Celle que nous appellerons Carole avait vécu les galères qu'on peut connaître quand on a été placée dès la naissance dans un foyer de bonnes sœurs qui vous apprennent la vie à coups de claques destinées à assurer votre salut. Carole s’est donc construite à partir de ça. Aujourd’hui la quarantaine, elle parle :
«Pendant des années, j’ai eu peur de l’école. Je croyais que les sœurs m’y emmenaient pour m’abandonner. Alors moi je résistais, je refusais d’apprendre. Ce n’est que plus tard que j’ai compris le rôle de l’école et l’importance d’étudier. Sans formation, j’ai fait plein de boulots tout en essayant de rattraper le retard scolaire. Puis, à 37 ans j’ai décidé de passer mon bac. J’ai réussi l’examen d’entrée à la formation en bac professionnel de secrétariat comptabilité. C’était dur, mais je me suis accrochée.
Au cours de cette formation était prévu un stage en entreprise. J’ai fait le mien à Pôle Emploi. A l’issue de celui-ci, alors que je devais reprendre le chemin du centre de formation, la direction de Pôle Emploi m’a convaincue d’abandonner ma formation en me faisant miroiter une embauche en CDI et en me disant que je pourrais passer mon bac plus tard, dans le cadre de la formation continue. La direction de Pôle Emploi a même écrit (j’ai gardé la lettre) à mon centre de formation en ce sens.»
En fait de CDI, Carole va faire huit CDD de octobre 2009 à février 2012 où elle se retrouve mise à la porte au bout de plus de deux ans de bons et loyaux services, à se décarcasser dans l’espoir de décrocher le CDI tant désiré.
D’explications, Carole n’en a d’autant moins eues que son poste n’a pas été supprimé et que son travail n’a pas été mis en cause. Bien au contraire, la directrice lui écrira que son travail est remarquable, qu’elle a fait preuve de sérieux et de motivation qui sont reconnus par ses collègues... Dans cette même lettre, la directrice lui explique que la loi lui interdit de faire signer un nouveau CDD à Carole avant huit mois… et lui en fait signer un nouveau quelques semaines après !!!
«Ils m’ont changé 3 fois de motif de CDD, la personne que je remplaçais n’a pas repris le travail, ils n’ont pas appliqué la carence, bref ils n’ont pas respecté la légalité sur plein de points. Lors de mon entretien de fin de contrat, le DRH a d’ailleurs reconnu que Pôle Emploi était "limite" (sic) avec mes CDD et mes carences. Il m’a aussi dit qu’il avait de bons retours de mes différents supérieurs hiérarchiques, que je faisais du bon travail, mais qu’ils ne pouvaient pas me garder...
Il avait peur qu’avec tout ça je les mette aux Prud’hommes. Il m’a proposé de l’aide. (En fait d’aide, il m’a renvoyée sur mon agence qui m’a proposé en tout et pour tout 2 offres d’emploi : une pour laquelle il fallait le permis de conduire et l’autre… être bac +5 ! Eux qui m’avaient empêchée de passer le bac !!!)
Il a ajouté qu’avec mon expérience à Pôle Emploi sur mon CV, cela allait m’ouvrir des portes et que j’allais rapidement trouver un travail. (Cette phrase m’a profondément choquée et je me suis sentie comme une merde, car il le disait sur un ton très ironique en me prenant de haut.)
Il a dit qu’il était "désolé". Et moi, qu’est-ce que je devrais dire ? A cause d’eux, j’avais interrompu ma formation et maintenant, j’allais perdre mon appartement (ça, je le lui ai dit) car je ne pourrai pas payer mon loyer en étant au chômage.
Suite à cet entretien, mon médecin personnel a contacté le médecin du travail de Pôle Emploi et l’a alerté sur mon cas. J’ai été convoquée en urgence par ce dernier qui s’inquiétait de ma santé mentale (TS). Il a fortement réagi à notre entretien car il a appelé la RH et devant leur ignorance, leur a fait un rapport sur ma situation. Il m’a appelée personnellement à mon domicile pour m’informer de ça, me faire part du choc que lui a causé ma situation et de la non réaction de la RH.
- Ces deux médecins m’ont ordonné de me mettre en arrêt maladie.
- J’ai effectivement perdu mon appartement (fin du CDD le 16 février, j’ai déménagé le 23).
- Je suis actuellement hébergée, dans une grande précarité et toujours au chômage.
Dès que le gouvernement a annoncé qu’il y allait avoir des embauches à Pôle Emploi, j’ai postulé. La réponse que j’ai reçue ne me laisse guère d’illusion : on me parle de CDD (encore !) pour lesquels je ne serais pas prioritaire...
A ce jour je n’ai plus rien à perdre et j’irai jusqu’au bout de ce combat, car Pôle Emploi a oublié que j’étais un être humain et ils n’ont vu qu’un petit CDD devant eux. Ils ont joué avec ma vie et je leur en veux à cause de ça.»
Carole a assigné Pôle Emploi en justice pour obtenir sa réintégration. Elle est désormais soutenue par la CGT Pôle Emploi et par le comité Chômeurs CGT de Marseille.
(Source : Rouge Midi)
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