La municipalité décide de limiter les services aux enfants dont les parents travaillent, puis fait machine arrière pour éviter le tollé. Mais trop tard.
"Nous avons eu tout le monde depuis ce matin : TF1, France 2, RMC Infos", soupirait la directrice de cabinet de la mairie lorsque nous l'avons contactée jeudi en milieu d'après-midi. "C'est toujours la même question depuis que Le Monde a fait paraître un article hier soir : est-ce que vous avez supprimé l'accès aux cantines, crèches et centres de loisirs aux enfants dont les parents sont au chômage ?" Un parfum d'agitation et d'incompréhension semble flotter au sein des services municipaux. Quelques minutes auparavant, un reportage est passé sur le journal de 13H de Christophe Hondelatte sur France 2. On assistait au témoignage de plusieurs chômeurs, puis d'une courte interview de Mme Querci. "Les propos repris n'avaient rien à voir avec le problème des services aux enfants. J'appelle cela de la manipulation. Cette affaire a été montée en épingle. Madame le Maire est très peinée car nous avons toujours pris des mesures sociales, comme une prise en charge complète des enfants dont les parents sont au RMI ou isolés. C'est pourquoi nous avons demandé un droit de réponse au Monde. Nous allons écrire à France 2. Nous ne sommes qu'une mairie face à des médias puissants, mais nous allons faire notre possible pour nous faire entendre."
Le tour de passe-passe sémantique de Mme Querci
L'affaire peut effectivement surprendre par l'ampleur qu'elle prend soudainement. Elle démarre pourtant il y a plusieurs semaines lorsque la municipalité expédie aux Vairois, le 25 novembre, un courrier dans lequel elle explique qu'elle prend de nouvelles mesures, permettant "des sources d'économie importantes" pour la commune. A l'essence, le projet est de limiter l'accès de certains services "aux enfants dont les deux parents travaillent". Trois service sont cités : 1) les restaurants scolaires (maternelle et primaire) ; 2) les centres d'accueil pré et post-scolaires ; 3) les centres de loisirs. Selon Mme Querci, le procès qu'on lui intente est mal intentionné. Pour s'en défendre, elle s'était déjà expliquée dans son discours de voeux le 13 janvier dernier. "Un parent au chômage est une personne en recherche d'emploi, et par conséquent un parent qui travaille", avait-elle affirmé devant une assistance quelque peu interloquée devant ce tour de passe-passe sémantique. Le doute était permis : la municipalité s'était-elle montrée dans son courrier imprécise, "maladroite", ainsi que nous l'a confié l'édile au téléphone ? Ou avait-elle réellement en tête d'appliquer cet arrêté au plus vite, avant de faire machine arrière face à la grogne occasionnée ?
Une pratique jugée illégale par plusieurs tribunaux
Une fois n'est pas coutume, la contestation n'était pas venue du Conseil municipal et de son opposition, étonnament silencieuse sur le sujet. Ni, fait non moins surprenant, des associations de parents d'élèves, dont celles présentes sur la commune : l'Apep (que nous avons contactée sans succès) et la FCPE, dont la direction nationale condamne pourtant ce genre de pratiques. En fait, la réaction est venue de certains usagers, plus précisément d'un particulier, Monsieur Alain Delsidini. Au chômage, cette personne avait contacté une association d'information aux chômeurs (www.actuchomage.org) peu après la réception du courrier de la ville. "C'est grâce à eux que j'ai appris que cette pratique avait été plusieurs fois jugée illégale par différents tribunaux. Cela a été le cas en 2003 à Colombes (92) où la maire Nicole Goueta a été attaquée au tribunal administratif. Idem dans une commune proche de Grenoble, La Verpillière, dont la municipalité a été condamnée en 2002 à verser des indemnités de 750 euros pour atteinte au principe d'égalité des usagers devant les services municipaux".
Tout est bien qui finit bien
C'est ce monsieur qui avait relevé dans le fameux courrier du 25 novembre un détail gênant : la municipalité réclamait explicitement aux parents de pouvoir "justifier de leur activité professionnelle" et, par conséquent, de fournir une "attestation de l'employeur". "Il n'était mentionné à aucun endroit que l'on pouvait fournir en échange une attestation des Assedic ou de l'ANPE", note M. Delsidini, "tout au plus pouvait-on obtenir une dérogation". Ce qui est vrai : les familles dont l'un des (ou les deux) parents ne travaillent pas ont la possibilité de laisser leur(s) enfant(s) à la cantine une fois par semaine. Madame le Maire a reçu plusieurs demandes, qui ont été examinées, et pour certaines acceptées.
L'histoire qui fait couler tant d'encre semble avoir trouvé son dénouement. Dans un courrier daté du 19 janvier "mais posté le 21", note malicieusement M. Delsidini, les choses sont clarifiées : "Il va sans dire qu'un parent demandeur d'emploi est considéré en acticité professionnelle. Par ailleurs, toute demande due à une situation particulière sera examinée avec bienveillance." L'affaire est, ou a été, entendue.
Ludovic Francisco - Journal La Marne (mercredi 26/01/05)
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