Paris ce 17 avril 2007
Chère Madame,
Je reprends cette lettre, un peu dans la précipitation, car j´ai le sentiment que ce serait une manière de discourtoisie à votre égard que de ne pas y répondre avant le premier tour. Je ne voudrais pas qu´apparaisse le moindre doute sur l´extrême importance du contenu de votre correspondance, la générosité et le bien-fondé de votre demande, l´urgence d´améliorer la relation entre l´administration et les citoyens, singulièrement ceux qui traversent une période de fragilité. Je tenais à m´adresser à vous avant le premier tour pour vous rendre hommage, le fond de votre interpellation ne laissant aucun doute et mon propos ne risquant pas d´être assimilé à une tentative électoraliste. En effet, il paraît évident que vous souhaitez de toutes vos forces que ce gouvernement qui a géré les affaires publiques avec une telle brutalité à l´égard des citoyens ne puisse pas sévir davantage. Vos motivations sont admirables et justes car elles prennent appui sur des valeurs républicaines et sur une conception du service public dans ce qu´il a de plus noble et de plus précieux pour celle ou celui qu´un accident de la vie bouscule. Ainsi peut lui être garantie la plénitude des attributs de la citoyenneté.
J´avais prévu de vous faire une très longue réponse, mais j´ai manqué de temps pour achever cette lettre que j´ai reprise trois fois. Je réduis donc mes ambitions pour me contenter de vous dire que j´ai très largement répandu lors de cette campagne le contenu de votre cri de coeur et de conscience, qui a trouvé une forte résonance chez de nombreuses personnes, soit parce qu´elles avaient été victimes de ces manœuvres anti-démocratiques, soit parce qu´elles en avaient entendu parler sans en saisir le caractère délibéré, soit parce qu´elles trouvaient extrêmement réconfortant que des fonctionnaires, qu´elles croyaient indifférentes, s´indignent à ce point de pratiques effectivement scandaleuses.
J´ai fait parvenir à Ségolène Royal copie de votre texte, accompagné d´une lettre où je recommande fortement votre idée d´un moratoire, seule mesure efficace dans l´urgence pour limiter les dégâts et réorganiser les dispositifs administratifs afin que le service public serve le public.
Je vous remercie chaleureusement pour votre geste de confiance à mon égard, et je veux vous exprimer toute ma gratitude pour votre attachement au service public et aux valeurs qui inspirent cette exigence de solidarité.
En espérant que nous aurons très bientôt l´opportunité d´aller plus avant dans ce travail commun,
Je vous prie de croire, Madame, en mes sentiments les plus cordiaux.
Christiane Taubira
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