Actuellement, un chômeur qui ne peut se rendre à un rendez-vous sans «motif légitime» est automatiquement radié des listes pour deux mois. Mais «la pratique de la médiation confirme que sont quotidiennement sanctionnés des actes qu'on ne peut pas raisonnablement qualifier d'intentionnels», écrit M. Walter, citant par exemple des cas où des «panne de véhicule, retard de train, retard de dix minutes à un rendez-vous, erreur de calendrier, oubli, obligation familiale, voire professionnelle» ont pu entraîner une radiation.
Et ce d'autant plus que les motifs d'absence légitimes peuvent varier d'une agence à l'autre. S'il existe une base de connaissance à disposition des conseillers pour juger de la validité du motif, les documents à fournir pour justifier l'absence varient selon les régions. Le médiateur parle ainsi d'un «foisonnement d'interprétation».
Le médiateur note parallèlement que certaines régions radient encore les chômeurs pour absence à un entretien téléphonique : il demande que la direction interdise cette pratique illégale au niveau national. Il demande en outre une «amélioration de l'information» sur la dématérialisation des courriers, qui a généré un nombre croissant de radiations.
Une application abusive de la loi
«Si l'on peut débattre de la portée de l'absence à une convocation, systématiquement lui attribuer la valeur d'un refus de remplir ses obligations est exagéré», estime Jean-Louis Walter. En effet, «un salarié qui s'absente une journée, on ne le prive pas de deux mois de salaire !», dénonce Recours Radiation. Et de rappeler aux députés chargés de la mission d'information sur Pôle Emploi (vidéo de l'audition : aller sur "échanges de vues") que l'article L. 5412-1 du Code du travail stipule, à propos des absences à entretien sans motif légitime, qu’«est radié de la liste des demandeurs d'emploi la personne qui refuse de répondre à toute convocation des services et organismes participant au service public de l’emploi ou mandatés par ces services et organismes» (source). Or, Pôle Emploi surinterprète ce passage en radiant systématiquement des personnes pour absence à une seule convocation : une sanction aussi lourde que disproportionnée.
A la place de la radiation systématique, M. Walter préconise que Pôle Emploi se rapproche davantage de l'esprit de la loi en graduant les sanctions en fonction de la répétition des manquements. «Le barème des sanctions peut passer pour une aberration, estime-t-il, avec deux mois de radiation et, souvent, la perte de revenu y afférant. L'absence à un entretien Pôle Emploi est l'un des manquements les plus sévèrement sanctionnés.»
«Pour contourner cette sévérité, de nombreux conseillers et directeurs d'agence font preuve de bienveillance», convient toutefois M. Walter, mais cela pose «des inconvénients». «La mansuétude n'est pas une posture partagée par tous», note-t-il, et «en cas de manquements répétés, la tendance humaine et naturelle sera d'invoquer la tolérance passée pour ne pas laisser passer le manquement présent. Or la radiation sanctionne le présent, pas le passé». Un système de sursis pourrait être mis en place, estime le médiateur.
Dans son rapport, Jean-Louis Walter ne revient pas sur les variations mensuelles étonnantes du nombre de radiations. En décembre, elles ont ainsi bondi de près de 25% sans que Pôle Emploi puisse expliquer pourquoi. Le médiateur se contente d'assurer «qu'il n'y a pas de politique de radiation à Pôle Emploi». Mais tant que de telles variations inexpliquées continuent à se produire, le doute subsistera...
(Source : Le Monde)
Ce rapport spécifique de 90 pages est consultable ici.
RAPPEL : Quand et comment saisir le médiateur
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