Pas d’embouteillages, ni de métros bondés. Pas de collègues dépressifs ou de chefs caractériels. Encore moins de réunions interminables, ou de déjeuners assommants… Travailler chez soi : un avant goût du paradis ? En tous cas, 46% des salariés en rêvent. Etude après étude, le désamour entre l’employé et son entreprise se confirme. Avec une vie de bureau surtout synonyme de stress et de précarité. Le travail à distance serait donc une pirouette habile pour en sortir sans trop de casse.
Marie est ingénieur informaticienne : deux réunions par semaine, quelques déjeuners professionnels, et tout le reste depuis son bureau, à coup de mails ou de téléphone. «Je respire, sourit-elle. J’ai gagné en confort, en qualité de vie… Sans compter le temps de transport… Du coup, je suis plus efficace.» De fait, le télétravail augmenterait la productivité de 20% environ, d’après l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Autre avantage, non négligeable pour l’entreprise : moins de mètres carrés à louer, autant de dépenses épargnées.
Moduler. Le télétravail, tout le monde y gagne, donc. Et tout le monde y va ? En tous cas, tout est fait pour. Avec la diffusion des nouvelles technologies, sa mise en place est un jeu d’enfant. Par ailleurs, le développement du secteur tertiaire rend caduque la nécessité d’un lieu unique de production. Et surtout, à l’heure de la flexibilité, le salarié devient essentiellement mobile : «Notre rapport à l’entreprise à changé, explique Isabelle Flory, responsable institutions et initiatives chez Intel. On n’y passe plus toute une vie. Pourquoi y passer toutes ses journées ? En outre, avec les 35 heures, on a appris à moduler son temps de travail, et surtout, à le gérer seul».
Et on y a pris goût : «Je ne supporterais plus de devoir rendre des comptes sur mon attitude, ou mon heure d’arrivée, souligne Marie. C’est totalement infantilisant. Dans le télétravail, seul le résultat compte : à moi de m’organiser pour atteindre les objectifs fixés au départ». Sauf qu’en France, c’est justement là que ça coince. Le télétravail peine à atteindre 7% des actifs, alors qu’ils sont 15% dans les pays d’Europe du nord. La faute aux chefs d’entreprises, principalement : «Les managers français vivent encore à l’heure du taylorisme, explique Denis Berard, chargé du télétravail à l’Anact. La seule façon d’obtenir des résultats serait de garder son employé sous la main, pour pouvoir l’observer et le contrôler.»
La Palisse n’en aurait pas rougi : tout le problème du travail à distance, c’est la distance. «Que se passe-t-il quand je ne suis pas là ? Le manager comme le salarié peuvent tout imaginer l’un de l’autre, quand ils ne se voient pas, souligne Isabelle Calleja, coach et spécialiste du management à distance. Avant toute chose, les deux parties doivent impérativement se mettre d’accord sur un système de contrôle des résultats, pour poser les bases d’une confiance mutuelle. Le télétravail est une excellente chose, s’il est bien préparé en amont.» Avec des objectifs et des délais définis noir sur blanc. Des bilans réguliers, ni trop, ni trop peu : «Pour certains, ce sera des coups de fil à heure fixe, pour d’autres, des réunions hebdomadaires, poursuit-elle. Peu importe les modalités de la relation, pour peu qu’elle soit claire. Le manager doit pouvoir être rassuré, et le salarié accepter de rendre des comptes.» Ce dernier s’y retrouve : fixer un cadre de télétravail reste le meilleur moyen d’éviter des irruptions hiérarchiques intempestives. «Pour moi, c’est net, sourit Marie : je ne décroche plus mon téléphone après 19 heures, et je ne regarde pas mes mails le dimanche. Ils ont mis du temps, mais ils ont fini par comprendre !»
Désertification. Mais le télétravail a aussi ses partisans, même en France. A chercher du côté des politiques, cette fois. Les sénateurs, notamment, qui y voient une arme de choc contre la désertification des campagnes. Un colloque s’est encore tenu au palais du Luxembourg en mars dernier pour tenter de lui donner un nouveau souffle. De son côté, le secrétaire d’Etat Eric Besson présentera en juillet un plan de relance du numérique en général, du télétravail en particulier. Denis Bérard n’y croit pas : «Un plan de plus, un colloque de plus… Pour rien, certainement. Le concept de télétravail est apparu avec le minitel. Depuis, on nous prédit sans cesse une révolution des pratiques. Les médias adorent, mais ils sont les seuls ! Cela dit, le débat actuel sur le développement durable pourrait susciter un nouvel intérêt pour le télétravail.» Forcément, en travaillant chez soi, on pollue moins...
(Source : Libération)
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