Accusée d’avoir «subordonné une offre d’emploi à une condition fondée sur l’un des éléments visé à l’article 225-1 du code pénal, en l’espèce l’âge», Madame G. était citée à comparaître sur reconnaissance préalable de culpabilité. Cette formule de «plaider coupable», encore assez peu connue en France, lui offrait la possibilité d’une condamnation en quelque sorte négociée – et en tout cas probablement moins lourde et plus discrète qu’une procédure en correctionnelle. Lors de ses interviews à FR3 et La Nouvelle République, dès l’annonce de sa convocation au TGI de Niort, elle affirmait reconnaître sa faute et avoir rédigé une annonce pour la première fois. Très inquiète des peines qui pourraient lui être infligées, elle se disait soulagée que le plaignant limite sa demande de dommages et intérêts à l’Euro symbolique.
C’est une tout autre attitude qu’elle a adoptée hier au Tribunal de Niort : préalablement à l’audience, elle a fait savoir au procureur qu’elle refusait toute condamnation, niait sa responsabilité en matière de discrimination et préférait être citée devant le Tribunal correctionnel, afin que «l’affaire soit portée sur la place publique».
Une couverture médiatique sans précédent
Alertés par Actuchomage et par le plaignant, notre ami Vincent de R., de très nombreux journalistes étaient présents, tant de la radio et de la télévision (5 chaînes «couvraient» cet événement) que de la presse écrite nationale et régionale (sans compter Actuchomage…).
Alors que plusieurs journalistes murmuraient «la pauvre !» lorsque Madame G. s’est frayé un chemin, tête basse, vers le bureau du procureur, c’est ensuite la stupeur qui a dicté les questions lorsque la prévenue et son avocat ont livré les déclarations qu’ils avaient préparées.
Sur la place publique
Madame G. reconnaît avoir fait une faute, mais réfute toute intention de discrimination. La mention d’âge qui figurait dans l’offre d’emploi ne l’était, selon elle, «qu’à titre indicatif».
Son avocat, quant à lui, masquait mal (derrière un incontestable aplomb) les faiblesses de sa ligne de défense et une large méconnaissance du sujet. On a pu l’entendre invoquer pêle-mêle «l’absence d’intention de discriminer», «l’autorisation faite par le code du Travail de déroger aux interdictions de discrimination» et… les limites d’âge actuellement imposées par la Gendarmerie nationale ! Il a également voulu faire croire à la presse qu’«il appartiendra à l’accusation de prouver la discrimination» ; grossière erreur, depuis qu’une loi de novembre 2001 a «inversé la charge de la preuve» !
Plus que sur la forme, c’est en réalité sur le fond que la prévenue argumente : elle ne souhaite pas «être la première a être condamnée pour discrimination», alors que tant d’autres ne sont pas inquiétés. Dont acte ; elle sera par conséquent la première à comparaître pour ce délit devant un Tribunal correctionnel. Le jugement de cette affaire prendra donc plus de temps, mais sa résonnance n’en sera qu’accrue.
Un débat de fond
L’audience attendue n’a donc pas eu lieu et c’est par les journalistes que Vincent de R. a appris ce retournement imprévu. Interrogé «à chaud», il a vigoureusement dénoncé l’absence de professionnalisme de la prévenue. Ancien DRH lui-même, il n’accepte pas que cette personne prétende «faire du recrutement» avec autant de légèreté : peut-on, en toute impunité, mentionner un critère d’âge et soutenir ensuite qu’il n’y aurait pas de volonté d’exclure des candidats sur la base de ce «critère» ?
Bien au delà de l’aspect explicitement illégal de cette approche (ainsi que l’a confirmé la Halde dans une délibération de juin 2005 concernant 40 offres d’emploi, dont celle rédigée par Madame G.), c’est une aberration professionnelle que d’exclure des individus sur la base de critères collectifs.
Il s’agit bien ici d’un véritable phénomène de société. C’est d’ailleurs pour cette raison que plusieurs télévisions diffèreront probablement leur reportage, afin de l’incorporer à des enquêtes plus complètes…
Gérard PLUMIER
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