Nous avons la prétention de penser que, malgré nos moyens dérisoires, nous sommes au chômage ce que «Le Canard enchaîné» est à l’actualité politique et économique : un aiguillon et le porte-parole de certaines vérités qui sont bonnes à dire. Cette comparaison flatteuse (sans doute surdimensionnée, nous l’admettons) nous attire quelques désagréments et autres coups bas.
La classe dirigeante qui veut nous culpabiliser, nous marginaliser
L’heure est à la culpabilisation des chômeurs et à une volonté non dissimulée de «dresser» l’opinion publique (plus particulièrement les salariés) contre les «profiteurs» du système d’assurance-chômage (que nous serions… enfin, celles et ceux qui y ont droit). Face à ce discours dominant, nous avons l’outrecuidance d’affirmer haut et fort que nous ne nous sentons ni coupables pas plus que responsables de notre situation, ce qui fait tache dans le tableau parfois mensonger que s’évertuent à nous brosser nos dirigeants.
Quand on survit avec 1.000 euros par mois, 800 euros, 420 euros (pour les allocataires de l’ASS et du RMI) ou avec rien du tout (pour les moins de 25 ans et pour celles et ceux dont la rémunération de leur conjoint dépasse un certain seuil), on ne va pas endosser en plus de nos difficultés quotidiennes la responsabilité de notre situation… alors que la très grande majorité d’entre nous n’aspire qu’à travailler, à gagner sa vie dignement et à assumer ses obligations.
Mais, c’est curieux, cette démonstration évidente ne semble pas faire l’unanimité chez ceux qui nous dirigent (ou aspirent à le faire). Pour quelles raisons ?
Ne chercheraient-ils pas tout simplement à cacher la forêt de leur impuissance à «remettre toute la France au travail» derrière l’arbre du «chômeur profiteur» qu’ils épinglent de leurs diatribes infondées pour mieux masquer nos maux à nous : notre découragement et notre enlisement dans une situation que nous n’avons pas choisie.
La technique est vieille comme le monde : «Pour te débarrasser de ton chien, affirme qu’il a la rage». Nous autres chômeurs, nous avons la rage, mais ce n’est pas une maladie, c’est une fureur étouffée contre un système qui nous accule.
Donc, oui, quand nous clamons haut et fort que nous ne sommes ni responsables ni coupables de notre état, ce message «subversif» vient heurter de plein fouet le discours dominant et renvoie les politiques à leur impuissance ou pire à leurs compromissions avec un système de domination absolue du financier sur l’individu…
Certes, nous ne sommes pas les seuls à tenir ce langage mais, il s’avère que depuis la création de notre association et de notre site, nous avons mené un gros travail de sensibilisation des médias à la réalité de nos situations qui a été entendu et relayé en maintes occasions.
Quand France2, TF1, Libé, France Info, RTL, Europe1… commencent à s’intéresser de plus près à nos cas, à notre discours ou à nos revendications, cette vitrine médiatique n’est pas vue du meilleur œil par celles et ceux qui ont tout intérêt à voir les médias jouer l’autruche (rôle dont ils s’accommodent souvent). Fort heureusement, dans les organes de presse majoritairement «contrôlés» par le grand capital (qui est aujourd’hui propriétaire des principaux groupes de presse), il y a encore des journalistes qui ne se contentent pas des seuls communiqués officiels et qui grattent encore là où ça fait mal.
L’establishment politique a tout à gagner de notre passivité
Les partis politiques de l’establishment, entendez par là ceux qui nous gouvernent depuis des décennies, ont tout à craindre d’une prise de conscience et, à terme, d’une éventuelle mobilisation d’une partie de l’opinion, notamment la masse des chômeurs et des précaires. Parce que cette «population» réunit dans ses rangs des millions de laissés-pour-compte (et pas seulement les fameux 2,4 millions de chômeurs de Catégorie 1). Ces millions de Françaises et Français représentent - sans même le savoir - une force de frappe électorale considérable.
Mais heureusement pour l’establishment, celles et ceux qui sont confinés dans les sous-sols de la République votent de moins en moins, par désillusion, dépit, usure ou démotivation.
Même si nos initiatives restent bien évidemment marginales, nous portons un message fort : la réappropriation du débat politique par les premiers concernés, NOUS ! Mieux, nous appelons ouvertement à la Rénovation Démocratique en nous apprêtant à lancer un nouveau site exclusivement consacré à cet engagement.
Ce discours peut contrarier les intérêts de celles et ceux qui se contenteraient d’un électorat «aux ordres», un électorat «bien pensant», de gauche comme de droite, voire même – et de préférence – «abstentionniste». Ce serait le monde idéal, rêvé par celles et ceux qui ne veulent pas que ça bouge…
Alors, OUI, même s’il reste très marginal, notre discours dissident peut déranger (même si nous savons pertinemment que le jour n’est pas encore venu de voir des millions de chômeurs et précaires se rendre aux urnes dans un même élan de défiance face au système politique actuel).
