Exemplaire, cet arrêt de la Cour d'appel de Paris témoigne du régime à deux vitesses sous lequel travaillent les salariés de France Télévisions. A l'heure où il est sommé de faire maigrir la masse salariale, le groupe audiovisuel public a été condamné à verser à un ancien salarié de France 3 quelque 206.000 euros, une somme destinée à couvrir les frais de requalification d'un CDD en CDI.
M. X, technicien monteur chez France 3, a passé 10 ans au sein d'une antenne régionale de la chaîne entre 1999 et 2009. Au moment où France Télévisions a cessé de fournir du travail à ce salarié, ce dernier a alors demandé la requalification de ses contrats en CDI, avec en prime des indemnités de licenciement.
320 CDD, 6 services distincts, 5 villes différentes
De fait, pendant une décennie, France 3, qui était le seul employeur du technicien, lui a de son propre aveu signé «320 contrats à durée déterminée», selon l'arrêt dont La Tribune a pris connaissance. Pour sa défense, le groupe fait valoir que le salarié «n'a pas occupé un emploi durablement pour une activité normale et permanente». Dans le détail, 290 CDD ont servi à effectuer des remplacements, et 29 CDD ont été utilisés pour faire face à «des accroissements temporaires d'activité». Le salarié a travaillé «au sein de six services distincts de France 3 situés dans cinq villes différentes». Le monteur a donc remplacé «20 salariés permanents pour des périodes très courtes». Or, poursuit le groupe public, dans le secteur, «il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat indéterminé».
La Cour balaye les arguments de France Télévisions
Las, l'ensemble de ces arguments a été balayé par la Cour d'appel. «Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise (article L1242-1 du code du travail). Or, M. X a travaillé pendant 10 ans de façon régulière et permanente au montage des émissions quotidiennes et hebdomadaires de France 3, à savoir le journal télévisé et des magazines d'information, qui font partie des programmes permanents de la chaîne. […] Il en résulte que l'employeur ne peut recourir de façon systématique au CDD de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main d'œuvre». Ainsi, sur la base de ces arguments, l'entreprise a-t-elle été condamnée à verser 206.000 euros, dont 85.000 euros au titre des indemnités de licenciement, le reste de la somme recouvrant des rappels de salaire, de prime de congés payés, etc.
Entre 2000 et 2.500 contrats précaires
C'est de notoriété commune : France Télévisions fonctionne sur un important volant de précaires, servant à combler les problèmes d'organisation de l'entreprise. Ainsi, selon la CGT, "l'entreprise emploie 10.000 personnes, dont entre 2.000 et 2.500 personnes en contrats précaires qui cumulent des milliers de jours de travail à France TV». Pour 2013, France Télévisions devra économiser 150 et 200 millions d'euros. Un plan de départ volontaire concernant 500 personnes est déjà en cours. Il pourrait être porté, craignent les syndicats, à 1.000 personnes. Reste à savoir si, en parallèle de ce plan, l'entreprise proposera aussi des conditions particulières aux CDD dont les missions pourraient s'arrêter. Sans quoi, la décision de la Cour d'appel pourrait faire des émules.
(Source : La Tribune)
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