C’est l’histoire d’un mec, euh…, il est mal le mec en cette fin août 2010.
Le mec, il s’est fait licencier il y a deux ans (vous savez, la crise). Et comme les autres mecs (et nanas), il a besoin d’un boulot et de thunes pour vivre.
Quelques mois après son licenciement, un autre mec (un patron que ça s’appelle ce genre de lascars) lui propose du travail.
Trop cool le mec ! Il lui dit : «Viens bosser chez moi. Tu fais un petit essai, "discretos", quelques mois pour que je te teste. Et puis, si tout se passe bien entre nous, on régularise ta situation. T’es OK mec ?»
Le mec, il n’a pas trop le choix, il dit «Oui» illico presto. Forcément, il n’a plus de boulot et il a besoin de fric, alors il saute sur l’occase.
Le test commence. Le mec, il reçoit du pognon (pas grand-chose) en échange de son travail. Mais c’est toujours mieux que rien.
Et puis, le mec se dit que s’il bosse bien, l’autre mec, le patron, va finir par l’embaucher pour de bon, lui filer un vrai statut, un vrai salaire.
Alors le mec, il est plein d’énergie, plein de fougue, plein d’envie, plein d’idées. Il bosse, il bosse, il bosse… comme un malade.
Les mois passent.
Parfois, il dit à son patron au téléphone (parce que, précision, le mec et son patron ne travaillent pas dans la même ville. Ils n’ont pratiquement jamais l’occasion de se voir) : «Euh, faudrait peut-être songer à régulariser ma situation. Le test est concluant, n’est-ce pas ?»
Le patron du mec se dit vachement satisfait du travail du mec. No problem ! Mais, tu penses bien que, comme tout patron qui se respecte, il n’a jamais le temps. Surbooké qu’il est : «On en reparle plus tard», qu’il lui dit chaque fois.
Alors, le mec, il n’ose pas trop râler, pas trop broncher de peur de perdre son boulot et le peu de pognon que lui donne l’autre mec, le patron.
Il attend des jours meilleurs. Quand l’autre sera mieux luné. D’autant que «c’est la crise», comme ils disent à la télévision, que les places sont chères, que des millions de mecs chômeurs se bousculent au portillon des mecs patrons. Alors il ferme sa gueule.
Parfois, il la ramène un peu, mais l’autre mec, lui, il n’a jamais le temps.
Et les mois passent jusqu’au jour où le mec en a ras la casquette. Il écrit un mail à son patron pour lui demander de fixer une bonne fois pour toutes les modalités de leur collaboration et de rémunération. Merde quoi. Il est temps !
Des modalités normales, de celles qui s’appliquent aux mecs normaux. Même que ça s’appelle des salariés, les mecs normaux.
Mais attention, les revendications du mec, elles sont rédigées en termes polis, aimables, cordiaux, car le mec il est bien élevé, sympa, gentil… Et puis, surtout, il ne veut pas froisser son employeur d’un naturel sanguin, le genre à t’envoyer chier vite fait bien fait si tu la ramènes trop.
L’autre mec, le patron, ne lui répond pas. Comme d’hab’ !
Et les vacances s’annoncent…
Le mec, il part quelques jours parce que depuis 16 mois, il n’arrête pas de marner pour son patron. Il a besoin de retrouver son énergie avant septembre où, cette fois, promis juré, il exigera une régularisation de sa situation.
Il est bien déterminé à ne plus se laisser marcher sur les arpions.
Le mec revient de vacances le 9 août : reposé et détendu (ça sert à ça les vacances). Il ouvre sa boite mails et découvre un méchant message de l’autre mec, son patron, qui a pour objet : «Fin de notre collaboration à partir de septembre».
Et dedans, c’est écrit : «J’espère ne pas trop gâcher tes vacances en t’annonçant que, après mûre réflexion, je mets fin à notre collaboration à partir du 1er septembre.
J’ai repris et relu tes emails et je conçois parfaitement que les modalités globales de notre collaboration ne te conviennent pas».
Ça, c’est un patron qui parle cash ! Un vrai, un dur, un qui a des coucougnettes grosses comme des pastèques comme on dit. Un peu comme l’autre-là, celui du fameux «Casse-toi Pauv’ Con !»
Même que le mec patron, il a certainement voté pour le mec Président.
Tu penses que le mec, il n'en croit pas ses yeux. Il est effondré. Il comprend rien à ce qui lui arrive. Il cherche à joindre le mec patron au téléphone. Mais l’autre est parti en vacances jusqu’au 1er septembre. Injoignable, à l’autre bout du monde, en croisière en Polynésie… pour des vacances de patron, quoi.
