«C’est une question de dignité humaine : je comprends qu’on refuse un travail parce qu’au final on va y perdre de l'argent», a avoué M. Jean Arthuis, président du Conseil général de la Mayenne, qui accueillait aujourd'hui le chef de l'Etat dans son département... Par cette déclaration, le sénateur admet que la «valeur travail» encensée par le candidat Sarkozy n'était qu'un misérable slogan.
Tel est le cœur du problème : aujourd'hui, la bassesse des salaires pratiqués et la précarisation de l'emploi font que, pour les personnes qui en sont «éloignées», même depuis peu, reprendre le chemin du travail, au-delà de son aspect gratifiant, devient tout sauf rentable ! Et c'est une tendance lourde : Les emplois qui ne permettent pas de vivre ni de faire des projets sont de plus en plus nombreux ; ils représentent 70% des offres actuellement disponibles sur le marché.
Mais cela, curieusement, personne ne le dénonce alors que c'est une évidence : si le travail permettait de vivre décemment, il n'y aurait pas besoin d'assistance, et encore moins d'un RSA.
Éludant le fait crucial que le recours à l’«assistance» est une conséquence directe de la dégradation généralisée de l'emploi, au lieu de s'en prendre aux véritables responsables — c'est-à-dire ses pourvoyeurs, que ce soit l'Etat ou les entreprises du secteur privé, qui le détruisent ou s'en servent comme variable d'ajustement — en les incitant à fournir des emplois dignes de ce nom, l'idée de Martin Hirsch se limite… à fournir un complément de revenu aux plus méritants, c'est-à-dire ceux qui acceptent d'aller travailler à perte, le tout à la charge de la solidarité nationale.
Alors que l'assistanat est partout décrié, personne ne dénonce «l’assistanat nouvelle formule» de Martin Hirsch et Nicolas Sarkozy, subitement qualifié d’«investissement nécessaire».
Pour financer ce dangereux pis-aller qui va jusqu'à inspirer ceux qui veulent la mort du Smic (1), on met à contribution les pauvres eux-mêmes — puisqu'il s'agit de récupérer les budgets qu'on leur alloue et de rogner sur des droits existants (2) — puis, pour compléter, on taxe les détenteurs de patrimoine et de placements : une mesure qui ne touchera pas les plus riches, qui sont protégés par le bouclier fiscal. Pendant ce temps les vrais coupables — les employeurs qui usent et abusent du sous-emploi précaire, les entreprises qui tuent l'emploi français et/ou délocalisent alors qu'elles font des bénéfices tout en spéculant, perçoivent des aides publiques et bénéficient d'allègements de «charges» (3) — bref, le vrai «capital» ne sera, lui, nullement taxé ni inquiété !
RSA = ASSISTANAT
Grâce au RSA, ce sont tous les contrats qui seront «aidés». Au lieu de prendre le mal à la racine, il s'agit, ni plus ni moins, d'asseoir un «assistanat» renforcé alors que, dans la bouche du patronat et du gouvernement, ce mot (qui a même remplacé le mot «solidarité» chez certains socialistes…) est une insulte utilisée à tout bout de champ contre des victimes érigées en boucs-émissaires et ce, à des fins purement électoralistes. Mais, comme par miracle, on remarque que ce vocable n'est plus prononcé au sujet du RSA. Pourquoi ? Parce que ses vrais bénéficiaires seront d'abord… les employeurs, prêts à recueillir une main d'œuvre à vil prix et dispensés de tout effort quant à la qualité de leurs emplois (4).
Ernest-Antoine Seillière, ex patron du Medef au cynisme légendaire, ne cachait pas qu'il préférait que la CAF paie des “érémistes” à ne rien faire plutôt que d'embaucher ou créer des emplois pour faire baisser concrètement le chômage : cela lui revenait moins cher ! En clair : il faut des chômeurs pour faire baisser le coût du travail, et de l'assistanat pour faire faire des économies aux patrons. Ce que Martin Hirsch, avec son RSA, a fort bien compris.
Pour sortir de la spirale de l’«assistanat», la meilleure alternative est d'entreprendre une politique courageuse visant à responsabiliser les «forces vives de la Nation» en les obligeant à fournir/créer/préserver des emplois dignes de ce nom, afin de permettre au plus grand nombre de Français de vivre et de se projeter. Dans un tel contexte, il n'y aurait pas besoin d’«assistance» et encore moins d'un RSA assumé par la seule collectivité, de surcroît limité dans le temps, et tout juste bon à conforter ces petits boulots indignes qui font le lit de la pauvreté.
NOUS NE VOULONS PAS DU RSA !
C'est un mauvais projet : il faut l'abandonner.
APNÉE/Actuchomage
(1) Le récent rapport Cahuc, Cette et Zylbenberg, au nom de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, juge que le Smic n’est pas «un moyen efficace pour [les] réduire» et suggère de «s’appuyer sur des mesures fiscales et des prestations sociales ciblées, plutôt que sur un salaire minimum élevé et uniforme». Un discours qui encense le RSA… en tant que substitut au Smic ! Et qui prépare le terrain pour sa «réforme» prochaine, souhaitée par Nicolas Sarkozy, et dont on a tout à craindre.
(2) Il s'agit de récupérer des fonds en supprimant la prime de Noël des chômeurs aux minima sociaux ainsi que la prime exceptionnelle de retour à l'emploi, et de suspendre une partie des droits connexes qui étaient liés à la perception du RMI (allocation logement, CMU, exonération de la taxe d'habitation ou de la redevance audiovisuelle…). Puis, à terme, de récupérer aussi une partie des fonds alloués à la prime pour l'emploi (PPE) => LIRE ICI…
(3) Le montant total des exonérations de «charges» s'élève à 32 milliards d’€ pour 2008 tandis que, plus généralement, l'Etat octroie chaque année, sans contrôle ni contrepartie sur l'investissement et l'emploi, quelque 65 milliards d’€ d'aides publiques aux entreprises.
(4) Bien au contraire : le RSA s'appuie sur un montant de base correspondant au RMI auquel on retranche 38% des revenus du travail. Pour un célibataire sans enfant, le RSA représentera 317 € pour un Smic à tiers temps, 251 € pour un Smic à mi-temps… et presque plus rien pour un Smic à temps plein. En clair, la nouveauté du RSA est d'instituer un complément de salaire pour les travailleurs à temps partiel => LIRE ICI…
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