Wal-Mart va mal. Le Monde, qui se trompe rarement, le dit : «Wal-Mart lutte pour maintenir ses profits». Ce n’est pas bon du tout pour l’économie américaine.
Le leader mondial de la distribution avait pourtant très bien résisté à la première phase de la crise. En 2008, le cours de son action avait même gagné quelques points quand tous les autres dévissaient.
L’enseigne est faite pour prospérer par temps de crise. Un concept génial ! «Everyday low price», l’idée de Sam Walton. Dans ses magasins, les prix sont bas toute l’année. Finies les promotions, ces attrapes gogos. En une génération, le distributeur est devenu le leader mondial de son marché.
En 2008, grâce à ce concept, chaque foyer américain a économisé 2.300 dollars par an. Pas mal, au moment où ils ont du mal à finir leur fin de mois. Du bel ouvrage. Un vrai avantage pour le consommateur.
Tout pour réussir.
Sauf qu'avec son idée, notre distributeur a tué la demande aux Etats-Unis.
Pour tenir ses objectifs, les salariés Wal-Mart n’ont le droit qu'au minimum vital. Rien que le salaire de subsistance de Marx. Aucun syndicat : c'est l'objectif fixé aux managers. Au Québec, des salariés avaient réussi à ouvrir une section syndicale : sur-le-champ le distributeur avait fermé le magasin. Tel est le coût social du «every day, low price».
Une très sérieuse étude publiée en 2009 constate que dès qu’un magasin Wal-Mart s’installe quelque part, les salaires baissent dans le district de 5,4% ! Ce n’est pas tout : la plupart de ses salariés ne bénéficient d’aucune couverture sociale… Et pourtant ceux-là n’ont pas à se plaindre : ils ont du travail.
Car du côté des fournisseurs, c’est encore moins la fête du slip. D’après deux journalistes français spécialistes de l’enseigne, c’est grâce à ce mammouth que plus aucun jeans Lewis ne sont fabriqués aux States. Un exemple parmi d’autres, beaucoup d’autres, Wal-Mart est responsable d’un très grand nombre de délocalisations.
En exigeant de ses fournisseurs 10% de baisse de prix chaque année, la centrale d’achat a mis beaucoup d’Américains au chômage. Merci qui ? Aujourd’hui, 80% des produits vendus par les magasins de l’enseigne sont fabriqués en Chine. Quand on sait que le chiffre d’affaires de Wal-Mart est supérieur au PNB de la Suède, ça fait beaucoup.
Il arrive ce qui devait arriver. Le temps des allocations chômage, les gens consommaient encore un peu. Puis ils n'ont même plus les moyens d’acheter les produits chinois de chez Wal-Mart. Ou, comme le dit le PDG de Wal-Mart, «il est évident que les clients sont encore en difficulté. Ils achètent moins pour s'ajuster à leur budget». Quel doux euphémisme… ils n’ont même plus un cent dans leurs portes-monnaie ! Wal-Mart les a tous fait licencier. Ils n’ont plus de travail, donc plus d’argent.
Ce n’est pourtant pas compliqué, l’économie. La société de consommation n’existe pas sans revenu, et donc sans travail.
(Source : Marianne)
Un livre de référence sur le sujet : "Travailler plus pour gagner moins. La menace Wall-Mart" par G. Blassette et LJ Baudu (Buchet Chastel 2008)
Bertrand Rothé et Gérard Mordillat viennent également de publier "II n'y a pas d'alternative" (Seuil - 15 €)
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