Selon l'OCDE et de la FAO, l'épicentre de la production agricole mondiale va continuer à se déplacer vers les pays émergents (Inde, Brésil, Argentine…) dans les dix ans à venir. A l'horizon 2017, ils devraient même arriver en tête de la production et de la consommation mondiale de la plupart des produits de base. Bien que les pays de l'OCDE devraient voir diminuer leur part dans les exportations, ils resteraient en tête pour le blé, les céréales secondaires (maïs, orge…), le porc et les produits laitiers.
Selon les experts de ces organisations, les prix, après avoir atteint des sommets historiques, devraient certes se détendre du fait d'un accroissement de l'offre, mais dans les dix ans à venir ils resteraient en moyenne bien plus élevés que lors de la décennie passée. Leurs projections de prix, en termes nominaux, indiquent une hausse d'environ 20% pour la viande bovine et porcine, de 30% pour le sucre, de 40% à 60% pour le blé, le maïs et le lait écrémé en poudre, de plus de 60% pour le beurre et les oléagineux, et de plus de 80% pour les huiles végétales.
Des causes de plus en plus structurelles
«Ces hausses posent beaucoup de questions. Pour décider de la bonne politique à mener, il faut savoir si les raisons de l'envolée sont temporaires ou permanentes», explique Loek Boonekamp, de la division agriculture de l'OCDE. Les flambées de cours sont fréquentes mais historiquement, elles étaient liées à des événements ponctuels, comme une baisse des rendements provoquée par une sécheresse; les prix retrouvaient assez rapidement leurs niveaux antérieurs. Mais ces derniers temps, la flambée des cours tient à des évolutions structurelles, et notamment au fait que l'offre ne couvre plus la demande. Entre 2005 et 2007, la production mondiale de céréales s'est accrue de 46 millions de tonnes (3%) tandis que la consommation a augmenté de 80 millions (5%). Les stocks, au plus bas, n'amortissent plus les déséquilibres.
Pour l'OCDE et la FAO, d'autres facteurs permanents poussent aussi les prix vers le haut : les cours élevés du pétrole qui font grimper les coûts de production, la croissance démographique, la modification des pratiques alimentaires vers une consommation accrue de viande dans les pays émergents et, enfin, la demande de grains pour les agrocarburants. «Il y a peut-être lieu d'envisager d'autres démarches sans effet indésirable sur les prix alimentaires», préconisent d'ailleurs les experts. Dans les dix ans à venir, les prix devraient être en outre plus instables pour plusieurs raisons : les niveaux de stocks ne devraient pas sensiblement remonter, les conditions météorologiques pourraient devenir plus variables du fait du changement climatique, et la présence accrue de fonds spéculatifs sur les marchés agricoles deviendrait préoccupante.
Les populations pauvres et urbaines seront perdantes
Autant de facteurs que les deux organisations jugent indispensables de prendre en compte pour faire évoluer l'agriculture mondiale. Dans ce contexte, il y aura à la fois des gagnants et des perdants. Les agriculteurs des pays développés en tireront profit, mais aussi ceux des pays en développement si on les aide à investir. En revanche, pour les populations pauvres et urbaines des pays fortement importateurs de denrées, la situation va s'aggraver. «Dans bien des pays à faible revenu, la nourriture représente en moyenne plus de 50% du budget (des ménages)», note le document, qui pointe les effets négatifs des restrictions à l'exportation de céréales décidées par certains producteurs.
Reste la question de comment produire plus pour que l'offre comble la demande et que les stocks se reconstituent. Les auteurs du rapport estiment qu'à moyen terme, des évolutions technologiques restent possibles. Pas de quoi cependant éviter une situation tendue sur les marchés agricoles pendant encore au moins dix ans.
(Source : Le Monde)
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