Un slogan fleurit dans les manifestations Gilets Jaunes : «Tout le monde déteste la police !». La cible prioritaire n’est pourtant pas celle-là.
L’intense et violente répression des Gilets Jaunes conduit à entonner dans les manifs un «Tout le monde déteste la police !», inspiré des mouvances anarchistes et black blocs.
Mais si la police est le bras armé de celles et ceux qui nous oppressent, elle n’est pas l’ennemi prioritaire du Peuple en souffrance. La cible est l’oligarchie, ce petit groupe qui forme l’hyperclasse dominante des cercles politique, médiatique, économique, intellectuel et culturel.
Depuis des décennies, nos dominants trustent les postes clés de pères en fils, de mères en filles, de copains en coquins et de coquines en copines. La cooptation familiale, de réseau et de classe se renforce à mesure que l’oligarchie s’enracine sans voir ses prérogatives être contestées depuis longtemps.
Cette hyperclasse n’a jamais bénéficié d’un tel pouvoir au fil des siècles, notamment en France. Des aléas l’ont toujours bousculée, imposant une redistribution des rôles. On pense évidemment aux révolutions, aux révoltes, aux crises économiques et aux krachs boursiers qui peuvent parfois conduire au grand chambardement. Le renouvellement des élites a aussi été provoqué par quantité d’autres événements. Naturels, quand des épidémies dévastatrices frappaient au hasard riches et pauvres qui ne disposaient pas de traitements appropriés. Guerriers aussi, quand un duché en envahissait un autre, quand un empire conquérait un royaume voisin. Tous les vingt ou trente ans, par le biais des conquêtes, des famines, des épidémies, des alliances, des mariages, des trahisons et complots, des catastrophes naturelles, les cartes étaient rebattues. Le régime de droit divin lui-même, celui que l’on croit détenir de Dieu, n’échappa pas aux soubresauts dévastateurs de l’histoire ou de la nature.
Mais l’oligarchie qui a progressivement trusté tous les postes de commande depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, semble aujourd’hui invulnérable. Elle est préservée des déstabilisations du passé. La plupart des grandes maladies infectieuses ont été éradiquées dans les pays riches. Nous échappons à la famine. Les puissances occidentales sont épargnées des conflits militaires sur leurs territoires depuis 1945. Et le capitalisme triomphant a trouvé la parade pour renflouer ses banqueroutes : Privatiser les bénéfices et mutualiser (ou nationaliser) les pertes, comme nous l’avons subi lors de la crise financière de 2008/2010. Aujourd’hui, les traders ruinés ne se suicident plus comme en 1929.
L’oligarchie est à l’abri de toute rébellion politique, économique ou sociale. Et si jamais la situation venait à se dégrader là où elle sévit, elle se projette à l’autre bout du monde en quelques heures de jet privé et transfert l’ensemble de ses avoirs en un clic de souris. Elle est devenue intouchable !
Quand on évoque l’oligarchie, on pense immédiatement à ce 0,01% de humanité qui détiendrait 80 à 85% des richesses de la planète, cette hyperclasse mondiale qui est chez elle partout et qui ne sait plus quoi faire de ses milliards. C’est à elle que nous pensons. Mais son processus d'accaparation des pouvoirs modèle une fraction plus importante, que l’on peut raisonnablement évaluer entre 1 et 5% de la population selon les pays, qu’on appellera ici la classe dirigeante économique et intellectuelle. Ils sont moins riches, moins influents, plus nombreux, plus visibles aussi, un peu plus vulnérables sans doute que ceux de l’hyperclasse, mais ils partagent la même assurance : Ils sont TOTALEMENT immunisés des risques de déclassement économique et social, TOTALEMENT à l’abri des affres du chômage et des difficultés du quotidien. Parfois sur plusieurs générations.
Aujourd’hui, il apparaît de plus en plus difficile de percer dans les secteurs professionnels valorisants sans bénéficier d’un coup de pouce familial, relationnel ou communautaire. Ce que l’on appelait naguère l’ascenseur social reste à présent le plus souvent bloqué entre deux étages. Tout simplement parce que ceux qui occupent des fonctions confortables dans des secteurs lucratifs encourageront leurs descendants à suivre leurs pas. Et si ces derniers s’en affranchissent, une relation bien placée leur ouvrira alors la porte qu’ils souhaitent pousser. C’est ainsi que, à mesure que l’oligarchie élargit son champ d’action et s’enracine, «les fils et les filles de…» ont un avenir tout tracé quelles que soient leurs facultés et aptitudes. Bénéficiant de temps et d’argent, ils finiront par trouver leur voie et y réussir. Même s’ils n’y brillent pas, ils occuperont la place qu’un autre, moins bien né et peut-être plus doué, convoitait.
Quand la réussite professionnelle et financière est le fait d’aptitudes au dessus de la moyenne, cela n’a rien de choquant. En revanche, ça le devient si cette position privilégiée repose sur l’activation de réseaux de connivence.
C’est globalement ce à quoi nous assistons aujourd’hui en France. La majorité de la population sent instinctivement qu’elle ne peut – sauf exceptions – gravir les échelons au seul mérite de ses compétences. On observe ce phénomène en politique par exemple où les réseaux et relations prennent une importance prépondérante sur les capacités à diriger, à innover, à inventer. Et quand on nous vend l’émergence d’un nouveau monde, il ressemble à s’y méprendre – en pire peut-être – à l’ancien qu’on assurait vouloir balayer. Suivez mon regard ! Les méthodes et objectifs restent identiques puisque l’oligarchie du pouvoir profond verrouille tout. On relooke le package mais la soupe est la même. Toujours plus imbuvable.
Pour aboutir à une transformation en profondeur de la société, les Gilets Jaunes ou ceux qui y aspirent (on pense notamment aux «militants climatiques») doivent impérativement déboulonner tout ou partie de l’oligarchie qui ne cèdera pas un pouce de ses prérogatives sans contrainte. Le seul moyen d’amorcer une prise de pouvoir est de se débarrasser d’une partie de la classe dominante. Reste à savoir comment.
Depuis dix-neuf semaines, l’oligarchie applique la stratégie de l’édredon ou de l’étouffoir. Autrement dit, elle tente par tous les moyens de discréditer et de salir le mouvement Gilets Jaunes pour étouffer ses revendications légitimes qui, rappelons-le, convainquent une large majorité de Françaises et Français. Comment pourrait-il en être autrement ? Qui conteste les aspirations à plus de justice sociale et de démocratie, par la lutte contre l’évasion fiscale et les cadeaux faits aux plus riches, la réforme de nos institutions, l’instauration d’une VIe République et du Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) ?
Autant de revendications qui heurtent frontalement les intérêts de l’oligarchie qui ne veut rien céder et ne cédera rien.
Tout reste à prendre !
Yves Barraud – Gilet Jaune un jour, Gilet Jaune toujours
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