Au départ, il y a une promesse démagogique : la création d'une nouvelle taxe (la TCA) de 3,5% sur les contrats responsables et solidaires de complémentaire santé, afin de rembourser une partie de la dette sociale. A l'arrivée, la couverture maladie universelle perd 60 millions d'euros en manque-à-gagner fiscal. Entre les deux ? Les simples effets «mécaniques» d'une réforme une nouvelle fois pensée à la va-comme-je-te-pousse.
Signalé par notre consœur Géraldine Vial ce mardi matin dans Les Echos, le lièvre a été levé par Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales de son état, et surtout directeur du Fonds CMU.
Dans sa lettre spécialisée "Références" du mois d'octobre, il rappelle que le fonds qu'il a en charge sert à financer la CMU complémentaire ou CMU-C, qui permet aux assurés de bénéficier gratuitement, sous conditions de ressources [1], d'une complémentaire santé [2].
Dans les arbitrages, les pauvres seront les premiers lésés
Il rappelle également que, depuis le 1er janvier 2009, le fonds n'est abondé que par une taxe spécifique sur les organismes de complémentaire santé (mutuelles, assurances, instituts de prévoyance) qui a rapporté 1,8 milliard d'euros l'année dernière. Cette taxe est de 5,9% de leur chiffre d'affaires santé, hors taxes. Ce dernier point est très important puisqu'il signifie, en gros, que la ponction servant à alimenter la CMU s'opère sur un chiffre d'affaires délesté de toutes les autres taxes. Bref, les pauvres passent en dernier.
Sauf que la nouvelle taxe (de 3,5%) ampute mécaniquement l'assiette de la taxe CMU (5,9%) qui ne prend sa part qu'en dernier. Résultat : «C'est une perte d'assiette de 1,1 milliard d'euros, et donc une perte de ressources pour le fonds de plus de 60 millions d'euros», écrit Jean-François Chadelat [3]. D'autant plus que la TCA intervient à un moment où le chiffre d'affaires des complémentaires connaît un ralentissement lié à la crise économique.
Bref, encore une réforme bricolée à effets pervers imprévus ! Curieux comme ce sont toujours les plus pauvres qui trinquent... Sans vouloir prétendre convaincre le gouvernement des vertus de la cohésion sociale, rappelons juste que la CMU-C couvre aujourd'hui plus de 4,2 millions de personnes [4].
(Source : Rue89)
NDLR :
[1] Le plafond s'élève à 7.611 € par an pour une personne seule, soit en moyenne 634 € par mois : voir tableau.
[2] Il s'agit d'une mutuelle de niveau moyen — contrairement à certaines croyances, la prise en charge des soins est très basique — pour un coût moyen de 430 €/an.
[3] Cependant, quand les effectifs de la CMU-C sont stables et le chiffre d'affaires des organismes de complémentaire santé en progression, le Fonds peut générer des excédents, comme en 2008 où 82 millions d'euros ont été intégralement reversés à la CNAM. Ce qui faisait dire à M. Chadelat qu’«il est difficile de considérer la CMU-C comme onéreuse».
[4] Avec la crise, leur nombre continue d'augmenter. Le Fonds CMU a noté une hausse de 1,1% de ses bénéficiaires rien qu'au premier trimestre 2010.
Pour tout savoir sur la couverture maladie universelle => Dix ans de CMU
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