Une étude de l’Unédic, dont La Croix a eu la primeur, dresse le portrait des chômeurs indemnisés. Les résultats vont à l’encontre de bien des idées reçues.
Non, dans la très grande majorité des cas, on ne devient pas chômeur en France après un plan social. Et non, les allocataires n’attendent pas tranquillement d’épuiser leurs droits avant de se remettre à chercher du travail.
Les clichés ont la vie dure. Et c’est tout l’intérêt de l’étude rendue publique aujourd’hui par l’Unédic que de remettre quelques pendules à l’heure.
Le gestionnaire de l’assurance-chômage dresse un portrait des 2,5 millions de chômeurs indemnisés au 30 juin 2016. Il ne s’agit pas de la totalité des personnes inscrites à Pôle emploi, certains demandeurs d’emploi ne réunissant pas les conditions pour bénéficier d’une allocation (par exemple, avoir travaillé quatre mois préalablement).
Première leçon, le salarié en CDI qui se retrouve à «pointer» au chômage après un licenciement économique est devenu un cas de figure minoritaire : seuls 9 % des allocataires sont aujourd’hui dans ce cas, qui prévalait pourtant il y a trente ans. Les ruptures de CDI s’expliquent d’abord par des licenciements pour motif personnel (à raison de 23% des allocataires) et de plus en plus par des ruptures conventionnelles (16%), notamment chez les cadres. Signe des temps : seuls 2 % des chômeurs indemnisés ont démissionné. Un chiffre qui pourrait évoluer si – comme l’envisage le gouvernement actuel – l’ouverture des droits à l’assurance-chômage devait être étendue aux salariés démissionnaires.
Deuxième enseignement, corollaire du premier : «le chômage est désormais structurellement nourri de personnes qui enchaînent des contrats temporaires et qui ont de plus en plus du mal à accéder à l’emploi durable», souligne Odile Müller, auteure de l’étude.
Près de la moitié des personnes indemnisées se retrouvent au chômage à la fin d’un contrat à durée déterminée (37%) ou à la fin d’une mission d’intérim (10%). Des proportions qui se confirment au fil du temps, alors même que 86% des salariés en emploi bénéficient d’un CDI.
«Ces chiffres montrent la dualité du marché du travail, confirme Odile Müller. Entre, d’une part, des salariés en poste en CDI et, d’autre part, des personnes qui enchaînent des CDD et vont rester longtemps dans cet entre-deux, entre chômage et travail.»
Il faut oublier aussi cette vision binaire qui voudrait que l’on se trouve soit au chômage et donc sans aucune activité, soit au travail. Dans les faits, un allocataire sur deux travaille tout ou partie du temps, tout en restant inscrit à Pôle emploi. Dans ce cas de figure, les allocataires peuvent alors cumuler le revenu de leur activité avec leur allocation. «Si ces allocataires restent inscrits à Pôle emploi, c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé de contrats suffisamment longs ou sécurisants pour se désinscrire», précise l’Unédic.
Ces chiffres permettent aussi de battre en brèche l’image parfois véhiculée du chômeur qui attendrait l’épuisement de ses droits avant de se remettre à chercher du travail. Le droit à l’allocation chômage est de deux ans maximum pour les moins de 50 ans. Dans les faits, la durée moyenne d’indemnisation est de dix mois. Et les personnes qui sortent du dispositif n’ont consommé en moyenne «que» 68 % de leurs droits. «Très peu d’allocataires attendent la fin de leurs droits pour reprendre un emploi, confirme-t-on à l’Unédic. Les gens savent très bien que leur “employabilité ” décroît très rapidement.»
Concernant les revenus, les allocataires indemnisés qui n’avaient pas travaillé du tout au cours du mois ont perçu une allocation moyenne de 1.010 €. Ceux qui avaient travaillé ont perçu un revenu total de 1.240 € (allocation + salaire). En moyenne, toujours, le rapport entre l’allocation perçue et le salaire perdu est de 72%. Mais le système de l’assurance-chômage est redistributif : plus le salaire perdu est faible, plus le taux de remplacement est élevé. Les allocataires qui touchaient moins de 500 € de salaire se voient verser 95% de cet ancien salaire. Cette proportion est limitée à 64% pour les allocataires ayant perdu un salaire d’environ 3.000 € net par mois.
Emmanuelle Réju - La Croix
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