Dans les missions du stagiaire recruté : «sélection des candidats», «conduite des entretiens de recrutement», «suivi des candidats», «participation à l’évaluation des stagiaires». Une annonce qui en dit long sur les abus des entreprises.
Des entreprises qui, selon le collectif Génération Précaire, profitent de la crise pour opérer un recrutement massif de stagiaires : leur nombre serait passé en France de 800.000 en 2006 à 1,2 million aujourd’hui. Soit une augmentation de 50% en 4 ans. «50% de stagiaires de plus à effectuer des stages au lieu de hanter Pôle Emploi ou de travailler pour payer d’éventuelles retraites à venir.»
Le collectif dénonce aussi l’augmentation du nombre de stagiaires «dans des secteurs où, jusqu’ici, il semblait naturel de payer ses recrues, comme la vente ou le télémarketing».
Cherche stagiaires titulaires d’un Bac +5
Autre proposition de stage du groupe Danone : stagiaire «animation des ventes pharmacie» au sein de la direction médicale – division pharmacie. «Une Business Unit de Danone extrêmement porteuse pour l’avenir» au chiffre d’affaires de 20 millions d’euros, avec une croissance de 20%. Durée du stage : 1 an... Danone recrute également des stagiaires titulaires d’un 3e cycle (bac +5), c’est-à-dire ayant achevé leur formation. Un moyen, selon Génération Précaire, «de ne pas s’encombrer avec des étudiants en formation».
Vendredi 16 avril, une dizaine de militants du collectif s’étaient donné rendez-vous pour dénoncer les abus de ces entreprises. Ils sont allés frapper à la porte de BNP-Paribas, qui accueille 4.500 stagiaires. Un chiffre en augmentation de 68% depuis 2006 au détriment du nombre de CDD, selon le collectif.
Avec un bénéfice net d’impôt de 5,8 milliards d’euros en 2009, en hausse de 93%, la BNP a-t-elle une raison valable de préférer l’accueil de stagiaires à l’embauche de salariés ?
Un grand dumping social
Les solutions proposées par Génération Précaire pour lutter contre «ces stages abusifs qui se multiplient avec la crise» : un encadrement plus strict avec un pourcentage maximum de stagiaires dans chaque entreprise, des sanctions pour les entreprises qui abusent, et l’augmentation de la rémunération des stagiaires [1]. L’objectif : «permettre à chacun un vrai accès aux stages» et, surtout, mettre fin au «grand dumping social» qui empêche l’embauche des jeunes diplômés par le recours massif à des stagiaires sous-payés.
Aux États-Unis aussi, les stages non rémunérés connaissent un boom sans précédent [2]. Le ministère fédéral du Travail a décidé de donner la chasse aux employeurs qui abusent de cette main d’œuvre gratuite.
Agnès Rousseaux pour Basta!
[1] Aucune rémunération n'est obligatoire pour les stages de moins de deux mois. Au delà, c'est 417 € par mois. Certaines entreprises plus "généreuses" ajoutent des tickets restaurant ou une prise en charge de la carte de transports, voire invitent au restaurant sur notes de frais. Mais le dédommagement le plus courant, ce sont les compensations «en nature».
[2] Pointés dans le Courrier International du 15 avril 2010 et évoqués dans un article du New York Times.
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