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Restauration : Il faut en finir avec la TVA à taux réduit

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Un rapport parlementaire propose de la relever à 12%. Dans une lettre à François Hollande, le restaurateur Xavier Denamur demande son rétablissement à 19,6%.

Monsieur le Président,

Je suis un restaurateur exploitant plusieurs enseignes au cœur de la capitale et un contribuable appartenant aux 0,01% des Français les plus aisés. J’ai une expérience de plus de 35 ans dans la restauration et de plus de 20 ans comme chef d’entreprise et, dans ce cadre, je me suis toujours opposé à la baisse de la TVA dans la restauration ainsi qu’à la mise en place des mesures fiscales exonérant les plus riches contribuables de leurs obligations.

C’est fort de cette expérience et de ces convictions que je souhaiterais vous exposer un bilan de la baisse de la TVA dans la restauration qui sera, à plus d’un titre, différent de celui martelé par les organisations patronales. Je désirerais aussi vous fournir d’autres pistes d’évolution de ce secteur en dehors du toujours tentant statut quo ou du désormais classique chantage aux licenciements.

En 2008, dans un long texte, j’avais tenté d’alerter le président Nicolas Sarkozy sur le fait qu’une baisse de la TVA dans la restauration n’aurait aucunement les effets escomptés par les lobbies et les organisations patronales du secteur.

Trois ans après la mise en place d’une TVA réduite dans les HCR (hôtels, cafés, restaurants), les faits semblent me donner raison. Alors que vous avez accès aux statistiques de l’Insee et aux études des organismes sociaux, comment pourriez-vous ignorer que les prix dans la restauration ont augmenté alors que les embauches, les salaires, les conditions de travail et les investissements productifs ont très peu évolué ? Vous n’ignorez certainement pas non plus l’analyse que la commission européenne a fait des expériences de baisse de la TVA dans les services de proximité, qui conclut à l’absence de baisse des prix pour les consommateurs et d’augmentation de salaire pour les employés.

La baisse de la TVA accordée au secteur des HCR par l’ancienne majorité aura surtout permis de mettre en avant dans les médias les problèmes endémiques de la profession, sans en régler les causes. Par ailleurs, et d’une façon tout à fait contradictoire par rapport aux objectifs mis en avant, cette mesure a surtout favorisé le développement des groupes structurés et d’entreprises qui n’avaient rien à craindre de la crise : un comble ! Une société comme Mac Donalds reconnaissait dernièrement dans un reportage diffusé sur France 2 que cette mesure générait près de 180 millions d’euros de marges supplémentaires chaque année.

Si l’on ne revient pas sur cette loi, c’est à dire si vous entérinez les décisions de votre prédécesseur, la continuation de cette même politique permettrait à ce groupe de bénéficier d’un cadeau de près d’un milliard d’euros supplémentaires pendant votre quinquennat [1]. Est-ce ce type de restauration que cette mesure devait aider à se développer ? La question reste donc d’actualité et je vous la pose sans ambages : quelle politique de restauration envisagez-vous pour les Français et pour l’avenir ? Quand et comment allez vous sortir des mauvaises pratiques qui ont conduit la Caisses des Dépôts et Consignation à investir via une de ses filiales dans un groupe comme Quick ? Un comble absolu qui est emblématique du précédent pouvoir : investir de l’argent public dans un groupe privé pratiquant la «malbouffe» et la précarité du travail !!!

Monsieur le Président, face aux enjeux, l’hôtellerie-restauration est un secteur qui pèse lourd dans l’économie du pays : elle représente plus de 10% des services marchands. Il faut une vraie mesure et non une semi décision comme le taux intermédiaire que préconisait en 2009 le président de la Commission des Finances du Sénat, monsieur Jean Arthuis. Ce genre de choix d’expert comptable sans audace, qui semble avoir la faveur des cabinets ministériels depuis quelques jours, ne satisfera personne et ne changera rien dans un secteur qui a tant besoin de se restructurer. Pire, il aggravera la défiance des Français vis à vis de votre politique, perçue comme étant encore très imprécise sur le cap donné à notre pays.

Il est temps de prendre des mesures radicales qui orienteront ce secteur vers des choix d’avenir et donneront aux professionnels un nouvel élan.

Monsieur le Président, j’ai rédigé 10 propositions en échange du retour à une TVA à 19,6% pour l’ensemble des HCR et vous les ai jointes. Elles peuvent servir de base à une négociation refondatrice de la profession, qui est, ne l’oublions pas, le premier employeur de France !

Ces propositions, que j’avais déjà soumises à Nicolas Sarkozy, sans grand espoir d’être ne serait-ce qu’écouté par votre prédécesseur, sont différentes et seront à coup sûr plus efficaces de celles proposées par les lobbies mais surtout, elles sont en phase avec les objectifs économiques, sociaux et écologiques de la politique que vous avez promis aux Français pendant la campagne présidentielle.

Monsieur le Président, en avril 2009, j’avais à nouveau écrit à monsieur Nicolas Sarkozy pour l’alerter sur la précipitation et le manque de concertation qui ont présidé à cette mesure. Malheureusement, c’était pour ainsi dire la marque de fabrique de ce quinquennat. J’aimerais, monsieur le Président, que dans l’intérêt général nous évitions que cela ne se reproduise car il me semble que notre pays est face à des enjeux qui nécessitent une autre politique. C’est pour cette raison que je vous recommande de regarder le film de Jacques Goldstein «République de la malbouffe» que j’ai produit sur ce sujet avec une partie des marges supplémentaires occasionnées par la baisse de la TVA dans mes restaurants, ainsi que le reportage «TVA dans la restauration : l’addition est-elle trop salée ?» d’Olivier Joulie, diffusé le 29 septembre dernier sur France 2 dans le magazine d’investigation Envoyé spécial.

Monsieur le Président, si vous cherchez à infléchir la courbe du chômage, prenez le temps de lire mes propositions qui, construites sur une expérience de trente ans dans le secteur, permettraient de créer des centaines de milliers d’emplois dans la restauration, l’agriculture, l’agroalimentaire et le tourisme. Vous vouliez que le changement ce soit maintenant ? Changeons donc à la fois la méthode, soyez ouvert aux propositions de la société civile, mais changeons aussi le fond et repensons une restauration ayant retrouvé ses fondamentaux.

Connaissant votre goût pour la bonne chère, je serais honoré de pouvoir vous entretenir de tous ces sujets autour d’une bonne table. Cela pourrait éventuellement s’organiser dans un de mes bistrots où l’on mange au moins aussi bien qu’à L’Alsace, une adresse également liée financièrement à une filiale de la Caisses des Dépôts et Consignation. L’Alsace est la brasserie où Monsieur Hervé Novelli en compagnie de Jacques Borel, président du Club TVA étrangement situé à la même adresse, avaient lancé le premier juillet 2009 le coup d’envoi de la baisse de la TVA dans la restauration, aux frais du contribuable pour ainsi dire.

Je vous prie, monsieur le Président, de croire en l’expression de mes sincères salutations.

Xavier Denamur, restaurateur normal de la République

(Source : Rue89)


[1] L'abaissement de la TVA à 5,5% dans les HCR opérée en 2009 sous le gouvernement Fillon coûte chaque année plus de 3 milliards d'euros à l'Etat. Alignement sur le taux commun de 19,6% ou remontée du taux intermédiaire (actuellement 7%) à 10, 12 voire 15% ? Le gouvernement rendra une décision définitive à la mi-novembre.


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