Hiver 97-98 : des dizaines d’Assedic sont occupées dans toute la France. Les chômeurs en colère exigent de vivre décemment, de ne plus être les otages du système d’assurance-chômage qui leur impose de cotiser lorsqu’ils sont salariés, mais qui les laisse de plus en plus souvent dans la misère lorsqu’ils perdent leur emploi. Nicole Notat, alors dirigeante de la CFDT et co-gestionnaire de l’Unedic, balaie les revendications d’un revers de main : il s’agit "d’une manipulation de la CGT".
Dix ans plus tard, quatre précaires membres d’AC! sont mis en examen par un juge d’instruction chargé des délits de presse pour "injures publiques", suite à une plainte de la direction nationale de la CFDT. Quasiment au même moment Michel Roger, de la Compagnie théâtrale Jolie Môme, et Ludovic Prieur, animateur du webmedia associatif et coopératif HNS-Info, sont inculpés par un autre juge d’instruction pour "violation de domicile", toujours à la suite d’une plainte de la même direction de la CFDT : lire ici.
L’injure en question ? Pendant l’hiver 2005-2006, des rassemblements ont eu lieu chaque semaine devant le siège de la CFDT. Les manifestantEs chômeurs, précaires, salariéEs exigeaient du syndicat qu’il ne signe pas encore une fois une nouvelle modification à la baisse des règles d’indemnisation des chômeurs et travailleurs précaires. Et, contrairement à d’autres syndicats, la CFDT n’a jugé utile à aucun moment de recevoir et d’écouter les manifestantEs.
Pourquoi cette politique de la forteresse assiégée qui conduit aujourd’hui la direction d’une grande confédération à traîner devant la justice ceux et celle qu’elle prétend défendre ? Terrible aveu de faiblesse d’une direction syndicale qui refuse d’assumer la confrontation politique et tente de la déplacer sur le terrain répressif : le délit d’injures publiques est puni de très fortes amendes et l’arrière pensée est évidente => réduire au silence les précaires par la contrainte financière, comme sa politique au sein de l’Unedic les réduit tous les jours à accepter n’importe quel emploi sous peine de radiation et d’exclusion des revenus de remplacement.
Car la thèse de la manipulation développée en 1998 a fait long feu : depuis dix ans, à chaque fois que la CFDT a cosigné avec le Medef des accords qui faisaient reculer dramatiquement le droit du travail (parmi lesquels les droits des travailleurs au chômage), elle a trouvé sur son chemin des chômeurs, des précaires, des salariéEs pour lui contester le droit de parler et de décider en leur nom. En 2003, la voilà confrontée à la colère des intermittents du spectacle, très vite rejoints par les chômeurs qui lui imposent, lors du conflit dit "des recalculéEs " de renoncer à les priver rétroactivement de leurs droits acquis à l’indemnisation. Lors de chacun de ces conflits, la direction de la CFDT ressasse les mêmes discours sur l’illégitimité des mouvements de précaires.
La véritable "injure publique" pour la direction confédérale, celle qu’elle entend faire cesser y compris par la répression, c’est le développement de nouvelles formes de luttes qui, dans des organisations comme AC!, réunissent ceux et celles à qui la CFDT n’est plus capable de proposer quoi que ce soit, à part l’acceptation résignée de la destruction de toute protection sociale au bénéfice des appétits insatiables du Medef.
En cet automne où ces appétits patronaux s’expriment sans complexe dans les discussions sur la destruction du Code du travail et de ce qui reste du Service public de l’emploi, la direction de la CFDT, qui pressent une nouvelle fois son incapacité à juguler les colères et les résistances qui s’annoncent, ne trouve plus d’autre parade qu’amplifier la criminalisation des luttes, que le gouvernement ne semble pas mener assez vite à son goût.
Exigez avec nous le retrait de toutes les plaintes déposées par la CFDT contre les précaires en luttes ! Salariés, précaires, retraités, chômeurs, envoyez nous vos messages de soutiens, vos protestations, nous les produirons lors d’éventuelles audiences.
La répression gratuite nous coûte cher, nous ne bénéficions d’aucune subvention. Merci de nous soutenir en envoyant vos dons à AC! Paris au 23 Bis rue Mathis 75019 Paris (merci de préciser dans l’envoi "Pour frais de justice")
Tél : 09 54 70 66 22 // www.ac.eu.org
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