Actu Chômage

Une caissière de supermarché allemande a été licenciée pour avoir utilisé à son profit deux bons de consigne oubliés par un client, soit un «détournement»… de 1,30 €.

L’histoire n’est pas sans rappeler celle des caissières d’Auchan. Mais cette fois-ci, l’histoire se passe en Allemagne. Barbara Emmely, caissière de supermarché de 50 ans, a été renvoyée sans préavis en janvier 2008 après 31 ans passés au sein de la chaîne Kaiser’s parce qu’elle aurait détourné 1,30 € en bons de consigne [1].

Son licenciement vient d’être confirmé mardi en deuxième instance par le tribunal du travail de Berlin-Brandebourg. Rendu devant une salle d’audience comble, le jugement a été accueilli par des cris de protestation — «Justice de classe !» — et suscite une vive indignation outre-Rhin. La Confédération allemande des syndicats (DGB) a dénoncé une décision qui «tire au canon sur des moineaux».

Licenciement sur soupçon

L’ancienne caissière a été renvoyée en vertu d’une disposition contestée du droit allemand qui établit le «licenciement sur soupçon». Très concrètement, elle permet à un employeur de se séparer d’un salarié s’il existe un «soupçon aigu» de faute. Et dans ce cas, la présomption d’innocence ne s’applique pas.

En l’occurrence la chaîne de supermarchés allemande Kaiser’s assure, témoignage et relevé de caisse à l’appui, qu’en janvier 2008, Barbara avait utilisé deux bons de consigne de 48 et 82 centimes d'euros chacun, oubliés par un client et qui lui ont donc rapporté la modique somme d’1,30 € en échange de bouteilles en verre consignées...

Une caissière doit se montrer «absolument honnête même pour de petits montants» [2], a justifié le tribunal, faisant valoir que l’affaire avait provoqué une «perte de confiance irréparable» entre Barbara et son employeur. Le tribunal a aussi épinglé le comportement de la caissière au cours de l’enquête, soulignant qu’elle n’avait «pas reconnu ouvertement sa faute» mais tenté d’accuser l’une de ses collègues. En revanche, les nombreuses heures supplémentaires non payées qu’elle a effectuées dans sa carrière pour cette entreprise ne sont pas considérées comme du vol.

«Intérêt à punir un syndicaliste»

Selon la DGB, un doute sérieux plane sur l’enseigne Kaiser’s pour qui existait «un fort intérêt à punir ici quelqu’un qui s’était engagé comme syndicaliste». Car, à la fin 2007, Barbara avait mené un mouvement de grève dans son supermarché pour réclamer une prime et de meilleures conditions de travail.

Mère de trois enfants et deux fois grand-mère, cette quinquagénaire est devenue une célébrité. Son histoire a été érigée en symbole des inégalités sociales par les syndicats et par la gauche radicale allemande, sur fond de flambée du chômage et de débat sur les bonus des banquiers. Un comité de soutien a été créé et nombre de responsables politiques et de syndicalistes ont pris fait et cause pour elle, y compris des clients de Kaiser’s.

Depuis son licenciement, elle a dû déménager dans un appartement plus petit et vit de l’aide sociale. Elle ne baisse pas les bras. Son avocat entend désormais porter l’affaire devant le juge constitutionnel allemand et, en dernier recours, devant la Cour européenne des droits de l’homme.

(Source : Libération)

[1] En Allemagne, les cannettes en métal ainsi que les bouteilles en verre ou en plastique sont consignées. Elles font le bonheur des SDF, qui profitent de l’ignorance des touristes ou de l’impossibilité, pour beaucoup de consommateurs, de restituer ces objets ailleurs qu’à l’endroit où ils les ont achetés, pour récupérer de 25 à 50 centimes d’euros par unité.

[2] ... Et même pour un petit salaire !!! Combien gagne une caissière en Allemagne, même au bout de 30 années d’ancienneté ?