Partie à 14h00, la manifestation parisienne est allée du Palais Royal au boulevard des Invalides, en passant par la rue des Saints-Pères, Sèvres-Babylone, puis a rejoint à 16h00 les manifestants déjà rassemblés avenue Bosquet, devant le siège du Medef.
Derrière les banderoles de la CGT, les rangs étaient serrés, avec pour slogans : «Nous voulons vivre de nos métiers». «Le Medef partenaire social ? Quelle comédie !». «L'Art est public»…
À proximité de l'immeuble du Medef, à l'appel des associations de chômeurs AC !, APEIS, CGT-Chômeurs, MNCP, et de syndicats de Pôle emploi, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées, alors que se déroulait la négociation Unédic, sous la protection des CRS.
D’autres initiatives ont eu lieu ce même jour dans de grandes villes de France, rassemblant plus de 20.000 manifestants. Dans plusieurs de ces villes, des intermittents étaient en grève. Sur les plateaux de France2 (Série Détective), la grève a été votée par 38 salariés sur 48. Les grèves ont aussi touché des plateaux de tournage à Lyon et à France3 Marseille.
Ces deux dernières semaines, plusieurs administrations ont été occupées par des intermittents en colère : la Direction régionale du travail de Lille, le Ministère de la Culture, le Medef Île-de-France.
Des annexes de la Convention Unédic qui concernent des secteurs particuliers sont très menacées :
- L'annexe 4 qui concerne les intérimaires.
- Les annexes 8 et 10 qui concernent les techniciens et les artistes intermittents du spectacle.
Les chômeurs dits «en activité réduite», qui ont la possibilité de cumuler un petit revenu d’activité et une allocation de chômage, sont aussi dans le collimateur.
Ce sont donc en réalité tous les statuts des «salariés en emploi discontinu» qui, selon les souhaits du Medef, risquent de disparaître.
Le statut d'intermittent du spectacle est menacé depuis 10 ans. La réforme de 2003 a déjà supprimé la «date anniversaire» pour le calcul des indemnités de chômage des intermittents, ce qui complexifie beaucoup les situations. De plus, l'indemnisation des intermittents du spectacle est passée de 12 mois à 8 mois, ou 243 jours. Il y a eu de nombreux problèmes concernant les femmes enceintes.
Le Medef propose que l’État prenne en charge le surcoût lié à ce régime particulier, dans la mesure où il souhaite son maintien.
Déclaration du responsable de l'Union syndicale de l'intérim CGT
Le cortège des intérimaires CGT comprenait une centaine de personnes de chez Manpower et de quelques autres sociétés. Des actions avec occupations d'agences d'intérim ont été organisées à Paris, Nantes et Lyon. L’annexe 4 n’est pas négociable : il s’agit de quelques droits sociaux qui ont été obtenus pour les intérimaires, en compensation d’une très grande précarité.
Le patronat souhaite développer l'hyper-mobilité et la flexibilité. 2,2 millions de salariés passent chaque année par des sociétés d'intérim, ce qui équivaut à 600.000 salariés en équivalent temps plein. La CGT de l'intérim dénonce la casse des droits sociaux. En cas de suppression de l’annexe 4, les intérimaires seraient désormais soumis à une course à la mission totalement infernale. Le refus d’une mission d'intérim ne serait plus possible, même si elle est dangereuse ou très éloignée du domicile. Or, pour un même poste de travail, il y a deux fois plus de risques d'accidents lorsque la personne qui l’occupe est intérimaire.
Déclaration de la CGT
Le constat est celui d'une très forte augmentation du chômage, particulièrement chez les jeunes et les seniors. Il y a aussi une augmentation du chômage de longue durée. Parmi les entrées à Pôle emploi, 51% sont liées à des fins de CDD ou de missions d'intérim. Or, tous les dispositifs qui étaient «un peu mieux» que le régime général d'indemnisation du chômage sont actuellement remis en cause.
Par ailleurs, les investissements publics sont en nette diminution dans la culture. La suppression du régime des intermittents du spectacle ne pourrait rapporter que 300 millions d’euros (pour 20 milliards de déficit affiché par l’assurance-chômage) ; ce régime n'est nullement coûteux, au regard de ce qu’il apporte.
Les propositions de la CGT
- La durée d'indemnisation dans le régime général devrait passer de 24 mois à 30 mois, et de 36 mois à 60 mois pour les seniors.
- Pour faire baisser la précarité, il faut faire payer les principaux responsables, c'est-à-dire les patrons en surtaxant les CDD de courte durée.
La sur-cotisation pour les contrats courts pourrait permettre d'abonder les caisses de l'Unédic de 1,4 milliards d’euros. L'intérim a échappé à la surtaxation lors de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, et la surtaxation prévue pour les CDD de courte durée est minime.
