Le tsunami juridique n'a pas eu lieu. Alors que la chambre sociale de la Cour de cassation était appelée hier à se prononcer sur le cas d'un cadre en forfait-jour qui réclamait le paiement d'heures supplémentaires, de nombreux experts en droit social craignaient, à cette occasion, que la haute juridiction ne remette en question la légalité du dispositif, comme le laissaient augurer plusieurs décisions du Comité européen des droits sociaux. En définitive, si la chambre sociale a donné raison au salarié, elle a précisé que sa décision «ne remet pas en cause» la validité de ce forfait qui concerne plus d'1,5 million de salariés dits «autonomes».
En cas d'invalidation, il aurait en effet fallu revoir la législation, mais aussi toutes les conventions collectives signées depuis 11 ans prévoyant le recours à ce régime qui permet de rémunérer des cadres en fonction du nombre de jours travaillés par an, sans décompte horaire hebdomadaire. Tous les employés concernés auraient également pu réclamer le paiement d'heures supplémentaires sur les cinq dernières années, le délai de prescription. Cette décision, saluée hier par le Medef, n'est toutefois pas un blanc-seing sans condition.
Les critiques du Comité européen portent sur le fait que le forfait-jour ne définit qu'un temps de repos légal (11 heures par jour et 35 heures consécutives par semaine), ce qui rendait possible une durée de travail hebdomadaire jusqu'à 78 heures, soit bien au-delà des 48 heures maximum fixées par le Code du travail et la Charte sociale européenne. L'arrêt de la chambre sociale ne prend pas directement position sur ce point. «Plutôt que d'évoquer une durée maximum, la haute juridiction a posé le débat sous l'angle de la santé et du temps de repos des salariés», souligne Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit du travail à l'université Paris-I Sorbonne. Des aspects qui doivent être évoqués dans les accords collectifs permettant l'accès au forfait-jour.
Accord collectif impératif
L'entreprise qui employait le cadre réclamant le paiement des heures supplémentaires relevait de la métallurgie. Dès lors, «examinant l'accord de branche applicable au litige», la chambre sociale «constate qu'il contient des mesures concrètes [...] de nature à assurer le respect des règles impératives à la durée du travail et au temps de repos». Cet accord autorise le recours au forfait-jour, mais en imposant à l'employeur d'établir un document de contrôle des journées et demi-journées de travail, des temps de repos et congés ainsi que des modalités d'un suivi régulier de la charge de travail. «Le régime de forfait assorti de telles garanties est conforme» au droit français et européen, estime la Cour de cassation.
Le premier message est donc à destination des branches professionnelles : «Elles vont devoir s'assurer que les accords qu'elles ont signés prévoient des garanties semblables à celles prévues dans la métallurgie pour préserver la santé des salariés et, si ce n'est pas le cas, y remédier», estime Sylvain Niel, avocat au cabinet Fidal.
Le second message est à destination des DRH. «Dans l'affaire examinée hier, la convention collective était vertueuse, mais l'entreprise ne l'était pas», poursuit Sylvain Niel. Elle n'appliquait pas les dispositions de l'accord de branche concernant le temps de repos et le suivi de la charge de travail. En conséquence, «ces défaillances de l'employeur, dès lors qu'elles privent le salarié de toute protection de sa santé, privent d'effet la convention de forfait en jours conclue avec le salarié». Et légitiment sa demande de paiement des heures supplémentaires.
Pour éviter semblable mésaventure, les entreprises vont devoir veiller à respecter les dispositions prévues par les accords de branche. Ce qui ne sera par forcément très simple à mettre en oeuvre. Au passage, relève Jean-Emmanuel Ray, «la chambre sociale rappelle qu'il faut impérativement un accord collectif pour mettre en place le forfait-jour dans une entreprise, ce qui n'est pas le cas dans de nombreuses PME où l'on estime que le forfait s'applique automatiquement aux cadres». Faute d'accord, ceux-ci sont fondés, là encore, à demander le paiement de leurs heures supplémentaires.
(Source : Les Echos)
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