Peut-être faites-vous partie de celles et ceux qui, bénéficiaires du RSA, s’interrogent encore sur le mode de calcul de leur allocation. Sachez que vous n’êtes pas seul-e. Opacité et illégalité règnent !
Celles et ceux qui nous suivent depuis 2004 (année de création du site), et plus précisément depuis 2009, savent que nous avons fait du RSA l’un de nos principaux engagements.
Dès sa mise en œuvre nous avons dénoncé ses dysfonctionnements et interpellé Martin Hirsch, son initiateur sous le règne de Nicolas Sarkozy. Et nous avions vu juste ! (Comme quoi avant de créer un nouveau «machin» il serait bon de consulter les premiers concernés. En l’occurrence, les associations de Chômeurs & Précaires qui connaissent sur le bout des doigts les réalités quotidiennes).
Depuis 8 ans donc, c’est le Big Bazar en matière de calcul du RSA et d’interprétation des textes. Chaque département et chaque CAF y va de son credo en la matière, contraignant en juin 2017 (oui vous avez bien lu : juin 2017 pour un lancement du RSA en 2009) le Conseil d’État à rappeler quelques règles élémentaires, notamment celles qui encadrent la taxation de l’épargne des bénéficiaires.
Nous le dénonçons depuis des années : CAF et départements arnaquent les plus démunis, enfin ceux qui ont encore quelques économies. Nous estimons que des dizaines de millions d’euros, probablement des centaines, peut-être même des milliards, ont ainsi été économisés sur le dos des plus pauvres.
Aujourd’hui, nous nous intéressons au flou qui entoure le calcul du RSA. La plupart des ayants droit n’y comprennent rien. Nous partirons de quatre exemples que nous pouvons reproduire à l’infini. Toutes les semaines, parfois même tous les jours, notre association est sollicitée par des bénéficiaires se heurtant à la mauvaise foi de départements et CAF, voire à leur intention délibérée de les spolier de leurs droits.
Entamons sur le cas de Jean-Louis qui approche la soixantaine. Depuis 3 ans, ce RSAste indique tous les trimestres le montant de son épargne sur livrets dans la case «argent placé» de sa déclaration trimestrielle de ressources (DTR). Pendant trois ans, l’épargne de Jean-Louis a été abusivement taxée de 3% par an, qui ampute d’autant son RSA alors que seuls les intérêts versés annuellement doivent entrer dans le calcul comme le rappelle le Conseil d’État. Ainsi depuis 2014, Jean-Louis a perçu 350 € de RSA, ce jusqu’au mois d’août 2017. Puis, du jour au lendemain, comme par enchantement, le montant est passé à 470 € alors que la situation de notre ami n’a pas évolué. Le département et la CAF dont il relève ont enfin appliqué les règles confirmées par le Conseil d’État en juin 2017. Pendant trois ans, son épargne a été taxée ILLÉGALEMENT, amputant ainsi de 120 € son RSA mensuel, soit 1.440 € par an, 4.320 € depuis 2014. Une fortune pour un précaire !
Si dans le département de Jean-Louis 1.000 ou 2.000 bénéficiaires sont dans une situation comparable, ils ont été spoliés de 4,5 à 9 millions d’euros sur ces trois dernières années (rappelons que le RSA a été mis en place en 2009). Si ils sont 100.000 ou 200.000 en France, on atteint 450 à 900 millions d’euros sur 3 ans ! Ahurissant non ?
Revenons ici aussi sur le cas de Romain, notre camarade qui a bataillé pendant de longues années pour obtenir gain de cause ; le département où il réside se refusant à appliquer les règles. Seul, sans l’assistance d’un avocat, Romain a engagé une procédure devant le Tribunal administratif et l’a gagnée en octobre 2016 (lire notre compte-rendu ici).
