La gauche, quand elle était au pouvoir (oui, oui… il y a eu dans notre pays un Président qui se revendiquait du socialisme et même plusieurs Premiers ministres), n’avait pas su trouver les causes du chômage de masse en France. Résultat, elle nous a pondu une loi pour tenter d’en gérer les effets : «Loi relative à la réduction négociée du temps de travail (n°2000-37 du 19 janvier 2000)» portée par le gouvernement Jospin. Rappelons ici accessoirement que cette mesure figurait en bonne place dans la plateforme électorale de François Mitterrand en 1981, les «110 propositions pour la France». Le travail devenant durablement plus rare, il fallait le partager solidairement comme on partageait les topinambours durant la 2ème guerre mondiale.
Au final, le taux de chômage n’a pas vraiment bougé. Les jeunes ont continué à ramer pour entrer en entreprise alors que les plus de 55 ans en sortaient à pleins wagons. Remarque perfide au passage : comme dans l’écrasante majorité des entreprises qui ont appliqué cette loi, les salaires ont été ou réduits de 10% et/ou bloqués durant quelques années, et les heures supplémentaires ont vu leur majoration réduite, passant de 25% à 10%. Il n’est pas faux d’écrire que ce sont les actifs et, plus généralement, les moins aisés des salariés du privé qui ont financé la majeure partie du coût de cette mesure estimé à 10 milliards d’€.
La droite ne pouvait pas être en reste sur ce sujet. Elle se devait de trouver (enfin !) les causes du chômage massif qui gangrène notre société depuis des décennies. D’autant que les organisations patronales sont toujours restées «chaudes bouillantes» sur le sujet. Rappel : Yvon Gattaz, président du CNPF (ancêtre du Medef) qui avait annoncé que la suppression de l'autorisation administrative de licenciement se traduirait par la création de 400.000 emplois. Ernest Antoine Seillière avait aussi usé de l'équation simple : «Pouvoir licencier en toute sécurité, c'est pouvoir embaucher plus facilement». Et surtout : la suppression de la contribution Delalande qui était un obstacle à l'embauche des plus de 50 ans… avec les résultats qu'on connaît aujourd'hui !
Selon l'Association Nationale des DRH, reprenant des arguments de l’Institut Montaigne et une proposition du candidat Sarkozy à l’élection présidentielle de 2007, il existerait en France des gros, mais gros, très gros privilégiés hyper scandaleusement protégés, j’ai nommé : les salariés en CDI qui empêcheraient (ah, bande de salauds, on vous tient !) les précaires en CDD de trouver leur place en entreprise. Il serait donc urgent de précariser l'ensemble du salariat par un Contrat de Travail Unique ou CTU !
C’est pourquoi Jean-Christophe Sciberras, président de l'ANDRH, propose, à l'occasion des assises nationales de son association, de débattre avec Xavier Bertrand (dont j’imagine déjà le minois, avec sur les lèvres le sourire d’un gros chat gourmand devant son écuelle de lait frais) de «l’urgence de l’innovation sociale» et de l'extension à l'ensemble des salariés d'un contrat de travail unique qui «s’énoncera sans référence au temps ; il sera par nature à durée indéterminée et se substituera à tous les CDI, CDD, contrats de missions, contrats saisonniers actuellement en vigueur». En gros et pour être clair, à défaut de sécuriser les plus jeunes, «insécurisons» tout le monde ! Rappelons ici au passage que, selon l’OCDE, l’intérim et les CDD représentent au moins 12% de l’activité salariée dans notre pays. Il est donc «logique», avec le CTU, de précariser le reste des salariés français…
En tant qu’ancien chef d’entreprise j’ai embauché beaucoup, licencié parfois pour diverses raisons dont des raisons économiques alors que la «rupture conventionnelle» n’existait pas encore. Je me suis retrouvé assigné au Tribunal des Prudhommes où j’ai souvent gagné, parfois perdu; j’y ai aussi assigné avec succès des salariés indignes. J’ai serré les boulons pour passer des caps difficiles en limitant les salaires (à commencer par le mien), réduisant les dépenses (à commencer par celles que je générais), et j’ai vraiment du mal à «gober cette innovation».
Ce qui maintient l’emploi, c’est le maintient de l’activité économique. Ce qui crée de l’emploi, c’est le développement de nouveaux clients, de nouveaux marchés, de nouvelles commandes ! C’est le surcroît d’activité qui permet d’embaucher. C'est une bonne gestion, aussi.
Or, ce nouveau contrat ne régénérera pas le tissu industriel français ravagé par des décennies de mauvaises décisions politiques et laminé par la mondialisation. Il ne dynamisera pas l’industrie des services. Transformant définitivement les salariés en variable d’ajustement, il scellera une fois pour toute le divorce entre l’entreprise et ses collaborateurs… pour le plus grand profit des actionnaires.
(Source : Ici Radio Kerhostin)
Articles les plus récents :
- 24/06/2011 22:39 - A l'UMP, la chasse aux pauvres va jusqu'au bidonnage !
- 24/06/2011 10:58 - PSA : Les assistés ne sont pas ceux que l’on croit…
- 23/06/2011 19:48 - L'ONU dénonce les politiques d'austérité
- 22/06/2011 12:28 - Même en vacances, les Français travaillent
- 20/06/2011 19:32 - Bruxelles met les pauvres de l'Union européenne à la diète
Articles les plus anciens :
- 18/06/2011 15:20 - L'accès gratuit à la justice, c'est bientôt terminé ?
- 15/06/2011 09:19 - Les «fromages» de la République
- 14/06/2011 12:54 - ISF : 300 € de déduction fiscale par enfant
- 10/06/2011 13:58 - Quelques recettes pour sortir de la crise
- 07/06/2011 11:59 - 2012, une overdose médiatique