- Davantage de formations qualifiantes. Il y en a actuellement très peu.
1.500 demandeurs d'emploi ont bénéficié d'une formation financée par Pôle emploi en région parisienne en 2013, sur 160.000 inscrits.
- Un encadrement des ruptures conventionnelles, qui concernent 500.000 personnes par an et ne sont que des licenciements déguisés.
- Il faut maintenir les annexes qui prennent en compte les situations particulières de certains secteurs professionnels. Il faut également ouvrir des négociations pour améliorer ces annexes. Actuellement, beaucoup d'intermittents du spectacle n'ont pas droit à des indemnités. Ils sont en dehors du régime.
Selon le représentant de FO, il s'agit d'une véritable provocation du Medef, d'une remise en cause de la protection sociale et de la solidarité entre les différentes catégories de demandeurs d’emploi. FO demande, comme la CGT du spectacle, le maintien des 507 heures avec un retour à la période de référence initiale de 12 mois, le retour à une durée d’indemnisation de 12 mois, et une prise en compte des périodes de congés, de maladie, de maternité, d’accidents du travail…
Il faut souligner qu’il existe de très fortes disparités entre les cachets des acteurs qui touchent de très hauts salaires (4.000 € la journée ou la semaine), tandis que d'autres touchent la même somme sur une année.
Le témoignage de Florence, intermittente du spectacle depuis 30 ans, choriste d'opéra :
« De plus en plus de sociétés de l’audiovisuel et du spectacle exigent le statut d'auto-entrepreneur au moment des castings. Si une personne n'a pas ce statut, elle ne peut pas travailler sur un tournage. Cette évolution est simplement due au fait que les employeurs ne veulent pas payer de cotisations sociales, donc évitent de recruter des salariés, comme c’est le cas dans d’autres secteurs (le nettoyage…). L'utilisation du statut d'auto-entrepreneur qui est faite actuellement doit être dénoncée. C’est une horreur ! Beaucoup de personnes gardent ce statut pendant 3 ans, puis elles disparaissent. Dans la production culturelle, cela s’étend de plus en plus. Ça va à l’encontre du statut d’intermittent du spectacle.
Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, est contre la proposition du Medef de liquider le régime des intermittents. En 2003, la CFDT avait signé la refonte de ce régime, elle ne le fera peut-être pas maintenant si elle voit que le gouvernement est contre… Les plus gros changements ont eu lieu en 2003 ; à cette époque, beaucoup de gens ont été exclus du régime. Il y a désormais des «trous» dans nos ASSEDIC. La durée d'indemnisation est de huit mois. Je suis sortie à plusieurs reprises du statut d'intermittent depuis 2003, mais j’ai réussi à y revenir à chaque fois quelques mois plus tard. Il n'y a plus de recalcul des indemnités à la date anniversaire comme auparavant, mais en fin de chaque période d'indemnisation. Il faut obtenir 507 heures de travail en 10 mois et demi, au lieu de 12 auparavant, et on obtient alors 243 jours d'allocations. La durée d'indemnisation est passée de 12 mois à 8 mois pour tout le monde. Si on atteint les 507 heures sur 11 mois, on sort du statut. Il faut alors faire une demande d'indemnisation ARE, comme un demandeur d'emploi normal. On peut ré-entrer dans le statut d'intermittent plus tard, lorsqu’on retrouve une période de 507 heures sur 10 mois et demi. »
Conclusion : La lutte continue et doit s’étendre
La prochaine et dernière réunion de négociation Unédic aura lieu le 13 mars. Une nouvelle journée d'action collective est prévue le 12 mars, avec une marche à partir du Châtelet pour protester contre la baisse du budget de la Culture.
La CGT du spectacle appelle à une Assemblée générale à l'Olympia, mercredi 5 mars à 18h30.
Odile Merckling
Syndicats présents le 27 février 2014 : Syndicat des musiciens de Paris (SDAMP-CGT) , Fédération nationale des syndicats du spectacle, de l'audiovisuel et de l'action culturelle (FNSAC-CGT), Syndicat des professions de l'industrie audiovisuelle et du cinéma (CGT), Syndicat français des artistes interprètes (SFA-CGT), Syndicat national des techniciens et travailleurs de la production cinématographique et de la télévision (CGT), Union syndicale de l'intérim (CGT), Syndicat des artistes interprètes et enseignants de musique et de la danse de Paris (SAMUP), Syndicat national libre des artistes (SNLA-FO), Truquistes et infographistes de la Post-PROD images (TPI), Syndicat national FO des réalisateurs et techniciens de l'audiovisuel et du cinéma (FORTAC).
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