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Retraites : les conséquences de la réforme sur les candidats au départ anticipé

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Nombre de seniors qui se sont portés volontaires lors de plans de départ en 2008 et 2009 seront contraints de retourner sur le marché de l'emploi, sinon survivre aux minima sociaux (ou rien du tout)...

Le 1er juillet, la retraite à 60 ans, c'est fini ! La loi "portant réforme des retraites" de novembre 2010 entre en vigueur progressivement. Pour tous ceux qui sont nés à partir du 1er juillet 1951, il faudra patienter quatre mois de plus, pour la génération 1952, huit mois de plus, etc., jusqu'à la génération née en 1956 qui, en janvier 2018, inaugurera la retraite à 62 ans (voir calendrier en commentaire). A partir du 1er juillet également, la durée de cotisation sera plus longue d'un trimestre pour les générations 1953 et 1954, et les conditions de départ sont modifiées pour les carrières longues.

Autant de sources de mauvaises surprises pour les candidats au départ volontaire qui avaient signé, avant la réforme et ses décrets d'application, en 2008 et en 2009, des "plans de départs volontaires" ou des "mesures d'âge négociées" qui devaient les conduire, après des périodes de formation ou de chômage, jusqu'à l'âge légal. Ils se retrouvent, pour certains, obligés aujourd'hui de retourner sur le marché de l'emploi.

"Il me manque un an de travail"

"A 58 ans, je suis à la recherche d'un emploi car il me manque un an de travail pour atteindre le nouvel âge. Pourtant, quand j'ai signé pour le plan, tout était calé, le nombre de trimestres, l'âge de départ", témoigne Gilbert Barro. Cet ancien ouvrier spécialisé de Renault à Sandouville (Seine-Maritime) a signé en 2009 le Plan Renault Volontariat (PRV) qui, après trois mois de carence, neuf mois de formation et trois ans de chômage, l'amenait en 2013 à l'âge légal de départ à la retraite qui était alors de 60 ans. "Avec la réforme, je n'aurai l'âge de départ qu'en 2014 ! Je me suis retourné vers Renault, mais leur réponse a été : Vous ne faites plus partie de l'entreprise..."

Du fait des changements législatifs, ils seraient ainsi, sur le site de Sandouville, quelque 200 à 300 personnes des générations 1952, 1953 et 1954, à se retrouver avec une période non couverte entre la fin du chômage et la retraite, selon Jean-Louis Lefebvre, un autre ouvrier de l'usine qui a signé aussi en 2009 le PRV. "Moi, j'ai mes trimestres, car j'ai commencé à travailler à 15 ans. Mais, en tant que carrière longue, mon âge de départ est reporté de huit mois, ça me fera un mois et demi problématique, mais certains collègues ont plus d'un an sans couverture." M. Lefebvre a créé un collectif de salariés pour demander à l'entreprise de "les réintégrer pour couvrir la période du report d'âge".

Selon Nicolas Guermontres, le délégué syndical CGT de l'usine, "sur la seule génération 1953, 213 salariés ont signé le PRV à Sandouville. A l'époque où il a été mis en place, les Laguna se vendaient mal. Beaucoup ont signé dans l'idée de faire de la place aux jeunes, d'autant qu'on nous assurait qu'en signant le plan avant la réforme, on ne serait pas concernés". De nombreuses entreprises, outre Renault, avaient négocié des plans de départs volontaires avant cette réforme : Michelin, France Télécom, Le Monde, etc. Les exemples sont légion.

Déconvenues

C'est à la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV) que de nombreux préretraités constatent leur déconvenue. Combien sont-ils ? Il n'y a pas d'évaluation officielle. "Je ne suis pas sûre qu'il s'agisse d'un problème à grande échelle. On constate les cas, mais on ne les comptabilise pas, affirme Annie Roses, directrice de la réglementation de la CNAV. La seule chose qu'on sache est que pour les générations 1953 et 1954, 780.000 à 790.000 personnes sont susceptibles de partir à la retraite par génération. Mais cela ne dit pas grand-chose sur le nombre de signataires d'accords d'entreprise qui auraient pu être surpris par la réforme et qui, faute d'avoir l'âge légal de départ en retraite, n'ont plus aujourd'hui que trois recours : se retourner vers leur entreprise, vers Pôle emploi ou sur le marché du travail."

