Notamment, la gratuité des appels vers les services sociaux depuis les fixes et les mobiles est prévue par la loi. Mais dans un contexte d'inflation législative où, bien que votée par le Parlement, un texte sur deux reste inapplicable, le décret en question est bloqué… depuis six ans.
Le sénateur de Moselle Jean-Louis Masson, ex UMP, rue à nouveau dans les brancards, jugeant la situation inadmissible et accusant le gouvernement de traîner les pieds en vue de dissuader les usagers de contacter ces services (Pôle Emploi, CAF, impôts, Sécurité sociale…). «Il s'agit d'un détournement de pouvoir flagrant», estime-t-il : Lire ici cet article de L'Expansion qui résume très bien l'affaire...
Depuis 2006, Jean-Louis Masson et son homologue socialiste de l'Aude, Roland Courteau, se mobilisent contre la prolifération des "numéros spéciaux" (dont la plupart sont surtaxés) mis en place par le gouvernement pour joindre les administrations publiques et les services sociaux, numéros à la tarification aussi variée qu'illégale et dont les usagers — surtout les plus démunis — assument injustement le coût.
Après s'être essuyé lettres mortes et autres fins de non recevoir, Jean-Louis Masson a donc décidé de déposer un «recours en annulation pour refus implicite» devant le Conseil d'Etat. Voici le contenu de sa requête :
La loi n°2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) a été publiée au Journal Officiel du 22 juin 2004. Or, près de six ans plus tard, certains décrets d’application particulièrement importants n’ont toujours pas été pris. Cette situation est hautement préjudiciable, notamment pour ce qui concerne les décrets d’application afférents aux articles 6, 18, 22, 28 et 55. Ainsi, par exemple pour l’article 55, l’absence de décret relatif aux services sociaux devant être accessibles gratuitement depuis les téléphones fixes ou mobiles pénalise des millions de familles souvent modestes.
M. Jean-Louis MASSON a donc adressé au Premier Ministre une lettre recommandée avec accusé de réception postée le 9 avril 2010. Dans cette lettre (P.J. n°1 : lettre au Premier Ministre restée sans réponse), il demandait au Premier Ministre de prendre les délais d’application des cinq articles susvisés de la loi n°2004-575. Plus de deux mois après, le Premier Ministre n’a pas répondu à cette démarche, ce qui constitue un refus implicite.
En ce qui concerne les numéros de téléphone surtaxés en 08 appartenant soit à des sociétés privées, soit à des administrations (ce dernier cas étant visé par la loi n°2004-575), M. MASSON a multiplié les démarches. Il s’est notamment associé aux gérants du site Internet «Geonumbers», qui diffusent le numéro territorial correspondant à chaque numéro en 08. Avec les responsables de ce site, il a même déposé une pétition à l’Elysée à ce sujet (P.J. n°2 : articles du Républicain Lorrain de Longwy et du Bien Public) qui a recueilli plus de 100.000 signatures.
Cette démarche fait suite à de nombreux efforts antérieurs (P.J. n°3 : article de l’Est Républicain, 23/10/07) et à diverses interventions parlementaires (P.J. n°4 : communiqué et articles de presse concernant la proposition de la députée ZIMMERMANN et du sénateur MASSON).
La loi n°2004-575 a entre autres prévu la gratuité des numéros de téléphone des services sociaux qui étaient jusqu’alors surtaxés (téléphones en 08). Cette avancée importante s’est malheureusement heurtée à la mauvaise volonté du Gouvernement. Celui-ci retarde délibérément les décrets d’application afin d’éviter l’application des dispositions correspondantes de la loi. Or, les décrets d’application des articles susvisés de la loi n°2004-575 ne présentaient aucune difficulté particulière.
C’est pourquoi, par une question écrite du 20 septembre 2007, le sénateur a interrogé le ministre sur l’origine du retard. Celui-ci a alors fourni la vraie raison de la mauvaise volonté des pouvoirs publics. Sa réponse ministérielle indique en effet : «D’abord, la gratuité totale de l’accès aux services est porteuse d’effets pervers. Il est ainsi souligné par les rapporteurs qu’elle favorise l’augmentation du nombre des appels non pertinents, inutilement réitérés ou abusivement prolongés contribuant à une diminution de la qualité des services rendus par les administrations. Le coût de mise en œuvre s’avère, de plus, extrêmement important…» (P.J. n°5 : question écrite n°1900 du 20/09/2007 de M. MASSON et réponse correspondante).
Le retard dans la mise en œuvre de la gratuité du téléphone des administrations gérant des services sociaux trouve donc son origine dans le fait qu’on cherche à dissuader les usagers de téléphoner. Il s’agit d’un détournement de pouvoir flagrant.
Pour un tel motif, l’Etat ne peut pas légitimement retarder l’application pendant plus de six ans d’une loi votée en bonne et due forme par le Parlement.
Par la présente, M. Jean-Louis MASSON agit en tant que citoyen, en tant qu’usager des services publics concernés, en tant que parlementaire ayant œuvré pour l’évolution de la législation, et en tant qu’élu ayant transmis la pétition nationale au Président de la République.
Il demande au Conseil d’Etat :
• d’annuler le refus implicite du Premier Ministre de publier ou de faire publier les décrets d’application de la loi n°2004-575;
• de condamner l’Etat à lui verser une astreinte de 1.000 € par semaine de retard à compter du troisième mois de la notification de l’arrêt du Conseil d’Etat.
Hélas, comme le précise L'Expansion, les sages du Palais-Royal ont un délai d'un an pour rendre leur verdict. L'application complète de la loi n°2004-575 n'est donc pas pour demain ! Mais l'acharnement indispensable de ce sénateur mérite d'être salué.
Maintenant, pour finir sur une touche un peu cinglante, penchons-nous sur la Une du dernier numéro de Marianne, qui fait actuellement scandale en traitant Nicolas Sarkozy de «voyou de la République». Dans le dictionnaire, outre le "galapiat" qu'on lui accole volontiers, l'une des définitions du mot VOYOU évoque un "individu peu scrupuleux, qui ne respecte pas les lois". Dans le cas présent, s'il ne s'agit pas à proprement dit du non respect d'une loi, mais d'entraves répétées à son application de la part d'une équipe gouvernementale. Ce qui équivaut au non respect du vote parlementaire. Donc, au non respect du fonctionnement démocratique de notre pays. De ce fait, nous ne pouvons malheureusement qu'être d'accord avec le choix de Marianne et élargir le constat en rajoutant un pluriel à son titre.
SH
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