Il lui laisse quand même des messages sur sa boîte vocale : «J’comprends pas pourquoi tu me vires. Qu’est-ce que j’ai fait de mal ?» Il lui envoie des mails aussi, au cas où…
Bref, il réagit le mec. Il veut pas se faire entuber comme ça sans bouger… comme un pauvre mec quoi !
Au bout de deux jours, l’autre finit quand même par lui envoyer un SMS : «Pas de phone, pas d’ordi, mais décision mûrement réfléchie»…
«Pas de phone» qu’il lui écrit le mec patron… depuis son téléphone mobile, en Polynésie là-bas, chez les riches. Vas comprendre !
Tu penses bien que le mec, il a le sentiment que l’autre se fout de sa gueule. Il comprend de moins en moins la situation, surtout quand le mec patron évoquait dans son mail les «modalités de collaboration».
C’est quoi ces conneries ?
Le problème, c’est justement qu’il n’y a pas de modalités : Pas de contrat de travail, pas de fiches de paie, pas d’assurance professionnelle, pas de congés payés… Rien, que dalle depuis 16 mois !
Mais, pas de contrat, ça veut dire pour le Code du Travail et la jurisprudence que le mec il est embauché à durée indéterminée. Eh ouais, parfaitement : Pas de contrat = CDI !
Ça ne se discute pas.
Pas de fiches de paie, ça veut dire pas de déclaration d’embauche, pas de paiement de cotisations sociales, pas d’assurance-maladie, pas d’assurance-chômage, pas de retraite, pas de 13e mois… Rien, que dalle !
Mais pas de déclaration d’embauche, pas de fiches de paie… c’est ce qui définit le «travail dissimulé» (Article 8221-5 du Code pénal). Sanction prévue pour le patron : 3 ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende.
Sans compter les sanctions civiles (aux Prud’hommes), les redressements et autres pénalités que les organismes sociaux (notamment l’URSSAF) notifieront à l’employeur indélicat.
Voilà une affaire qui réunit presque toutes les infractions possibles au Code du Travail. À peine croyable !
Mais le mec patron, lui, il n’en a rien à foutre de tout ça. Il s’assoit sur ses obligations d’employeur.
Eh mec, on est dans un pays où la Droite décomplexée est au pouvoir depuis 3 ans maintenant. Et, forcément, ça décomplexe les petits patrons complexés.
Depuis 2007, ils font ce qu’ils veulent. Ils ont tous les droits. C’est le Grand Chef qui l’a exigé : «Gagner Plus !», quitte à ne pas s’acquitter de ses obligations sociales, quitte à licencier par mail («à l’américaine» ou plutôt «à la chinoise»), en pleine période de vacances, sans respecter la procédure légale (entretien préalable, préavis, indemnités…).
Rien à foutre de toute cette paperasse ! C’est qui le patron ici ? C’est qui qui décide ?
De toutes façons, demain, au train où vont les choses ce sera la norme.
«Alors, rien à branler du Droit du Travail. Tu sais où je me le mets… ?»
C’est donc l’histoire d’un mec (un de plus) qui a perdu son boulot, s’est fait jeter comme une merde et va devoir se battre pour obtenir réparation du préjudice financier et moral qu’il a subi de la part d’un enfoiré de patron qui s’assoit sur le Code du Travail, et se torche avec en prime.
Le mec licencié va devoir saisir la Justice, se payer un avocat, tout en cherchant du boulot parce que le mec, il a besoin de thunes (et, du taf, c’est pas certain qu’il en retrouve car il commence à se faire vieux).
Et puis, la Justice, c’est même pas sûr qu’elle lui donne raison au final. Parce que la Justice, parfois elle se trompe. Parfois elle se range du côté du plus fort, du plus riche, du plus con. Et si elle lui donne raison, c’est pas avant deux ans, voire trois ans si le mec patron fait appel de la décision.
D’ici-là, le mec chômeur, il a le temps de se faire du mauvais sang pendant que l’autre, le mec patron, lui, il continuera de se goinfrer sur le dos d’autres mecs qu’il va entuber bien profond.
C’est donc l’Histoire d’un mec qui s’est bien fait couillonner.
Mais cette histoire ne va pas s’arrêter-là. Et même qu’ici sur Actuchomage.org on va la suivre de très près.
Et même qu’ici, si on peut lui donner un coup de main au mec viré, on le fera.
Et si on peut mettre un coup de pied au cul du mec patron (1), on lui en collera deux pour le même prix.
La suite au prochain épisode…
Steve Borrow
(1) Le mec patron a un nom, une entreprise, une réputation. Il faut encore attendre un peu que les choses se décantent avant de révéler son patronyme et son visage… Mais ça viendra !
Les pourris (on reste poli) finissent parfois par payer l’addition. Nous, on fera tout pour !
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