C’est un pavé dans la mare que lance la Cour des comptes.
En moins de dix pages écrites serrées et quelques graphiques sidérants, les magistrats de la rue Cambon jettent une lumière crue sur un mal français : le chômage des seniors.
Un sujet tellement grave que Didier Migaud, le Premier président de la Cour des comptes, a décidé d’adresser un référé au Premier ministre, Edouard Philippe, pour l’alerter sur "le risque de précarité pour les seniors exclus du marché du travail" et "le coût croissant pour la solidarité".
Premier constat : Si les réformes des retraites successives ont contribué à retarder l’âge moyen de départ à la retraite des Français, cela s’est souvent soldé par une hausse du chômage chez les seniors. Le taux d’emploi des 60-64 ans atteint ainsi 32,2% en France, contre 45% dans l’Union européenne, et le nombre de chômeurs de plus de 50 ans a été multiplié par trois pour atteindre plus de 916.000 personnes chez Pôle emploi en 2019 ! Pis, les chances de retrouver un job chutent brutalement après 52 ans. Si le taux de retour à l’emploi est proche des 50% à 50 ans, il n’est plus que de 30% à 58 ans et de 20% à 60 ans. Les chômeurs de plus de 50 ans passent en moyenne 673 jours au chômage, contre 388 jours pour l’ensemble des chômeurs.
Dès lors, si le recul de l’âge de départ à la retraite à 62 ans a dégagé quelque 13 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de retraite, il s’est traduit par de nouvelles dépenses d’allocations chômage et de minimas sociaux. "La part des personnes âgées de 60 à 64 ans est celle qui, au cours des dix dernières années, a le plus progressé parmi les allocataires de ces prestations, à la fois en termes d’effectifs et de montants alloués", relève la Cour des comptes.
L’enveloppe de l’allocation pour les chômeurs en fin de droits de 60-64 ans a ainsi bondi de 75% depuis 2010 et les montants de RSA versés aux 60-64 ans a explosé de 157% ! Au total, la hausse du nombre de chômeurs et de pauvres liée au recul de l’âge du départ à la retraite à 62 ans aboutit à une dépense supplémentaire de 1,5 milliard d’euros en allocations chômage et minimas sociaux. […]
Source : Challenges
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En complément, notre article du 26/09 : Chômage Seniors et Retraite, la quadrature du cercle
L'histoire se mord la queue. Il y a 15 ans, quand nous avons crée Actuchomage, notre engagement se focalisa sur l'emploi des Seniors, ces travailleurs âgés de plus de 50 ans.
Nous fûmes la première association à porter plainte contre des entreprises qui, lors de leurs procédures de recrutement, discriminaient les plus de 45 ans.
Entre 2005 et 2007, nous gagnâmes cinq procès. Notre action fut relayée et reprise par tous les grands médias.
Nous fûmes interviewés sur TF1, France2, France Info, Le Monde… Pendant un bon mois, le chômage des travailleurs expérimentés (formule que nous préférons à Seniors) fut au cœur de l'actualité politique et sociale.
Il s'agit bien d'un sujet central. Comment combler les déficits des comptes sociaux (assurance-chômage, assurance-vieillesse, assurance-maladie…) et prolonger la durée d'activité professionnelle si, à partir de 50 ans, les entreprises rechignent à vous embaucher ?
Comment expliquer aux Françaises et Français qu'il faut travailler plus longtemps quand on sait que 52% des 55/60 ans travaillent encore ?
Eh bien en 15 ans rien a changé ou presque. Le taux d'emploi des plus de 55 ans reste faiblard et les entreprises discriminent toujours à l'embauche. En témoigne un reportage diffusé le 26 septembre sur France Info (1).
Cette discrimination touche les travailleuses et travailleurs sans distinction de statut, qu'ils soient ouvriers, employés ou cadres.
Alors que votre brillant Président de la République s'apprête à ouvrir ses consultations sur la réforme des retraites, il faudra qu'il nous explique comment il compte s'y prendre pour remettre les Seniors discriminés au boulot. C'est la quadrature du cercle !
Il n'y aura pas de réforme pérenne et équilibrée sans que les plus de 55 ans, les plus de 60 ans, et plus tard peut-être les plus de 64 ans, puissent travailler, donc cotiser, donc s'ouvrir des droits à la retraite qui leur permettent de vivre décemment et pas de survivre au minimum vieillesse.
Yves Barraud
PS : Rappelons que le mouvement Gilets Jaunes a été, à son lancement, porté par un grand nombre de retraités qui peinent à joindre les deux bouts. Très présents sur les ronds-points et dans les cortèges, les cheveux blancs et gris ont été effarouchés par l'intraitable répression policière qui s'est abattue sur les rassemblements. Depuis janvier 2019, on les voit moins. Forcément !
==> (1) Lire ou écouter le reportage de France Info
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