La conférence nationale de "lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale" se poursuit ce mardi 11 décembre. Elle s'achèvera cet après-midi par un discours du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui tracera les grandes lignes d'un plan visant à endiguer la pauvreté...
Annoncée en juillet par François Hollande, cette conférence réunit plusieurs ministres et de nombreuses associations qui ont planché, en amont, sur sept thématiques : l'accès à l'emploi, l'accès aux minima sociaux, l'enfance, le surendettement, le logement, la santé, et la gouvernance des politiques de solidarité. Face à l'évolution récente de la pauvreté, il va sans dire que les attentes sont très élevées.
Nos amis du MNCP (Mouvement national des Chômeurs & Précaires), après avoir été auditionnés sur l'accès aux droits, ont été invités à participer aux tables-rondes sur l'emploi et la gouvernance. Déçus par la faiblesse des propositions, leurs collectifs manifestaient hier dans vingt villes de France et à Paris, place d'Iéna devant le Cese où se tient la conférence => voir notre vidéo ci-dessous.
43% du seuil de pauvreté
L'une des mesures phares de ce plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté sera la revalorisation du RSA-socle (ex-RMI), une demande forte des associations qui dénoncent depuis longtemps le décrochage de ce revenu.
En effet, le RSA est revalorisé tous les ans au rythme de l'inflation, beaucoup plus lentement que le Smic et les salaires en général. A sa création en 1989, le RMI correspondait à 50% du salaire minimum.
Le RSA-socle s'élève aujourd'hui à 475 euros pour un célibataire sans enfant (418 euros une fois déduit le "forfait logement" de la CAF, véritable racket consistant à amputer le RSA de 95% des allocataires => lire en commentaire) et à 598 euros pour un couple (712 avant le forfait). Hors "forfait logement", le montant du RSA représente la moitié du seuil de pauvreté monétaire — 964 euros en 2010 pour une personne seule — contre 80% il y a dix ans. Une fois le "forfait logement" déduit, on tombe à 43%.
Endiguer la pauvreté, vraiment ?
Pour corriger cette dégradation, le Premier ministre devrait annoncer aujourd'hui une hausse de 2% en 2013 [1] en plus de la revalorisation automatique liée à l'inflation. Cette revalorisation se poursuivra les prochaines années pour atteindre 10% sur cinq ans, et coûtera 1 milliard d'euros aux finances publiques en rythme annuel.
Sauf que 2% d'augmentation pour une personne seule équivaut à 9,50 € de plus par mois (hors "forfait logement"). Même si ce "coup de pouce" s'ajoute à la revalorisation automatique annuelle liée à l'inflation — 1,7% l'année dernière, soit 8 € de plus par mois (hors "forfait logement", j'insiste); cette année, on tend vers 1,75% —, ce n'est pas avec ça qu'on endigue la pauvreté [2] !
Pourquoi ne pas avoir appliqué cette augmentation d'un coup ? 47,50 € par mois tout de suite, ça avait de la gueule ! De quoi soutenir la consommation des ménages. Mais non : c'est une question de gros sous et, comme à chaque fois, il y en a plus pour les riches que pour les miséreux qui subiront eux aussi — et durement — la hausse de la TVA (entre autres) pour financer le "crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi" de 20 milliards accordé sans contreparties aux entreprises.
Non-recours au RSA : 5,3 milliards de non-dépenses
Quelque deux millions de foyers bénéficient du RSA, dont 1,39 million du RSA-socle, selon les derniers chiffres de la Caisse nationale d'allocations familiales. Mais 33% des personnes éligibles au RSA-socle ne le demandent pas. Concernant le RSA-activité, qui offre un complément de revenus aux "travailleurs pauvres", le gouvernement annonce une réforme pour le premier semestre 2013 car il est jugé trop complexe à obtenir : ainsi, 68% des personnes éligibles ne le demandent pas non plus.
Au total, l'estimation de la non-dépense engendrée par le non-recours au RSA s'élève à 5,3 milliards d'euros par an. A comparer avec le coût de cette pitoyable revalorisation sur cinq ans : 1 milliard...
Non revalorisation de la prime de Noël
Bien qu'elle soit reconduite et son financement pérennisé, son montant restera inchangé. Là aussi, on se moque du monde puisque le montant de cette prime est le même depuis 14 ans alors que les prix ont flambé. Mais cette "prime aux fainéants" scandalise déjà monsieur et madame Michu : on comprend que le gouvernement ne souhaite pas les froisser davantage.
Tandis que des multinationales planchent sur le potentiel marché de la pauvreté (vendre à des miséreux de plus en plus nombreux, c'est aussi un business), le gouvernement ferait bien de ne pas perdre de vue que nos 9 millions de pauvres et 3 millions de Smicards participent eux aussi à la demande intérieure, donc à l'activité du pays. Lorsqu'on parle de "lutte contre l'exclusion", négliger leur rôle est non seulement un non-sens économique, mais une faute morale.
SH
[1] Dernière minute : Les 2% promis dès 2013 ne s'appliqueront pas avant septembre !
[2] Dernière minute : Le coût total de ce plan d'ici 2017 ne dépassera pas 2,5 milliards... La montagne a accouché d'une souris !
La conférence n'est même pas terminée (il est 14h) qu'on en connaît déjà les conclusions, qui fleurissent sur les principaux sites d'information. Comme pour la "grande conférence sociale" de juillet, les décisions étaient prises à l'avance; à croire qu'à chaque fois les participants ne sont là que pour amuser la galerie !
Nous attendons la réaction du MNCP, qui doit l'avoir en travers de la gorge.
Lundi soir à Paris, les associations ont manifesté en marge de la conférence :
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