Mais des signes avant-coureurs trahissent quand même cette éventualité :
Le premier fut le «NON» au référendum de 2005 qui a été très certainement soutenu par un grand nombre d’entre nous ; le second fut le résultat d’un sondage BVA/Le Figaro (paru en août dernier) qui affirmait que 78% des Français ne se sentent pas représentés à l’Assemblée nationale (et parmi eux, on l’imagine, un grand nombre de chômeurs et travailleurs précaires) ; le troisième fut les événements des banlieues de novembre 2005, attisés par des taux de chômage records dans les cités, sur fond de discriminations de toutes sortes ; le quatrième fut, enfin, la bataille contre le CPE soutenue par une population particulièrement touchée par le chômage et la précarité professionnelle : les jeunes. Ça fait beaucoup… en un an !
Pour le moment, l’establishment politique tient bon. Il n’a pas grand-chose à craindre de ces «coups de colère sporadiques». Mais qui sait… un jour prochain… en 2007…
Ces syndicats pour qui les chômeurs comptent si peu !
Sur le fond, nous en sommes bien conscients, les grands syndicats se désintéressent pour la plupart du cas des chômeurs et travailleurs précaires (exceptée la CGT, qui seule, dispose d’une «antenne chômeurs» plutôt marginalisée dans la Confédération).
Quand on est jeté hors du monde du travail, on a le sentiment de ne plus compter. Et c’est ce qui se passe ! Vous avez cotisé 5 ans, 10 ans, 15 ans ou plus, aux caisses de protections sociales (maladie, chômage, retraite…), vous avez peut-être même adhéré à une organisation syndicale, mais dès que vous vous retrouvez sans travail, vous constatez que plus personne n’est là pour défendre vos intérêts et que, de surcroît, vous êtes soupçonné de profiter d’un système que vous avez vous-même financé. Un comble doublé d’une absurdité !
Car toutes les sanctions qui sont prises à l’égard des chômeurs ont des conséquences néfastes, un jour ou l’autre, sur les salariés. Quand on s’attaque aux chômeurs et aux précaires, on ouvre une brèche dans les protections du travail en général.
Du «haut» de leurs 8,6% de salariés syndiqués en France, les grands syndicats s’arc-boutent sur leurs derniers gros «bastions» (la fonction publique et les entreprises publiques) et semblent visiblement dépassés par les évolutions du marché du travail et, notamment, par la plus contemporaine d’entre elles : l’accroissement de la précarité professionnelle.
Cette «démission» contraint des associations et collectifs à s'organiser pour tenter de s'y opposer. Mais, sans moyens financiers et sans relais d'opinion puissants, la lutte est inégale.
Des luttes engagées… et, pour certaines, gagnées
Nous avons entamé notre engagement militant en septembre 2003 au commencement de ce que les médias appelleront plus tard la «Bataille des Recalculés de l’Assedic». Cette lutte, que les membres fondateurs d’Apnée/Actuchomage ont mené aux côtés des organisations de chômeurs (CGT-Chômeurs, AC ! Agir ensemble contre le chômage, MNCP et APEIS), s’est soldée par une victoire retentissante dans l’histoire des mobilisations sociales. Le gouvernement a été contraint de réintégrer un million de chômeurs dans leurs droits et de débloquer deux milliards d’euros. Mais cette bataille a également été gagnée sur le terrain juridique auprès des Tribunaux de Grande Instance (de Paris et Marseille, notamment) et du Conseil d’État.
Nous avons poursuivi notre activisme juridique en saisissant la HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) sur des questions de discriminations à l’embauche dans les entreprises privées et dans les entreprises publiques, comme à la SNCF et à EDF. Pour ces deux dernières, la HALDE a même demandé au Premier ministre, aux ministres des Transports et de l’Industrie, et aux Présidents d’EDF et de la SNCF de «justifier» leurs procédures de recrutement que nous considérons ouvertement «discriminatoires».
Enfin, formellement opposés à la mise en œuvre du CNE, nous militons depuis août 2005 contre ce Contrat de nouvelles embauches, et nous estimons avoir – à notre petit niveau – participé à la mobilisation contre le CPE entre janvier et mars 2006 (la progression de notre fréquentation sur ces mois démontre l’influence que nous pouvons avoir sur certains réseaux militants, notamment dans les universités).
Plus récemment encore, l’affaire «Radiateur», cet agent ANPE poursuivi par la justice pour avoir posté un message sur nos forums, confirme que nous faisons l’objet d’une «surveillance rapprochée» puisqu’un responsable d’Actuchomage pourrait bien être mis en examen le 22 août prochain dans le cadre de cette procédure.
Voilà donc dans quel contexte se placent nos actions, nos revendications et, plus globalement, notre engagement militant. Nous n’avons pas ici la prétention de jouer les «chevaliers blancs» de la cause des chômeurs et précaires. Et nous ne prétendons surtout pas détenir la vérité.
Si à ce contexte, on ajoute les attaques mesquines menées par certains en vue de saper notre travail (1), toutes et tous comprendront que, de notre côté comme du leur, nous devons rester vigilants, combatifs et solidaires !
(1) Nos lecteurs les plus fidèles ont déjà pu «apprécier» les difficultés auxquelles nous nous heurtons depuis deux ans puisque nous avons du déjouer plusieurs tentatives de déstabilisation et autres «infiltrations» néfastes sur Actuchomage.
=> Lire également : Un responsable d'Actuchomage bientôt mis en examen ?
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