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LETTRE OUVERTE À Mr. LOUIS SCHWEITZER

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Lettre ouverte adressée par 7 adhérents d’APNÉE/Actuchomage à Louis Schweitzer, Président de la HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité).

Paris, le 15 septembre 2006

Monsieur le Président de la HALDE,

Par délibération en date du 20 juin 2005 (n°2005-14) la HALDE, sur votre proposition, a fait suite à nos réclamations : 7 demandeurs d’emploi mettant en cause les auteurs et diffuseurs de 40 offres d’emploi mentionnant des critères d’âge.

Les termes de cette délibération sont très clairs : ils rappellent que «les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal prohibent la discrimination lorsqu’elle consiste à refuser d’embaucher ou à subordonner une offre d’emploi à une condition fondée notamment sur l’âge».

La HALDE estime que «les termes utilisés sont dénués d’ambiguïté et leur usage suffit à caractériser l’intention de discriminer. La seule publication des offres d’emploi visées par la réclamation est constitutive du délit prévu aux dits articles.»
Conformément à ses objectifs, la HALDE «décide d’informer le Procureur de la République des faits constitutifs d’un délit portés à sa connaissance.»

C’est donc a priori à juste titre que la HALDE reprend cette affaire dans son rapport annuel 2005, la présentant (page 19) comme le «CAS N° 8 : LA DISCRIMINATION EN RAISON DE L’ÂGE DANS L’ACCÈS A L’EMPLOI (…) En procédant à une transmission au Parquet, dont les auteurs des annonces et les diffuseurs ont été informés, la HALDE a marqué sa volonté de faire respecter la loi.»

Par courriers individuels en date du 26 juillet 2006, le Procureur de la République a informé les 7 demandeurs d’emploi que le Parquet du Tribunal de grande instance de Paris classait sans suite (1) les enquêtes diligentées à sa demande, «compte tenu des explications des mis en cause [et] de la cessation de la diffusion des offres d’emploi incriminées».

Bien sûr, le Procureur nous informe de la possibilité que nous avons de «poursuivre nous-mêmes devant la juridiction civile ou pénale compétente», mais non sans préciser que «votre attention est appelée sur les conséquences que pourrait entraîner pour vous une constitution de partie civile insuffisamment motivée ou injustifiée» !

Comment savoir Monsieur le Président de la HALDE, de qui le Procureur de la République se moque le plus dans cette affaire : de Vous, ou de Nous ?

L’attitude du Parquet à votre égard nous semble des plus évidentes : il n’était que trop clair qu’il prendrait ombrage de l’immixtion d’une structure extérieure au pouvoir judiciaire !

Faute de pouvoir qualifier crédiblement votre légitimité «d’ingérence», il fallait limiter l’action de la HALDE à un simple rôle consultatif. Comment mieux le prouver qu’en tournant le dos aux avis rendus par elle ?

Nous imaginons aisément à quel point cette décision peut vous irriter : non seulement vous êtes désavoué, mais cette fin de non-recevoir – alors qu’il s’agit de délits incontestables – vous place dans une très inconfortable situation pour des affaires qu’on pourrait qualifier de plus «subtiles». Comment imaginer, par exemple, qu’un futur procès du type de celui qui a récemment opposé SOS-Racisme à Adecco et Garnier-L'Oréal se termine autrement que par un non-lieu ?

Dans un contexte de scepticisme (tout spécialement à l’égard de la «chose publique»), vous ne pouvez ignorer que nombreux sont ceux qui, depuis longtemps, doutent que la HALDE puisse être d’une quelconque utilité. Tel n’était pas notre avis, puisque nous vous avons alerté à peine trois semaines après votre nomination par le Président de la République. Le Procureur vient, par contre, de prendre une position dont on peut douter que la crédibilité de la HALDE puisse se relever.

Pour ce qui nous concerne, ce déni de justice boucle une affaire dans laquelle nous aurons tout perdu. En dépit de l’avis – singulièrement angélique ! – du Procureur, la cessation de la diffusion des offres d’emploi incriminées n’a pas effacé la réalité du délit, pas plus que celle du tort irrémédiable qui nous a été fait : Nous avons – chacun – été écartés de procédures de recrutement qui ne se renouvelleront jamais !

Pardonnez la comparaison : Tout se passe comme si nos doigts coupés n’avaient aucune importance, dès lors que les délinquants ont promis de ranger leurs couteaux (2).

Bien au-delà de notre échec dans cette affaire, nous demeurons durablement exposés à des conséquences auxquelles la Loi elle-même nous a contraints. Car pour espérer la faire respecter, nous avons du avancer seuls et, plus compromettant pour notre avenir professionnel, à visage découvert. Mesurez-vous combien ce courage – qui se révèle inutile – nous coûte et nous coûtera peut-être longtemps (3) ?

Nous vous assurons néanmoins, Monsieur le Président, de notre parfaite considération.

Sophie H., Huguette-Julie B., Yves B., Frédéric F., Michel L., Gérard P., Vincent de R.

(1) Et les Parquets de Rennes, de Versailles, Créteil…

(2) Il serait cohérent de modifier les termes de l’article 225-1 du Code pénal, puisque, selon le Parquet de Paris, une mention d’âge dans une procédure d’embauche ne constitue plus une discrimination.

(3) Une recherche Internet sur Google, à partir de nos noms de famille, vous en convaincra.

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Mis à jour ( Vendredi, 15 Septembre 2006 16:32 )  

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