L'ex-lieutenant de Laurence Parisot, candidat à sa succession et défenseur autoproclamé des entreprises, estime dans Le Figaro qu'«on ne peut pas laisser les entreprises avec un tel niveau de charges».
En clair, there is no alternative : au nom de leur «compétitivité», il faut condamner notre protection sociale (car ce qu'il appelle «charges» sont les cotisations sociales qui garantissent notamment un revenu aux salariés quand ils cessent de travailler pour cause de maladie, chômage ou retraite. Mais pour le Medef, un individu qui ne dispose que de sa force de travail pour subsister doit être une marchandise éternellement rentable, vouée à s'échiner non-stop pour un employeur, même s'il tombe malade, même jusqu'à la mort; et quand son employeur l'a mis au chômage, il peut crever aussi).
Revenir un siècle en arrière et en finir avec cet énorme progrès civilisationnel que fut la création de notre sécurité sociale, mettre à bas cet «amortisseur de crise» pourtant avéré, est l'objectif du Medef. En 2007, Denis Kessler, ex vice-président du lobby patronal, le disait clairement : «C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la résistance». Dont acte. Peu à peu, aidé par des politiques et autres "experts" idéologiquement orientés, le patronat a remplacé dans le langage courant le mot "cotisations" (positif pour les salariés) par le mot "charges" (négatif pour les employeurs), tellement martelé dans les médias que même les salariés l'utilisent et que certains, finalement persuadés que ces "charges" sont trop lourdes pour les patrons, en viennent à les plaindre...
Pourtant, les cotisations sociales font partie intégrante du salaire — c'est du "salaire différé", c'est-à-dire reversé ultérieurement en cas de pépin (maladie, chômage) ou lorsqu'on prend sa retraite. Si l'on baisse/supprime ces cotisations, non seulement on réduit drastiquement nos salaires, déjà gelés depuis un moment, mais on se retrouve à poil, sans ressources ni droits lorsqu'on ne travaille plus. Pour vous en instruire, visionnez ce cours [1] sur le contenu d'une fiche de paie :
«Nous avons besoin d'un dialogue social plus mature»
Quand Bernasconi dit «Il faut en appeler à la responsabilité de chacun», comprenez : Les salariés — et surtout les syndicats, censés les représenter et dégainer leur stylo face aux chantages patronaux — doivent être seuls "responsables" et renoncer à leurs "privilèges" passés (s'asseoir sur une protection sociale, subir toujours plus de flexibilité et de précarité, reculer encore l'âge de départ en retraite, etc). Ils doivent accepter d'être les seules variables d'ajustement et s'aligner sur les standards européens (qui sont, il faut le dire, moins évolués que le nôtre : mais avec l'UE, au lieu de niveler par le haut, on préfère niveler par le bas).
Surtout, en écho à son aïeul Yvon Gattaz qui voulait la disparition totale des syndicats, quand Patrick Bernasconi dit «Il va falloir laisser les entreprises déterminer elles-mêmes leur durée du travail», il contredit ses bonnes intentions en matière de «dialogue social renforcé». Pour lui, un dialogue social «plus mature» équivaut clairement à ce que l'employeur ait les pleins pouvoirs. En opposition à une "dictature du prolétariat" qui n'a jamais existé, il appelle de ses vœux une dictature du patronat.
«Réintroduire de la dégressivité dans les allocations chômage»
En ce qui nous concerne, nous, privés d'emploi, la baisse de l'indemnisation est actée. L'accord Medef/CFDT du 11 janvier, actuellement discuté au Parlement et qui devrait être retranscrit dans la loi d'ici fin mai, prévoit une «avancée» pour les chômeurs : l'instauration de «droits rechargeables», dispositif dont voici une description claire de La Tribune.
Mais cette «avancée», comme les rares autres vantées dans cet accord, n'est qu'une esbroufe...
La mesure devait être mise en œuvre en décembre par les "partenaires sociaux" de l'Unedic dans le cadre de la renégociation de la prochaine convention d'assurance chômage, pour application dès 2014. Sauf que ce soi-disant cadeau ne se fera pas sans cuisantes contreparties. En effet, «les droits rechargeables pour les chômeurs devront être financés à coût constant par le budget de l’Unedic. Rien n’a été arrêté sur leur paramétrage. La prochaine convention d’assurance-chômage devra définir la durée des droits, le taux d’indemnisation et la période que l’on retient pour les calculer. Ce qui est sûr, c’est que le Medef propose en contrepartie, pour ne pas grever le déficit de l’Unedic, de remettre en place la dégressivité de l’allocation pour tous les demandeurs d’emploi ou alors de baisser le niveau des allocations de 10 à 15% pour tous. Enfin, autre proposition, c’est de diminuer la durée des droits pour tous. Autrement dit, cela signifie qu’on déshabille Paul pour habiller Jacques», a averti Maurad Rabhi, négociateur de la CGT à l'Unedic.
Si la dégressivité des allocations n'est pas réintroduite, il y aura «probablement» (pour reprendre l'adverbe utilisé par M. Bernasconi), sinon sûrement, rabotage général de l'indemnisation pour les nouveaux entrants dans le régime. Quoiqu'il arrive, face à des organisations syndicales de plus en plus soumises "responsables"/"réformsites" et grâce à une crise économique qui justifie toutes les régressions, le patronat se frotte les mains.
SH
[1] Si vous avez aimé cet extrait, vous pouvez voir ici le spectacle en entier. Très instructif, très drôle; bref : indispensable.
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