Pour la CNAV, le problème est du ressort de l'entreprise. "On se heurte au problème d'employeurs et de salariés pressés de réaliser des accords de fin de carrière sans forcément prévoir les évolutions futures de la réglementation. La CNAV ne peut donner d'informations que sur la base de la législation existante. Pour préparer les départs en retraite anticipés, nous ne délivrons pas d'attestation valant engagement au-delà d'un délai de six mois. C'est donc aux entreprises de prévoir dans leurs accords comment prolonger les conditions financières en cas de modification de la législation", estime Mme Roses.

Renégociations

La question a pourtant été posée en 2010 en marge de l'élaboration de la réforme des retraites. Michelin ou France Télécom ont alors décidé de renégocier des accords récemment signés. Le Plan Volontariat France mis en place par Michelin en 2009, qui concernait essentiellement les générations 1951 et 1952, a été l'objet d'un avenant pour prolonger la période fixée par l'accord jusqu'à l'âge reporté de la retraite.

A France Télécom, les aménagements de fin de carrière proposés fin 2009 à toute personne partant à la retraite dans les trois ans et fixés par accord d'entreprise ont également fait l'objet d'un avenant négocié juste après la réforme, en décembre 2010, avec les partenaires sociaux. "L'accord étant ouvert sur plusieurs années, le dispositif, qui concerne aujourd'hui 4.000 personnes, aurait été bancal faute d'avenant. On a donc repoussé le terme de l'accord de deux ans et prolongé l'accès au dispositif jusqu'en 2014", explique Alain Gueguen, directeur "rétribution" à la direction des ressources humaines de France Télécom. "Il y avait urgence car, dès janvier 2011, les possibles entrées dans le dispositif sont reportées, de huit mois ou plus, et de ce fait de nombreux salariés en perdaient tout simplement le bénéfice. Tout ça devrait coûter quelque 400 millions d'euros, mais quand on signe un accord, on préfère que ça dure plus d'un an", ajoute-t-il.

L'AER supprimée, rien n'est prévu pour la remplacer

Renault a une autre approche quant au devenir de son plan de départs volontaires mis en place fin 2008. "Les salariés qui sont partis n'ont plus de liens contractuels avec l'entreprise", confirme la direction. "Pour faire face à la crise qui a touché sévèrement le secteur automobile à partir de mi-2008, plusieurs entreprises dont Renault ont choisi de mettre en œuvre des solutions d'ajustement structurel. Le Plan Renault Volontariat, qui en faisait partie, était fondé sur le strict volontariat, permettant aux collaborateurs de l'époque de quitter l'entreprise s'ils le souhaitaient. Différentes mesures étaient proposées, toutes ayant été conçues en complète conformité avec les obligations légales en vigueur à ce moment-là", explique la direction du groupe. L'accord PRV n'a donc pas été renégocié.

Le problème aurait pu être réglé par le dispositif d'allocation équivalent retraite (AER), qui prenait le relais des indemnisations chômage jusqu'à l'âge légal. Mais ce dispositif a été supprimé... depuis le 1er janvier 2011. Et, malgré les promesses, rien n'est prévu pour le remplacer.

Pourtant, le document d'orientation sur la réforme des retraites d'avril 2010, qui avait envisagé les conséquences du report d'âge pour les demandeurs d'emploi les plus âgés, stipulait bien que "le report de l'âge de départ à la retraite est susceptible de pénaliser les demandeurs d'emploi les plus âgés, si cela devait conduire à les maintenir plus longtemps au chômage, en particulier non indemnisé, c'est-à-dire avec un niveau de ressources moindre que leur pension de retraite. Le recul de l'âge de départ à la retraite ne pourrait donc s'envisager sans un dispositif spécifique sur ce point". CQFD.

(Source : Le Monde)


NDLR : En pleine mobilisation sur les retraites, le premier ministre François Fillon avait créé l'espoir en promettant à la télévision "un système équivalent à l'AER, pérenne, pour les travailleurs âgés".

Rien n'est venu et, aujourd'hui, Matignon renvoie ses interlocuteurs vers le ministère du travail, qui répond : "Nous avons mis en place des mesures sur l'emploi des seniors. Quant à l'AER, nous l'avons prolongé deux fois".

Ce que le gouvernement "voulait en fait, c'est que l'Unédic paie à la place de l'État, mais les partenaires sociaux ne peuvent pas indéfiniment financer les prestations que l'État ne veut plus assumer !" s'indigne Laurent Berger, le négociateur emploi de la CFDT, qui assure avoir récemment "interpellé le ministère du travail sur cette question". Le rétablissement de l'AER coûterait "autour de 250 millions d'euros", selon la CFDT. Mais, précise Stéphane Lardy, en charge du dossier à Force Ouvrière, "on nous dit qu'il n'y a pas de budget. Le dossier est bloqué".


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