On les comprend. En annonçant, lors de sa conférence de presse du 8 janvier, son intention de supprimer totalement la publicité des chaînes publiques, Nicolas Sarkozy a, en effet, pris le risque de déstabiliser en profondeur le paysage audiovisuel français, ses acteurs, ses personnels et ses productions.
Pourquoi pas ?, dira-t-on. L'idée n'avait-elle pas été évoquée, il y a une vingtaine d'années, par la gauche ? La perspective de voir les écrans des chaînes publiques débarrassés de leurs spots publicitaires n'est-elle pas une utopie séduisante pour bon nombre de téléspectateurs, ulcérés de se voir réduits à "du temps de cerveau disponible" pour les annonceurs, selon la formule célèbre de Patrick Le Lay, l'ancien président de TF1. Comment ne pas se réjouir de voir, demain, les chaînes publiques marquer davantage encore leur différence, se démarquer de la médiocrité trop souvent offerte par leurs concurrentes privées et multiplier les programmes de qualité, les créations originales, l'information exigeante ?
Tout serait donc pour le mieux si le président de la République avait accompagné son annonce d'une claire stratégie industrielle et éditoriale. Or, c'est tout le contraire. Préparée en catimini, improvisée sans consultations approfondies, la "révolution" annoncée par le chef de l'Etat soulève mille questions sans réponses. Dès lors qu'il écarte toute augmentation de la redevance (pourtant la plus faible d'Europe), comment compenser les quelque 800 millions d'euros de recettes publicitaires annuelles de France Télévisions ? Par de nouvelles taxes sur la publicité des chaînes privées ou sur les opérateurs télécoms, ou encore sur les récepteurs ? La confusion est totale, et chacun de ces acteurs a déjà clamé que ce serait absurde ! Comment financer, par ailleurs, les 3 à 4 heures de programmes quotidiens supplémentaires que libérerait la suppression de la publicité ?
Les pouvoirs publics ont beau jurer, la main sur le cœur, que chaque euro de publicité supprimé sera compensé et qu'il n'est pas question de modifier le périmètre des chaînes publiques, tous les doutes sont permis. Surtout quand l'on entend les responsables de chaînes privées affirmer avec aplomb que les télévisions publiques sont peut-être trop nombreuses et pourraient sans problème fonctionner à moindre coût...
De deux choses l'une : ou bien l'exécutif sait où il va, et il est urgent qu'il le dise ; ou bien il a pris le risque de déstabiliser les chaînes publiques sans en mesurer les conséquences. Ce serait d'une coupable désinvolture.
(Source : Le Monde)
Articles les plus récents :
- 18/02/2008 15:55 - Nuit blanche citoyenne pour les mal-logés
- 17/02/2008 18:37 - Maigres victoires à Kléber et Carrefour
- 15/02/2008 21:27 - 15 mois de prison ferme pour un marchand de sommeil
- 15/02/2008 00:30 - Des cuisiniers sans-papiers occupent leur restaurant
- 14/02/2008 17:09 - Nouveauté Livre : Faut-il éliminer les pauvres ?
Articles les plus anciens :
- 12/02/2008 15:12 - Elections prud'homales : chômeurs, inscrivez-vous !
- 11/02/2008 21:43 - Marseille : Carrefour et McDo en grève
- 07/02/2008 13:14 - Contre le décret sur le train de vie des RMIstes
- 06/02/2008 22:33 - Municipales à Dijon : Une liste de chômeurs, de précaires et de gueux
- 06/02/2008 18:41 - 247 CDD en 30 ans : La Poste condamnée