La prise en compte des éléments du train de vie dans l'attribution ou le renouvellement de certaines prestations sociales telles que le revenu minimum d'insertion (RMI), dans le cadre de la lutte contre les abus et les fraudes, est en effet autorisée depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Sur le principe, il est regrettable que ce texte stigmatise une fois de plus les catégories les plus vulnérables de la population, déplorent AC!, l'APEIS, le MNCP, le DAL et le Collectif national droits des femmes. D'autant plus que les montants limites prévus dans le décret peuvent être vite atteints, y compris par des familles véritablement en difficulté, qui risquent de faire les frais d'une réforme destinée à sanctionner quelques grands fraudeurs. "Beaucoup de cadres qui se sont retrouvés brutalement au chômage, puis au RMI, ont un patrimoine. Et que dire de ceux qui héritent de leurs parents, qui seront sans doute poussés à vendre leurs biens pour pouvoir vivre, faute de RMI ?" s'interroge Catherine Cantier de AC! "On voit bien qu'il s'agit plutôt de faire des économies sur les dépenses sociales", affirme ainsi Jean-Baptiste Eyraud, animateur du DAL.
Le niveau de vie du demandeur du RMI ne devrait, par exemple, pas excéder la moitié du montant annuel du RMI. Soit, pour une personne seule, moins de 2.687 €. Le patrimoine occupé étant évalué à hauteur du quart de sa valeur locative annuelle, la barre pourrait être facilement franchie par certains propriétaires pauvres. Or ils constituent, rappelait récemment la Fondation Abbé-Pierre, plus d'un tiers des 25% des ménages percevant les revenus les plus bas en France. "Cette mesure signifie que lorsqu'on est pauvre, on ne peut que vivre misérablement", s'insurge pour sa part Laurent Lavigne, du MNCP, en évoquant la loi Hartz IV, qui a réformé le système d'attributions des allocations chômage en Allemagne en 2005 et a obligé certains ménages à déménager pour les conserver.
Contestation d'associations de médecins
Au-delà du droit de regard sur les conditions de vie des plus pauvres, qui peut être ressenti comme une atteinte à la dignité, les associations soulignent aussi la rupture fondamentale que ce texte introduit dans les politiques sociales en n'abordant plus le RMI, par exemple, que sous l'angle des devoirs de l'allocataire en oubliant qu'il s'agit aussi d'un droit. Elles étudient enfin la possibilité de former un recours juridique.
Six organisations de médecins se sont par ailleurs également prononcées contre ce décret dans un communiqué publié le 4 février où elles fustigent le contrôle de la réalité des ressources des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Sur les 6 millions de personnes qui pourraient y prétendre, seuls 5 y accèdent véritablement, soulignent d'ailleurs le Comité des médecins généralistes pour l'accès aux soins (Comégas), le Syndicat national des médecins de centre de santé et l'Union syndicale de la psychiatrie, entre autres. Les fraudes à la CMU-C sont minimes, insistent-ils, en craignant que cette réforme, "qui transforme l'accès aux droits sociaux en une confrontation avec les services instructeurs de cette prestation", ne coûte finalement plus cher en gestion que les bénéfices attendus.
Début janvier, déjà, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), le socialiste Claudy Lebreton, s'interrogeait sur la finalité réelle - "erreur ou affichage ?" - de ce décret alors encore à venir. En charge du RMI depuis 2004, rappelait-il dans un communiqué, les conseils généraux "savent déceler et interrompre les très rares situations de fraude qui peuvent exister". Tandis que l'évaluation des éléments de train est l'affaire des services fiscaux en charge de réprimer la fraude et l'évasion fiscale, insistait-il.
(1) Décret n°2008-88 du 28 janvier 2008 relatif aux modalités d'évaluation des biens et des éléments de train de vie pour le bénéfice de certaines prestations sociales sous conditions de ressources (J.O. du 30 janvier 2008). Lire également ici…
(Source : Actualités Sociales Hebdomadaires)
=> Eric Woerth voudrait que la CMU soit délivrée pour 3 mois au lieu d'un an : lire en commentaire…
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