Quelle personnalité se range aux côtés des Précaires et des Chômeurs ? Quel généreux mécène se porte au secours de finances déficientes ? Qui se mobilise pour les milliers de victimes des licenciements, du sous-emploi et des conditions de travail dégradées ? Quasiment personne !
Il y a des causes qui semblent beaucoup plus porteuses que le chômage et la précarité. Ainsi, la moindre association militant pour la défense d’un patrimoine culturel ou environnemental régional dispose souvent de plus de moyens que tous les collectifs de Chômeurs réunis, pour réhabiliter un bâtiment historique, par exemple, ou régénérer un espace naturel. Et ne parlons pas des grandes causes qui bénéficient de moyens parfois considérables, justifiés nous ne le contestons pas.
Mais la lutte contre le Chômage et la Précarité n’est visiblement pas une grande cause !
Il suffit d’assister à une Assemblée générale réunissant les collectifs et associations de Chômeurs de notre entourage (comme AC! Agir ensemble contre le chômage, l’APEIS, le MNCP, Stop Précarité…) pour apprécier l’ampleur de l’asphyxie financière qui les guette. Il n’est pas rare qu’en fin de réunion une enveloppe circule pour réunir les quelques dizaines d’euros qui manquent à la réalisation d’une banderole ou d’un tract.
Les militants qui se battent dans leurs rangs ont bien du mérite. La plupart d’entre eux sont soumis à une double peine : La précarité de leurs conditions de vie + la précarité de leur engagement associatif. Pauvres sur toute la ligne, voilà la réalité !
Mais, argueront certains, la Solidarité nationale se charge de subvenir aux besoins des Chômeurs et Précaires par ses nombreux dispositifs d’accompagnement (allocations chômage, RMI, aides au logement…). Évidemment ! Mais qui assure la veille sociale pour défendre ces dispositifs et pour essayer de les améliorer ? Qui ? Les syndicats de travailleurs évidemment ! Ben oui, évidemment !
• Sont-ce les syndicats de travailleurs qui ont bataillé pour obtenir la Prime de Noël ? Non !
• Sont-ce les syndicats qui ont permis à plus de 800.000 Chômeurs «recalculés» d’être réintégrés dans leurs droits après une longue bataille juridique, menée en 2004, devant le Conseil d’État et les Tribunaux de Grande Instance de Paris et Marseille ? Non !
• Sont-ce les syndicats qui ont engagé les premiers des actions en justice contre les entreprises pratiquant la discrimination à l’embauche sur des critères d’âge, notamment à la SNCF et à EDF ? Non.
• Sont-ce les syndicats de travailleurs qui dénoncent les dysfonctionnements de Pôle Emploi ? Oui pour ce qui concerne les agents de cet organisme. Mais qui s’occupe des dizaines de milliers d’allocataires qui galèrent avec le 3949, qui paient les frais des retards de versement de leurs allocations, qui se font contrôler et radier abusivement ?
• Et qui milite pour que les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité soient appliqués aux millions d’ayants droit qui vivent avec «trois francs six sous» ?
Une seule réponse à ces questions : Les associations et collectifs de Chômeurs et Précaires !
Et le soutien ne se borne pas qu’à des actions collectives pour défendre les droits acquis et en gagner d’autres. Il y a le travail de tous les jours, celui qui consiste à accompagner des personnes en plein désarroi. Le chômage est une épreuve, ne l’oublions pas ; une épreuve qui peut mettre à terre des existences, ruiner des vies de famille, pousser à la dépression et, parfois même, à l’irréparable. Et qui est là pour soutenir celles et ceux qui sont à deux doigts de basculer dans la marge ?
Certes, il y a des milliers de travailleurs sociaux présents sur le terrain, mais leur activité est avant tout professionnelle, pas militante. Le militantisme vise à défendre des acquis et à en gagner d’autres. Le professionnalisme se borne généralement à appliquer des dispositions, qu’elles soient favorables ou défavorables aux ayants droit. Voilà ce qui différencie les travailleurs sociaux des militants (même si les premiers s’investissent par ailleurs dans des engagements collectifs).
En cette période de disette économique pour les plus démunis, les associations et collectifs de Chômeurs et Précaires ont plus de difficultés encore à subvenir à leurs besoins. Non seulement ils s’investissent dans des combats lourds (politiquement, économiquement et socialement) qui nécessiteraient de VRAIS MOYENS, mais ceux qui les mènent sont pour la très grande majorité désargentés. La tâche n’en est que plus ardue !
Bon, nous direz-vous, il y a les subventions qui peuvent participer au financement des associations et collectifs de Chômeurs et Précaires, n’est ce pas ? Mais les subventions, c’est comme les prêts bancaires, on les obtient quand on a déjà des moyens, qu’est-ce que vous croyez ! On vous accorde des subventions au prorata de votre capacité d’autofinancement. Et quand vous comptez dans vos rangs des personnes qui ont peu ou pas de moyens compte tenu de leur situation professionnelle, ce qui limite d’autant vos ressources propres, comment sortir de la spirale ? Eh bien, il n’y a aucune possibilité ! Car vous pouvez retourner le problème dans tous les sens : 500 ou 1.000 adhérents (ce qui est déjà un chiffre considérable pour une association) à 5 ou 10 € par tête de pipe, ça ne fait que 2.500 € à 10.000 € grand maximum de ressources annuelles. Et si vos adhérents sont 2 à 3 fois moins nombreux, faites le calcul : Votre budget est MISÉRABLE !