Son parcours du combattant démontre que nombre de CAF et départements s’obstinent à spolier les bénéficiaires du RSA en toute connaissance de cause. Il ne s’agit pas d’une erreur d’interprétation des textes officiels mais bien d’une volonté d’arnaquer les plus démunis. Car avant de saisir le Tribunal administratif, Romain a longuement échangé avec les services départementaux, faisant valoir ses arguments qui ne souffraient alors d’aucune contestation possible.
La procédure veut qu’il adresse un recours préalable avant de porter l’affaire devant les tribunaux. Romain s’est exécuté. Son recours a été rejeté. On lui a même laissé entendre par voies détournées que s’il persévérait à contester, son RSA pourrait être purement et simplement suspendu. Mais il ne s’est pas dégonflé et il a gagné. Un jugement qui incitera Mediapart à publier en février 2017 un dossier complet sur la taxation abusive et souvent illégale de l’épargne des RSAstes.
Sous la contrainte de jugements rendus par des tribunaux administratifs, de articles publiés dans la presse et même d'un Arrêt du Conseil d’État, on pourrait imaginer qu'à présent départements et CAF appliquent scrupuleusement les textes. Eh ben non ! Certains persistent à les ignorer.
Depuis la parution de nos dossiers, nous recevons de nombreux témoignages de bénéficiaires du RSA toujours embourbés dans des procédures avec leurs CAF et Conseils départementaux. Tel Bastien qui nous a contactés début novembre 2017. Récemment contrôlé, il doit rembourser un indu de près de 2.000 euros. Les contrôleurs ont tout simplement appliqué les 3% forfaitaires sur ses avoirs pour les années 2013 et 2014.
Bastien a évidemment engagé un recours préalable qui a été rejeté il y a quelques jours. Le département s’obstine à taxer abusivement son épargne et, tenez-vous bien, son compte courant. Stupéfiant !
La Responsable du service contentieux se hasardant même dans sa réponse à préciser que : «le département aurait pu, au regard de l’argent détenu, mettre fin à votre RSA pour absence de précarité». Une menace déguisée parfaitement infondée pour deux raisons.
Le RSAste a bien évidemment le droit de détenir une épargne, même de 30.000, 40.000 ou 50.000 euros, comme ces bénéficiaires âgés de plus de 50 ans qui ont épuisé leurs droits à l’assurance-chômage, ont basculé au RSA après une longue carrière professionnelle qui leur a permis – quand même – de mettre un peu d’argent de côté. Cela n’a rien d’indécent d’autant qu’ils sont aujourd’hui souvent victimes de discriminations à l’embauche en raison de leur âge.
Mais surtout, la taxation de 3% d’un compte courant est parfaitement illégale, comme le stipule une réponse du Ministère des Affaires sociales et de la Santé à une question posée par la députée Geneviève Fioraso en juillet 2015. Extrait : «Les sommes placées sur les livrets A, qui procurent annuellement des capitaux, n'entrent pas dans le champ de cette évaluation fictive de 3% : seuls les intérêts annuellement perçus sont retenus dans le calcul. Par ailleurs, les sommes figurant sur les comptes courants ne sont pas des ressources placées mais des ressources perçues. À ce titre, elles ne sont pas retenues dans le calcul».
La défense de notre ami Bastien est donc incontestable. Seule une taxation ILLÉGALE de ses avoirs, notamment de son compte courant, justifie le remboursement d'un «indu» imaginaire de 2.000 euros sur deux ans.
On notera que cette question au gouvernement confirme si nécessaire qu'au plus haut niveau de l'exécutif on sait que les règles de calcul du RSA ne sont soit pas appliquées, soit interprétées de façon erronée, soit carrément bafouées, ce qui est plus grave encore.
Les échanges entre Bastien et les services départementaux illustrent un autre aspect du nébuleux RSA.
