Lettre ouverte des agents de l’ANPE du Tarn syndiqués à SUD à M. Thierry Carcenac, président (socialiste) du Conseil Général.
Monsieur le Président du Conseil Général,
L’ANPE a été créée il y a près de 40 ans pour aider et conseiller les personnes en recherche d’emploi et les mettre en relation avec les entreprises en demande de main-d’œuvre. Pendant des années, c’est à cette tâche que les agents de l’ANPE se sont consacrés. Mais l’évolution de ces décennies en matière d’emploi aboutit à une situation telle qu’il y a eu dans le Tarn en 2004 trois fois plus d’inscriptions au chômage que de nouvelles offres d’emploi enregistrées.
Depuis la mise en place de la convention avec l’UNEDIC en 2001 («Plan d’Aide au Retour à l’Emploi» ou PARE), on a vu doubler le nombre des radiations administratives *, non pour «refus d’emploi» mais pour la plupart (plus de 90%) au motif d’«absence à convocation» : le PARE en effet a multiplié les convocations automatiques pour les entretiens obligatoires d’actualisation.
Le plan d’urgence pour l’emploi de Monsieur de Villepin a prévu des convocations massives de publics spécifiques : les jeunes pendant l’été, à l’automne les allocataires de l’ASS (Allocation de Solidarité Spécifique, un «minimum social» à peine supérieur au RMI) et très bientôt les jeunes des quartiers «sensibles» . Y a-t-il donc tant d’offres d’emploi, tant de formations à leur proposer ?
Vous n’ignorez pas qu’un demandeur d’emploi radié par l’ANPE, percevant une allocation de l’ASSEDIC, au titre de l’assurance-chômage ou au titre de la solidarité, se retrouve du jour au lendemain sans aucune ressource. Beaucoup demandent alors le RMI, ce droit citoyen issu de la solidarité nationale et de valeurs - liberté-égalité-fraternité - dont les élus de la République sont les garants.
Qui dit «convocations massives» dit «radiations massives». Qu’en sera-t-il avec la mise en place, en janvier 2006, de la réception mensuelle obligatoire de tous les chômeurs ? Depuis 2001, l’ANPE est sensée les recevoir tous les 6 mois, ce qu’elle est encore aujourd’hui dans l’incapacité de faire faute de moyens. Les agents de l’ANPE, soumis à la pression constante des objectifs quantitatifs à atteindre, en sous-effectif permanent par rapport à la tâche, ne sont déjà plus en mesure d’assurer leur fonction d’aide et de conseil.
Il nous apparaît que les convocations multiples, pour entretiens ou «informations collectives» (alors même qu’il n’y a au bout ni offres d’emploi, ni perspective de formation ou d’évolution professionnelle) s’apparentent plus à du «contrôle» qu’à du «suivi».
Vous le savez, le chômage et la précarité génèrent de graves préjudices humains, économiques, psychologiques, sociaux... L’obligation de produire des preuves d’«actes positifs et répétés de recherche d’emploi» ou de se rendre à une Xième convocation inutile est un poids et une humiliation supplémentaires – et ce dans le contexte de la mise en œuvre des ordonnances Villepin renforçant les contrôles, facilitant la suppression des allocations, restreignant les droits de recours…
Les pressions politiques et budgétaires sont telles que la lutte contre le chômage se retourne contre les chômeurs. Aucun élu de gauche, aucun citoyen conscient et responsable ne peut accepter le traitement dégradant auquel est soumis une catégorie fragilisée de citoyens, seulement victimes de l’injustice économique, que l’on culpabilise, que l’on disqualifie, que l’on désigne à la rancœur sociale, que l’on sanctionne jusque dans leur survie matérielle. Faut-il s’étonner quand ces violences subies génèrent d’autres violences ?
Pourtant nombreux sont les chômeurs, précaires, Rmistes… qui font preuve de courage, de talents et d’ingéniosité pour garder malgré tout la tête haute et dont la conscience citoyenne mérite d’être reconnue.
Face à cette politique gouvernementale, le Conseil Général peut, à son niveau, en contrer les effets dévastateurs. Ayant toujours montré votre attachement aux valeurs humanistes, vous ne pouvez qu’être pleinement conscient de ces réalités. Vous êtes responsable de la lutte contre les exclusions dans ce département. Nous attendons de vous que vous adoptiez une attitude volontariste d’encouragement – y compris financier – au développement des compétences sociales des individus, et que vous preniez position et usiez de votre influence pour que soient préservés les droits et la dignité de milliers de personnes parmi les plus vulnérables de vos concitoyens tarnais.
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* Dans le Tarn en 2001 : 995 radiations administratives. En 2004 : 2037. Ces chiffres concernant les demandeurs d’emploi inscrits en catégorie 1, les seuls pris en compte lors de la publication des chiffres du chômage. Ce chiffre est à majorer de 30% si l’on considère également les catégories 2 et 3 des demandeurs cherchant un emploi à temps partiel ou temporaire.
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