Voilà comment on se retrouve devant le Tribunal correctionnel de Rennes (le 23 février à 14h00).
Après avoir tenté d’alerter sans succès toutes les instances représentatives (Cour administrative, Conseil d’État, Commission des Lois de l’Assemblée nationale…), Jean-Claude BOUTHEMY s’est résigné à commettre un «odieux délit» pour se faire entendre : Il a posé un tag sur une agence ANPE.
Et qu'exprimait ce tag ? «Alinéa 5 : un Emploi pour Chacun».
Quel crime, quel sacrilège ! Voilà un homme qui mérite un châtiment exemplaire, à la mesure de cet affront à notre République irréprochable.
Une République qui a cependant inscrit dans le Préambule de sa Constitution de 1946 (alinéa 5) : «Chacun a le Devoir de travailler et le Droit d’obtenir un emploi».
Alors, lui, Jean-Claude, il estime qu’un Droit inscrit dans la Constitution doit s’appliquer ou, tout au moins, que les autorités doivent tout mettre en œuvre pour le rendre opérant.
Mais comme des centaines de milliers d’autres, Jean-Claude, lui, il n’arrive pas à obtenir un emploi. Et ça dure depuis des années. Il estime donc que ce Droit constitutionnel est bafoué dans l’indifférence générale, à commencer par celle des instances en charge de la stricte application de notre Constitution.
En désespoir de cause, il se met à tagguer sa revendication à obtenir un emploi. Jusqu’au jour où il se fait épingler par les forces de l’ordre, et se retrouve donc devant le Tribunal correctionnel.
Jean-Claude n’est pas un utopiste, pas un idéaliste benêt, une sorte de Don Quichotte qui guerroie contre les moulins… à vent. Non, il cherche par tous les moyens à ouvrir le débat.
Si le Droit à obtenir un emploi n’est pas applicable, supprimons-le de la Constitution ! Dans ce cas, il faudra aussi supprimer le Devoir de travailler.
Sa démarche tend aussi à démontrer que l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution est schizophrénique :
Si nous avons tous le DEVOIR DE TRAVAILLER, nombre d'entre nous ne peuvent OBTENIR UN EMPLOI.
Il va sans dire qu’Actuchomage soutient Jean-Claude dans son combat, même si des voix discordantes se font parfois entendre au sein de notre association (certains estimant que le Droit d’obtenir un emploi est une revendication d’arrière-garde).
Nous estimons cependant qu’un Citoyen Chômeur de longue durée ne peut être poursuivi (et condamné) pour avoir exigé l’application d’un Droit constitutionnel.
Nous invitons toutes celles et tous ceux qui le peuvent à soutenir Jean-Claude BOUTHEMY, le 23 février 2011 à 14h00, devant le Tribunal correctionnel de Rennes.
Ci-dessous le communiqué de Jean-Claude :
Pourquoi les pauvres sont-ils exclus des Droits constitutionnels ?
La question sera abordée, mercredi 23 février 2011, devant le Tribunal correctionnel de Rennes.
«Faut pas exagérer, vont me répondre les sceptiques. Cela ne concerne que le Droit d’obtenir un emploi».
C’est exact en théorie, dans la mesure où personne n’empêche le Citoyen Chômeur d'avoir une vie de famille, de se cultiver, de se déplacer, d’accéder à la propriété… Sauf que pour profiter de ces Droits fondamentaux, tout devient beaucoup plus difficile lorsque vous ne disposez pas de revenus fixes, lorsque vous ne savez de quoi demain sera fait, lorsque vous êtes considéré comme un paria, lorsque vous finissez par douter de vous-même…
Lorsque ce Droit à obtenir un emploi a été inscrit dans la Constitution, c’était pour garantir des principes «particulièrement nécessaires à notre temps».
Aujourd’hui, il est évident que les riches ont d’autres moyens pour se procurer un revenu que de s’appuyer sur la Constitution.
Est-ce pour cette raison que les politiques, la justice et les administrations ignorent ce que ce Droit engendre comme obligations pour les pouvoirs publics qui devraient tout mettre en œuvre pour permettre à chacun d’en bénéficier ?
En 1959, le Conseil d’État avait pourtant clairement affirmé que «les principes généraux du Droit, résultant notamment du Préambule de la Constitution, s’imposent à toute autorité réglementaire, même en l’absence de dispositions législatives». (…)
Confronté au chômage, j’ai essayé de revendiquer ce Droit.
Je me suis adressé à la justice administrative qui m’a débouté au motif de l’absence de précision suffisante du texte constitutionnel.
Je me suis alors adressé aux partis politiques et à la Commission des Lois de l’Assemblée nationale. En pure perte.
Je me suis rendu compte que derrière les arguments avancés, il existait chez tous nos représentants une volonté délibérée de ne pas faire bénéficier la population de ce Droit constitutionnel qui n’est pas compatible avec les normes du libéralisme.
C’est le marché et non l’État qui dicte les conditions de l’emploi.
Il est vrai que la France est l’un des seuls pays à avoir inscrit ce Droit dans sa Constitution. Une exception française que personne parmi nos représentants n’a envie de voir perdurer même si aucun n’a le courage de proposer sa suppression.
Si encore la sacro-sainte loi du marché apportait une amélioration chez la majorité de nos concitoyens. C’est tout le contraire qui se passe. Toujours plus de chômage et de précarité. Des conditions de travail qui se dégradent. Une concurrence entre travailleurs qui se répercute dans tous les domaines de la société. (…)
J’ai donc décidé d’interpeller directement la population en tagguant sur les murs de certains monuments cette phrase : «ALINÉA 5 un EMPLOI pour CHACUN».
Je l’ai fait à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’à Paris, j’ai taggué le siège du Parti Socialiste et le Haut Commissariat de Martin Hirsch. Sans réaction alors même que j’ai agi à visage découvert après les avoir alertés concernant ce Droit constitutionnel.
C’est à partir du tag posé sur les locaux de l’ANPE de Fougères que la police et la justice ont mis en route la procédure qui aboutit à ma convocation devant le Tribunal correctionnel de Rennes.
Il n’est pas question de nier ce que j’ai fait. Le minimum que j’attends de ce procès, c’est que la question du Droit constitutionnel d’obtenir un emploi soit enfin posée publiquement.
À cet effet, j’ai fait citer comme témoins monsieur Jean-Louis DEBRÉ, Président du Conseil constitutionnel, monsieur Jean-Luc WARSMANN, Président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, et madame Martine AUBRY, Première secrétaire du Parti Socialiste.
Il m’apparaît indispensable que le tribunal puisse entendre les meilleurs experts sur la portée d’un Droit constitutionnel, son application effective et les obligations de l’État vis-à-vis du Citoyen ordinaire.
Il est possible qu’ils soient tentés de se soustraire à ce qu’ils vont considérer comme une procédure indigne de leur rang. Mais ils savent (ou leurs conseillers le leur rappelleront) que les juges ont la possibilité de les contraindre à se présenter (…).
Si leur présence ne va pas forcément m’éviter d’être sanctionné, je désire profiter de leur témoignage sous serment pour en apprendre un peu plus sur le sort réservé au Droit d’obtenir un emploi.
Au moins, je saurai pourquoi je dois vivre cette situation de chômeur en compagnie de millions de mes Concitoyens, en violation de la Constitution.
L’audience a lieu le mercredi 23 février 2011 à 14 heures au TGI de Rennes.
Pour plus d’infos : http://jcbouthemy.blogspot.com/ et via Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.
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