[...] D'abord, pour les amateurs d'action et de gestes forts, on va commencer par cogner sur les caïds. Mais attention : tous les caïds.
Puisque, contrairement au pouvoir en place, il n'est pas question de stigmatiser des pans entiers de population déjà ghettoïsée pour satisfaire la couardise d'un électorat réactionnaire. Il est ici question de taper lourd sur ceux qui montrent le mauvais exemple, du haut en bas de la société.
Ainsi, les petites merdes ultra-libérales qui jouent les Tony Montana en régnant sur leur bout de quartier s'en prendront plein la gueule et à juste titre, ô combien certes — débarrassant les habitants desdits quartiers de la trouille de vivre sous la férule d'une poignée d'irrécupérables connards. Mais tant qu'à faire, dans cette optique, nulle raison évidemment que les autres délinquants, ceux d'en haut, puissent s'en tirer : de ce point de vue, les Eric Woerth & Co n'ont rien à faire en liberté et devront eux aussi, comme leurs homologues mafieux "d'en bas", répondre à quelques vigoureuses questions.
On parle beaucoup également de "déchoir de leur nationalité" les vilains qui ne se tiennent pas droit ? Appliquons cette mesure à la lettre en sommant les millionnaires exilés fiscaux de rentrer fissa payer leurs impôts dans le pays qui les a formés sous peine de connaître les joies austères du devenir apatride. Ceux-là aussi : pas de pitié. Ne serait-ce que pour voir la gueule d'Anelka obligé de rentrer en France entre un cordon de policiers, on savoure d'avance pareille image.
L'épluchage systématique des comptes de grandes entreprises et la mise en examen des dirigeants un peu flous sur leur comptabilité offshore est également au programme, mais a-t-on besoin de le préciser ?
[...] La question de la sécurité de chaque citoyen doit être politique, et ce n'est pas en faisant un sécuritaire démagogique sans repenser d'autre manière de faire la politique qu'on arrivera à une société apaisée.
S'il y a de la délinquance, ce n'est pas en vertu d'on ne sait quelle particularité génétique qui, comme par hasard, y prédisposerait les plus pauvres : c'est parce qu'une société ne donne pas d'autres moyens aux secteurs les plus fragilisés de la population de parvenir à une indispensable reconnaissance, quand ce n'en est pas devenu une simple question de survie. Mais penser ça, réfléchir de cette manière, c'est s'intéresser aux causes, au pourquoi, au lieu d'exclusivement proposer du sécuritaire aussi débile qu'inefficace, ce que jamais ne comprendront les gros cons de droite, parce que penser au social comme matrice du comportement des individus, c'est plus compliqué que brailler dans les commentaires du Figaro.fr et c'est bien connu : réfléchir, ça fait bobo à la tête.
Proposer la "sécurité", c'est le faire dans toutes les acceptons de ce terme : c'est changer de politique au sens large, et pas en se contentant de répondre à des sondages qu'on a soi-même commandés.
Parce que, si on est vraiment cohérent et qu'on appelle de ses vœux une vraie "sécurité", c'est avec les politiques de la trouille qu'il faut commencer par en finir : on ne peut pas prétendre être "contre l'insécurité" dans une société basée sur la peur, ce n'est même pas pensable. Peur de l'autre et du pas-comme-soi, peur de soi-même, peur de perdre son boulot et partant peur du moindre connard de chefaillon qui a peur lui-même et met une pression insupportable à ses subordonnés, peur de ne pas avoir assez pour payer le loyer et peur de ne pas avoir le dernier gadget high-tech qui vous donnera l'illusion d'être un peu quelqu'un, peur de ce qu'on voit à la télé et peur d'être rejeté parce qu'on est trop ceci et pas assez cela : PEUR.
L'organisation systématique de la peur comme outil de domination, c'est cela qui fabrique le sentiment "d'insécurité" totale dans lequel nous pataugeons tous, pas les trois capuches malpolies dans le métro. Mais c'est plus facile de désigner trois capuches que de s'en prendre aux vrais responsables.
Et ce que pourra faire, ce que devra faire un vrai pouvoir de gauche, ce n'est pas seulement montrer ses muscles pour calmer les méchants : ce sera utiliser les mêmes moyens de communication de masse, actuellement utilisés pour construire et entretenir cette peur et ces angoisses, afin de les retourner et délivrer un autre message : plus celui de la trouille et du repli, plus celui de l'exploitation crapoteuse du moindre fait-divers, mais montrer qu'il est possible, viable et désirable de reconstruire une solidarité collective, d'en finir avec l'individualisme et d'épanouir une véritable reconnaissance de chacun. D'arrêter de ne montrer que ce qu'il y a de plus laid et mesquin pour faire appel à ce qu'il y a de meilleur.
Parce que, contrairement à ce que nous montre chaque jour la boîte à cons qui ne nous dit que : Vous êtes laids. Vous êtes nuls. Vous êtes petits. Vous êtes impuissants. Vous ne pouvez rien, etc, etc, etc... ce meilleur existe. On le voit au quotidien dans tous les aspects de la vie, au boulot comme dans la rue. La solidarité et l'aspiration à la justice, à une vraie justice, sociale et humaine, sont là. Le boulot d'un pouvoir de gauche, et en attendant le pouvoir le boulot de tout un chacun se disant vraiment de gauche, c'est d'abord ça : faire reprendre confiance. En soi. En l'action collective. Aller au-delà de la facilité du pessimisme et de la pose cynique pour faire comprendre que la seule vraie peur qui puisse exister, c'est celle qu'on peut foutre aux dominants.
Rétablir cette confiance : la vraie sécurité commence par ça.
(Source : CSP)
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