Quelques jours avant notre conférence nationale, l'Office européen des statistiques avait publié de nouvelles données sur la pauvreté en Europe en 2011.
Il en ressort que celle-ci tend généralement à augmenter dans l'UE27. Mais sa progression est moins spectaculaire que ce que l'on aurait pu redouter avec la crise. Ainsi, selon Eurostat, près d'un quart (24,2%) des Européens, soit 120 millions de personnes, se trouvaient l'année dernière en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale. Une hausse non négligeable de 0,8 point par rapport à 2010, puisque cette population ne représentait que 23,4% du total. Mais il faut noter qu'en 2008, année du véritable démarrage de la crise, ce chiffre était sensiblement le même (23,5%).
Risque de pauvreté et transferts sociaux
Pour cerner le phénomène, les statisticiens européens regardent d'abord le nombre de personnes qui se retrouvent au dessous du seuil national de pauvreté après prise en compte des transferts sociaux. Des personnes qui se trouvent donc "en risque de pauvreté", puisque les aides ou les minimas sociaux ne leur permettent pas de se hisser au dessus de 60% du revenu médian de chaque pays.
16,9% de la population européenne se trouvent dans cette situation. Sans surprise, la France, grâce à ses garde-fous sociaux relativement généreux, fait mieux que la moyenne puisque les personnes en risque y représentent 14% du total contre 15,3% en Belgique, 15,8% en Allemagne, 16,2% au Royaume-Uni et plus de 21% en Espagne ou en Grèce. Quelques pays font cependant un peu mieux que la France — autour de 13% — comme le Danemark, l'Autriche ou la Slovaquie.
Les "vrais" pauvres
Toujours selon Eurostat, les personnes que l'on peut effectivement considérer comme vraiment pauvres sont celles "en situation de privation matérielle sévère". Celles qui, par exemple, ne peuvent pas payer un loyer ou des factures courantes, se chauffer correctement, faire face à des dépenses imprévues, consommer de la viande, du poisson ou un équivalent de protéines tous les deux jours, ou prendre ne serait-ce qu'une semaine de vacances hors de leur domicile. Ces gens représentent 8,8% de la population européenne totale.
Mais les disparités sont très fortes, puisque de nombreux pays à l'Est de l'Europe ont un nombre de pauvres dépassant les 20% (Hongrie) et atteignant même 30% (Roumanie, Lettonie), voire excédant 40% (Bulgarie). Seuls quelques pays échappent à ce phénomène (République tchèque, Slovaquie, Pologne).
A l'Ouest et au sud de l'Europe, en revanche, les taux de grande pauvreté ne sont supérieurs à 10% qu'en Grèce (15,2%). Avec 5,2%, la France se situe dans la norme des grands pays européens. Mais on compte plusieurs pays se situant dans la fourchette basse de 1 à 3% comme les pays scandinaves, les Pays-Bas et, de façon assez surprenante, l'Espagne, pays où la solidarité familiale est un puissant frein à l'exclusion et au dénuement total… pour l'instant.
La Pologne montre l'exemple
L'impact de la crise économique et financière survenue en 2008 a été fort là où le chômage a vraiment explosé, comme en Grèce, en Espagne et, dans une moindre mesure, en Italie. Mais la crise n'a pratiquement pas eu d'effet sur la pauvreté en Allemagne, en France ou au Royaume-Uni.
Autre surprise des chiffres d'Eurostat, la Pologne a fait remarquablement chuter son taux de personnes "en risque de pauvreté". Elles est passée de 45% en 2005 à 27% en 2011. La pauvreté est désormais moins prégnante dans ce pays épargné par la crise que dans les pays du Sud.
Pas de lien direct chômage-pauvreté
Curieusement, le lien entre chômage et pauvreté ne paraît pas direct. Il y a 26% de taux de chômage en Espagne et seulement 3,9% de gens y vivant dans une "situation de privation matérielle sévère". A l'inverse, et c'est tout aussi intéressant, des pays où le chômage est officiellement faible — aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche, voire au Royaume-Uni ou en Belgique — n'ont pas des performances très bonnes en matière de pauvreté.
Cette constatation traduit principalement l'existence d'un chômage caché, non pris en compte par les statistiques, et représentant des gens désinscrits des listes ou découragés. Le phénomène est reflété par la mesure de "l'intensité de travail" au sein des ménages, troisième indicateur de pauvreté utilisé par Eurostat. En prenant en compte les personnes de moins de 59 ans qui vivent dans des familles où personne ou presque personne ne travaille, cela représente 11% des Allemands alors que le taux de chômage officiel n'est que de 5,4%; au Royaume-Uni, c'est 11,5% contre un chômage de 7,8%; en Autriche 8% contre 4,3%...
Dans un pays comme la France, c'est l'inverse : le chômage est à 10,7% mais les personnes vivant dans un foyer où l'on ne travaille pas ou très peu ne sont qu'un peu plus de 9%. En Espagne, le phénomène est encore plus spectaculaire, puisque le taux de chômage est de 26% et ceux qui vivent dans un milieu sans travail de seulement 12,2% !
Allemagne et Espagne au même niveau
Cet effet de ciseau montre à l'évidence que, dans les pays où le taux de chômage excède sensiblement la proportion des personnes vivant dans un environnement de sous-emploi, le nombre d'actifs, notamment chez les femmes, est élevé et que, d'autre part, les travailleurs modestes restent longtemps pris en compte par les organismes qui gèrent le chômage.
Cela indique également que les disparités économiques entre pays à niveau de développement comparable sont beaucoup moins importantes qu'on ne le dit généralement. Est symptomatique, à cet égard, le fait que la proportion de gens vivant dans une famille sans travail est pratiquement la même en Espagne et en Allemagne — deux pays où règnent flexibilité et sous-emploi précaire — alors que le taux de chômage est quatre fois moins élevé outre-Rhin ! Les chiffres servent parfois de paravent à la réalité...
(Source : MyEurop.info)
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