
L’auteur passe en revue tous les thèmes qui font la Une de l’actualité : la démission de l’État qui ne garantit plus notre contrat social, la menace que fait peser sur l’entreprise française le modèle anglo-saxon, le syndicalisme qui joue à contre-emploi, les comptables qui sont aux commandes de l’économie, le système éducatif qui n’éduque plus…
En préambule de sa démonstration, Sérieyx revient sur la loi américaine, dite Sarbanes-Oxley Act, «qui impose à tout conseil d’administration d’entreprise faisant appel à des capitaux américains des conditions très exigeantes de fonctionnement garantissant que celle-ci travaille bien essentiellement pour satisfaire ses actionnaires. Comme il suffit que 20% du capital soit d’origine américaine pour que la loi s’applique, et qu’un nombre croissant de grandes entreprises françaises sont déjà dans ce cas» : on vous laisse imaginer les conséquences.
Quelques passages sont édifiants : «On trouve les syndicats surtout dans les grandes administrations et les grandes entreprises publiques telles que la RATP, EDF ou la SNCF. Ouverture à la concurrence oblige, ces bastions deviennent de moins en moins nombreux, et les syndicats sont donc contraints de défendre (…) des citadelles dont le nombre se réduit. Il en va, pensent-ils, de leur survie. (…) La sphère publique est le théâtre des conflits les plus nombreux : un quart des effectifs salariés, trois quarts des conflits. (…) La SNCF qui ne représente que 1% de l’emploi salarié aura réalisé 10% des journées de grève du pays».
Sérieyx fait souvent référence à d’autres auteurs pour alimenter ses thèses. Dans ce registre, il emprunte à Jacques Marseille, auteur de «La guerre des deux France», un bilan plutôt à rebrousse-poil de la situation française : «En 30 ans les Français ont gagné 7 ans d’espérance de vie, leur fortune moyenne a triplé, les inégalités entre riches et pauvres ne se sont pas accrues et le temps de travail des personnes employées a diminué de quatre semaines». Voilà qui va faire grincer des dents ! Mais, ajoute Jacques Marseille cité par Sérieyx : «Si l’accroissement sensible de leur pouvoir d’achat (…) leur a permis d’accroître leur confort, il a donné à leur vie une dimension matérielle envahissante dont les Français se demandent, à juste raison, si elle est la condition nécessaire au bonheur».
Sérieyx tire de tout ça un bilan contrasté : «Ces aigreurs collectives, cette maladie du lien social dans un pays à ce point favorisé ne viendraient-elles pas de ce que notre impressionnant système institutionnel de solidarité aux performances jusqu’à présent remarquables – malgré les déficits – (…) nous a peu à peu habitués à oublier l’exercice des solidarités directes et de proximité (…), celles qui confèrent à une société son caractère d’humanité».
Quel que soit le sujet abordé : la place des Seniors, des jeunes, des consommateurs, des dirigeants, des nouvelles technologies, de la violence, de l’Europe (l’auteur pressent 8 mois avant le 29 mai la victoire du «NON»), Sérieyx dresse un bilan tout à la fois léger et instructif de la société française, et fournit des clés qui pourraient faire sauter quelques verrous à défaut d’ouvrir les portes de la refondation sociale, politique, économique et démocratique de la France.
Yves BARRAUD
Hervé SÉRIEYX, Coup de gueule en urgence - Ed. Eyrolles (2004) - 17 €
=> L'interview d'Hervé SÉRIEYX pour Actuchomage