe : elle n'a pourtant dit que la vérité.

Enfin, on ne peut avoir avoir une réflexion approfondie sur le travail sans lire André Gorz (1923-2007), grand penseur de la critique sociale et philosophe avant-gardiste qui développa très tôt les premières bases de l'écologie politique, s'interrogea longuement sur la place du travail — sa définition, son organisation, son utilité — et du temps choisi, invoquant la nécessité d'un revenu de base inconditionnel garanti à tout citoyen. L'ouvrage collectif André Gorz, un penseur pour le XXIème siècle, nous ouvre l'opportunité de découvrir ses travaux et de mesurer l'acuité de sa pensée à l'heure de cette crise.

«Avec le recul du poids du travail salarié dans la vie de tous et de chacun, disait-il, le capital risque de perdre le pouvoir sur les orientations culturelles de la société. Il fait donc tout pour que les gens demeurent culturellement incapables d’imaginer qu’ils pourraient s’approprier le temps libéré du travail, les intermittences de plus en plus fréquentes et étendues de l’emploi pour déployer des auto-activités qui n’ont pas besoin du capital et ne le valorisent pas. Nous avons donc affaire, en France plus encore que dans les pays voisins, à une campagne idéologique très soutenue pour verrouiller, pour tuer l’imagination sociale, pour accréditer l’idée que le travail salarié est la seule base possible de la société et de la cohésion sociale, que sans emploi on ne peut rien faire, on ne peut disposer d’aucun moyen de vivre dignement et activement. Pour ce faire, nos minima sociaux restent misérables. On accrédite l’idée de l’assistanat. […] On fabrique méthodiquement des gens incapables de se concevoir comme les sujets de leur existence, de leur activité et de leurs liens sociaux, des gens qui dépendent totalement de ce que des employeurs privés ou publics leur donnent à faire.»

Pour vous mettre l'eau à la bouche, écoutez les deux émissions que Daniel Mermet lui a récemment consacré sur France Inter : cliquez ICI et .

Sinon, d'autres classiques sont à découvrir dans notre sélection de livres, comme La soumission à l'autorité de Stanley Milgram (1974) ou La désobéissance civile de Henry David Thoreau (1848).

Mais le must reste La stratégie du choc de Naomi Klein (2007). Couvrant plus de quarante années d'Histoire, elle démontre que le capitalisme se nourrit de crises et de catastrophes, qu'elles soient provoquées ou non. Profitant des traumatismes occasionnés, chaque nouveau désastre lui permet d'asseoir sa suprématie et de prospérer davantage, au nom de la "liberté" et de la "démocratie". C'est lumineux, et ça se lit comme un polar !

Cette crise que nous subissons est la plus grave depuis 1929. Si on nous dit qu'elles ne sont pas comparables et qu'on nous abreuve de mensonges — on nous promet qu'on va faire en sorte que cela ne se reproduise plus; on nous serine qu'il n'y a pas d'alternative à l'austérité et à la mort des droits sociaux… —, n'oublions pas qu'elle sont systémiques, c'est-à-dire inhérentes au système économique et financier qui nous gouverne. En clair, le ver est dans le fruit et il y en aura d'autres. Et ceux qui les provoquent après s'être bien gavés n'ont aucun intérêt à y remédier, puisqu'ils continuent à s'enrichir tandis que nous nous appauvrissons. N'oublions pas non plus que c'est la Deuxième guerre mondiale qui mit un terme aux graves conséquences du krach de 1929.

Si nous sommes condamnés à rester la bourse plate, autant avoir le cerveau bien rempli. Il faut donc y voir clair, penser juste, et transmettre. En Algérie, le réveil des chômeurs est le pire cauchemar des dirigeants. Pourquoi pas en Europe ?

SH

Mis à jour ( Vendredi, 13 Décembre 2019 20:04 )  

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