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Contrats aidés : quand l'obligation de formation passe à la trappe

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Les contrats uniques d'insertion doivent être obligatoirement assortis d’«actions de formation» en lien avec «la réalisation du projet professionnel» des intéressés afin de favoriser leur réinsertion dans l'emploi. Mais dans plus de 60% des cas, l'engagement n'est même pas respecté. Or, ce manquement de l'employeur peut être dénoncé devant les Prud'hommes et lui coûter cher.

C'est écrit noir sur blanc sur le site du ministère du Travail : «L’employeur qui souhaite recruter un salarié dans le cadre d’un contrat unique d’insertion, dans sa déclinaison CUI-CIE [secteur marchand] ou CUI-CAE [secteur non-marchand] doit, préalablement à la signature du contrat de travail, conclure une convention qui précisera, notamment, les engagements de chaque partie». «La convention individuelle fixe les modalités d’orientation et d’accompagnement professionnel de la personne sans emploi recrutée dans le cadre d’un CUI-CAE et prévoit des actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l’expérience (VAE) nécessaires à la réalisation de son projet professionnel. L’État peut contribuer au financement des actions de formation professionnelle et de VAE prévues dans la convention. Les actions de formation peuvent être menées pendant le temps de travail ou en dehors de celui-ci. Dans le cadre du CUI-CAE comme du CUI-CIE, le salarié est accompagné par un tuteur et peut avoir accès aux différents dispositifs de formation mis en place dans l’entreprise».

Comme le souligne Mediapart, «le contrat aidé permet à l’employeur de bénéficier d’aides conséquentes en échange d’un accompagnement visant à favoriser l’insertion professionnelle de personnes supposées éloignées de l’emploi. Moins de 300 euros par mois, c’est ce que coûte à l’employeur une personne en contrat aidé pour 26 heures hebdomadaires. Celle-ci est payée au Smic et la différence – salaire, cotisations sociales – est prise en charge par l’État». Malgré ces conditions généreuses qui les autorisent à faire travailler des chômeurs de longue durée à un tarif défiant toute concurrence, nombre d'employeurs — l'Etat en premier — s'assoient sur les obligations qui leur incombent en contrepartie.

Plus de 60% des contrats aidés s'effectuent sans formation

Pour mesurer ce phénomène que le gouvernement ne peut ignorer, il suffit d'éplucher les rapports d'évaluation de la DARES sur l'efficacité des contrats aidés en matière de réinsertion professionnelle. Dans celui de novembre 2009, en page 6, il est fait état que seulement «36% des salariés en CAV [contrats d'avenir] et 35% de ceux en CAE sortis en 2007 déclarent avoir suivi au moins une formation au cours de leur contrat». Ce bilan général peu brillant est complété page suivante : «La probabilité d’avoir suivi une formation est nettement plus faible pour les emplois de l’Éducation nationale que dans les associations». Mediapart souligne que 20% des contrats aidés du secteur non-marchand se trouvent dans l'Education nationale, particulièrement décimée par la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

De son côté, le journal Les Echos précise qu'en 2009, «le taux d'insertion dans l'emploi six mois après un contrat aidé — dont la durée est en moyenne d'un peu plus de huit mois — a varié entre 39,9% dans le non-marchand et 63,9% dans le marchand. En ne prenant en compte que les CDI et les CDD de plus de six mois, ce taux était respectivement de 26,7% et 54,8%». S'il est honorable dans le secteur marchand, visiblement plus respectueux de ses engagements, le score s'avère pitoyable dans le secteur non-marchand qui, pour partie, se compose du secteur associatif, mais en majorité du secteur public (Etat, régions, collectivités locales…), comblant les trous occasionnés par la RGPP avec ces emplois aussi peu onéreux que sans avenir.

Une véritable faille juridique dans laquelle il faut s'engouffrer

Le cas de l'Education nationale est emblématique : actuellement, des employés de vie scolaire (EVS) attaquent l'Etat en masse via les Prud'hommes pour non respect de ses obligations de formation. Et ils gagnent : récemment à Angers, puis à Nevers et à Digne-les-Bains; mais avant à Libourne, Amiens ou Dijon. De nouvelles procédures sont en cours à Montpellier et Bordeaux. Un effet boule de neige très embarrassant pour l'Etat, non seulement condamné à verser à tous ces plaignants des sommes conséquentes — plus de 10.000 € par tête — au titre du préjudice pour absence de formation et licenciement «sans cause réelle et sérieuse» en ce qui concerne ceux dont le contrat avait pris fin, mais pour ceux dont les contrats sont toujours en cours, il doit les requalifier en CDI !

L'affaire ne se limite pas aux EVS, puisque tous les CUI sont conditionnés à cette même règle. Si l'absence ou l'insuffisance de formation — pourtant qualifiée de «nécessaire à la réalisation du projet professionnel» de l'intéressé… — est avérée, il suffit d'oser saisir le Conseil des Prud'hommes, éventuellement faire les démarches pour obtenir l'aide juridictionnelle, et se rapprocher d'un syndicat ou d'un collectif de précaires afin de se faire épauler.

Car ces misérables contrats, qui font partie de la panoplie gouvernementale pour embellir les chiffres du chômage en faisant semblant de régler le problème, non seulement ne remplissent pas l'objectif affiché et appauvrissent les chômeurs qui les signent, mais ils leur sont souvent prescrits sous la contrainte : ainsi, ils peuvent s'assimiler à du travail forcé ou obligatoire «en tant que méthode de mobilisation et d'utilisation de la main-d'œuvre à des fins de développement économique», ce qu'interdit la Convention n°105 de l'OIT du 25 juin 1957 dont la France est signataire.

Face à cette entourloupe statistique et financière, si la mobilisation traditionnelle est impossible, alors la lutte doit s'exercer sur le terrain juridique, de manière individuelle ou collective (comme elle le fut en 2004 avec les "Recalculés", ou telle qu'elle se poursuit actuellement avec les EVS). On vous a obligé à signer et à vous faire bosser pour trois cacahuètes ? Obligez-les à en payer le prix.

SH
Mis à jour ( Mardi, 03 Juillet 2012 12:44 )  

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