Mais, nous direz-vous, si les collectifs et associations de Chômeurs ont si peu d’adhérents, c’est que les gens ne les jugent pas utiles ? Le problème, c’est que Chômeurs et Précaires, déjà durement éprouvés dans leur vie quotidienne, ne tiennent pas à s’identifier à ce statut. On les comprend ! Autant le fait de s’engager en faveur d’une grande cause humanitaire, écologique ou médicale est valorisant, autant se «reconnaître» dans un mouvement de Chômeurs effarouche, comme nous l’expliquait Claire Villiers, co-fondatrice d’AC! et vice-Présidente de la Région Île-de-France : «Quand on se retrouve chômeur, qui est déjà une étiquette infamante, on a pour préoccupation de ne pas y rester. Beaucoup disent "je suis licencié" mais pas "je suis chômeur". On s’organise en tant que chômeur quand le chômage dure : mais s’organiser, c’est se projeter dans l’avenir, et y a-t-il un avenir dans le chômage ?» Tout est dit !
Pour revenir au problème du financement des associations de Chômeurs et Précaires, prenons notre cas qui illustre parfaitement les difficultés évoquées plus haut. En 2007, le Conseil régional d’Île-de-France nous accordait une subvention de 30.000 € pour nous aider à asseoir nos activités : nos trois sites Internet (Actuchomage.org, Inter-emploi.net, Renovation-democratique.org), nos actions juridiques contre les discriminations à l’embauche sur des critères d’âge (4 procès gagnés en 2007) et tout ce que nous entreprenons par ailleurs. Rappelons que notre association fonctionne à 100% sur le BÉNÉVOLAT !
Début 2007, le Conseil régional nous versait 15.000 € au titre d’avance sur la réalisation de travaux à venir, sous réserve que sa subvention ne dépasse pas 40% du financement total de notre association. En d’autres termes, nous devions trouver 38.000 € pour respecter ce cadre comptable. Nous avons sollicité d’autres organismes afin d’y pourvoir, sans succès : les collectifs et associations de Chômeurs et Précaires n’ont pas trop la cote et ce, pour de multiples raisons (notamment parce que ce sont des empêcheurs de tourner en rond qui contrarient souvent les politiques de gauche comme de droite).
Par le soutien de nos adhérents et donateurs, nous avons néanmoins réussi à récolter 19.000 € sur 2007 et 2008. Sur ces deux années, le budget de notre association s’est donc élevé à 15.000 € du CR + 19.000 € de fonds propres, c’est-à-dire 34.000 €, soit 17.000 € de budget annuel ou encore, 1.400 € de budget mensuel. Ce qui n’est pas le Pérou, tout le monde en conviendra.
Imaginez-vous qu’en 2004, les collectifs et associations de Chômeurs et Précaires (dont nous fûmes) ont contraint l’État à débourser 2 milliards d’euros pour réintégrer dans leurs droits plus de 800.000 chômeurs suite à la bataille juridique des «Recalculés» de l’Unedic. Cette bataille, menée devant de Conseil d’État (qui a donné gain de cause aux associations) et devant les TGI de Paris et Marseille, n’a rien rapporté aux collectifs plaignants ! S’ils n’avaient touché que 0,1% de cette somme (le fruit de leur travail), ils auraient empoché 2 millions d’euros ! De quoi mener des actions pour la défense des droits des Chômeurs et Précaires pendant plusieurs années... Mais rien, pas un centime en rétribution d’un combat de plusieurs mois qui a sorti 800.000 personnes du pétrin !
Pour revenir à notre cas : Quand nous avons estimé avoir rempli toutes les conditions pour réclamer au Conseil régional le solde de la subvention allouée, afin de poursuivre toutes les activités engagées, il nous a été répondu que ce n’était pas possible, que ce solde de 15.000 € ne pouvait correspondre qu’au «remboursement» de dépenses déjà engagées. En d’autres termes, nous aurions du utiliser des fonds dont nous ne disposions pas, sans garantie qu’ils nous soient finalement «remboursés» par le Conseil régional. Qui plus est, nous aurions du trouver 18.000 € supplémentaires en ressources propres pour rentrer dans le cadre fixé par le CR (sa subvention ne pouvant dépasser 40% du budget total de l’association).
Comment voulez-vous qu’une petite structure œuvrant sur les questions qui nous intéressent, rentre dans un cadre aussi rigide compte tenu des contraintes évoquées plus haut ? C’est tout simplement impossible malgré toute notre bonne volonté et toute l’énergie que nous y mettons. Et rien à faire ! Les 15.000 € sont perdus car nous ne pouvons justifier les avoir déjà dépensés. Si on a coutume de dire : «On ne prête qu’aux riches», nous rajouterons : «On ne subventionne que les associations qui ont déjà des moyens». Cependant, nous remercions le Conseil régional d’Île-de-France qui nous a donné un sacré coup de main et sans lequel nous n’en serions sans doute pas-là aujourd’hui.
Mais l’avenir de notre association est loin, bien loin d’être garanti. L’avenir de nos trois sites (qui réunissent entre 9.000 et 13.000 visiteurs par jour) également ; tout comme nos actions juridiques en faveur d’un «droit opposable à obtenir un emploi» et d’un accès simplifié au RMI pour certaines populations de Chômeurs et Précaires ; tout comme l’avenir de notre guérilla contre le 3949, numéro surtaxé de Pôle Emploi ; tout comme nos actions en faveur d’une mise en place généralisée et facilitée des tarifs sociaux à l’électricité et au gaz (TPN et TSS) ; tout comme les dizaines d’actions d’Utilité publique que nous menons de front BÉNÉVOLEMENT, et qui concernent des MILLIONS de nos Concitoyens…
En cette période où des centaines de milliers de travailleurs vont se retrouver sur le carreau, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes !
Yves Barraud
Président d’APNÉE – Alternatives Pour une Nouvelle Économie de l’Emploi
www.actuchomage.org - www.inter-emploi.net - www.renovation-democratique.org
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