Notre ami n’a pas réussi à obtenir le détail du calcul de son allocation et moins encore celui de l’indu imaginaire qu’on lui réclame. Ainsi nombre de RSAstes reçoivent un ordre de remboursement d’une somme fantaisiste sortie tout droit du chapeau d’un magicien, entre le lapin et la colombe. Un montant précis pourtant, au centime près (1.734,67 € par exemple) que le condamné est dans l’impossibilité de vérifier. Et pour cause, une multitude de RSAstes ne connaissent pas les règles de calcul du montant de leur minima social. Monique en témoigne.
Cela fait près de deux mois que notre amie se bagarre pour obtenir des informations. Tout simplement parce qu’elle ne veut pas faire d’erreurs dans sa déclaration trimestrielle de ressources (DTR). Elle tente désespérément d’obtenir un rendez-vous avec la CAF car sa situation est complexe. Éligible au RSA, elle touche encore un reliquat d’assurance-chômage, une petite pension de veuvage et a placé la somme dont elle a hérité de son mari sur un livret d’épargne réservé aux militaires.
Monique touche 150 € par mois de RSA. Elle n’en conteste pas le montant mais n’en comprend absolument pas le calcul. Et impossible d’obtenir des éclaircissements. Une chose est avérée cependant, Monique a vu – comme beaucoup d’autres – son RSA amputé plus qu’il n’aurait du l’être. Faute d’informations fiables, notre amie a déclaré des sommes perçues après le décès de son mari qu’elle n’aurait jamais du fournir à la CAF à en croire un expert juridique auprès duquel elle a pris conseil.
Monique qui dispose d’un pécule la préservant pour un temps des difficultés, a renoncé à demander le réexamen de sa situation. Elle n’est pas à quelques centaines d’euros près. Cependant pour éviter de se mettre en porte-à-faux et remplir comme il se doit ses obligations déclaratives, elle tente d’obtenir un rendez-vous avec la CAF. Sans succès ! Car les informations qu’elle a réussi à glaner ici ou là auprès des services concernés sont contradictoires. Un jour, son interlocuteur lui assure qu’elle doit déclarer ceci, l’autre que non. La confusion est totale.
Comme nombre de RSAstes, Monique ne comprend absolument pas pourquoi et comment la CAF arrive à un montant de 153,86 € de RSA. Et pourquoi pas 156,98 € ou 161,13 € ? On l’a vu plus haut avec Jean-Louis, le montant du RSA peut varier du jour au lendemain, sans explication.
Nous en arrivons donc à l’épilogue de cette démonstration par l’exemple. Non seulement les CAF et départements interprètent encore, 8 ans après la création du RSA, ses règles et dispositions (généralement au détriment des allocataires), mais de plus le mode de calcul est totalement obscure. Dès lors qu’on a un peu d’argent de côté, quelques ressources qui varient au gré des trimestres, la justesse du montant du RSA versé est invérifiable par son bénéficiaire. Il est cependant peu probable que ce dernier en sorte gagnant. Les témoignages que nous recevons ici par dizaines l'attestent.
Nous renouvelons donc notre accusation envers l’État (garant de l’application des textes), les départements et les CAF : Depuis 2009, des centaines de millions d’euros ont été économisés sur le dos des plus précaires.
Les quatre témoignages sur lesquels nous appuyons notre démonstration correspondent à près de 10.000 € de «manque à vivre» par une taxation illégale de l’épargne et des comptes courants, des commandements à rembourser des indus imaginaires, un défaut d’information constant ou la renonciation à faire valoir des droits…
Si à cela on ajoute les menaces que laissent planer CAF et départements dès que vous contestez une décision, ce dossier est explosif par l’ampleur des pratiques illégales qu’il révèle et le montant des sommes en jeu depuis 2009.
Malheureusement, pour mener cette bataille il faut des moyens et des relations que pauvres et précaires n’ont pas. Notre association est impuissante à faire respecter des droits élémentaires qui ont été et sont toujours bafoués.
Selon que vous soyez puissant ou misérable…
Actuchomage/APNÉE
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