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Une immolation pour un indu qui n'en était pas un

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Recours Radiation estime que, contrairement aux déclarations officielles, tout n'a pas été fait pour éviter le suicide de Djamal, mercredi 13 février à Nantes.

MENACES IMMINENTES D'UN DEMANDEUR D'EMPLOI... Tel est le titre de la "Fiche action" qui a été adressée aux agents de Pôle Emploi ces jours-ci, suite à l'immolation de Monsieur CHAAR [1] à Nantes. La forme, les commentaires ont probablement été différents d'une agence à une autre, mais les "éléments de langage" froids, techniques, sécuritaires venus d'en haut ont été assénés.

C'est la seule réponse apportée aujourd'hui par la direction générale de Pôle Emploi au drame qui a eu lieu le 13 février devant l'agence de Nantes.

Rétablir les faits

Monsieur CHAAR avait pour habitude de déclarer sans faute toutes ses périodes travaillées. Pour une raison inconnue, il n'a pas déclaré sa période de travail en intérim de décembre 2012 [2]. Cela ne fait pas de lui un fraudeur. De plus en plus de demandeurs d'emploi ont des périodes d'activités réduites, des contrats précaires qui leur permettent, parfois, de bénéficier d'un complément d'indemnisation. Mais la procédure est propice aux loupés (fiches de paie égarées, plateformes de traitement engorgées…).

D'ailleurs, dans une instruction de septembre 2009, Pôle Emploi Rhône Alpes rappelle que bon nombre d'indus "constituent des régularisations : par exemple ces indus qui s'expliquent par la qualité de travailleur intérimaire du bénéficiaire, qui voit son compte allocataire géré automatiquement avec un décalage".

Comme certains se plaisent à le répéter, "les règles sont complexes", tant pour calculer l'indemnisation que pour la percevoir. Et ce qui est complexe administrativement pour Pôle Emploi l'est encore plus pour le chômeur qui n'a pas de secrétariat personnel. On se demande pourquoi les partenaires sociaux ont complexifié les règles au point qu'eux-mêmes ne les interprètent pas de la même manière, d'une région à une autre (Instances Paritaires Régionales) ?

Tout a été fait ?

Monsieur CHAAR n'a pas fait de fausse déclaration dans le but de percevoir des prestations qui ne lui étaient pas dues. La somme que devait Monsieur CHAAR avoisinait 620 euros selon les informations communiquées par Presse Océan et les dires de sa famille. Or, la règlementation Unedic prévoit la possibilité d'une remise des allocations indûment perçues et quand le montant de l'indu est inférieur ou égal à 650 euros, l'Instance Paritaire Régionale délègue ses pouvoirs à Pôle Emploi (voir l'Accord d'application en vigueur, page 10).

Le "délégataire Pôle Emploi" a donc le pouvoir d'annuler une dette de moins de 650 euros. Il ne l'a pas fait.

Dissiper les zones d'ombre

• Combien de temps Monsieur CHAAR avait-il travaillé ? Pourquoi l'ouverture de droits n'a-t-elle pas été effectuée ?
Dans ses e-mails à Presse Océan, il disait avoir travaillé 720 heures. Mais, selon le règlement, les heures effectuées durant le mois incriminé ont été exclues du calcul de ses droits, ramenant ce total à moins de 610 heures (durée minimale d'emploi exigée).

• Pourquoi Pôle Emploi n'a pas régularisé le compte de Monsieur CHAAR, comme cela était précisé dans l'instruction de 2009, alors qu'il avait la qualité de travailleur intérimaire ?

• Monsieur CHAAR a-t-il été informé de ses droits de recours et des modalités pour obtenir une remise gracieuse de la somme qui lui était réclamée ?
Visiblement non, puisqu'il est sorti de son entretien du 11 février à Pôle Emploi totalement dévasté, et fermement décidé à passer à l'acte.

• Existe-t-il un procès verbal d'audition effectué par un agent assermenté du service de prévention des fraudes, et si oui, que dit ce procès verbal ?
Si aucun procès verbal n'a été rédigé, Pôle Emploi, en décidant de ne pas considérer la période travaillée dans le calcul de ses indemnités, a commis un abus de pouvoir.

Devant la gravité des faits, la persistance des zones d'ombre, devant les pratiques de Pôle Emploi en matière de radiations, d'indus, etc… qui perdurent malgré les rapports, expertises, commissions d'informations (sénatoriale, puis parlementaire), dénonciations, actions des associations de chômeurs, nous avons demandé à Monsieur Sapin d'élargir le prochain Comité de liaison exceptionnellement à toutes les associations qui accompagnent et défendent les chômeurs dans les problèmes qu'ils rencontrent avec Pôle Emploi.

Nous avons, pour le moment, essuyé un refus du chef de cabinet de Monsieur Sapin : «Notre souhait est de s'en tenir au format du Comité national de liaison de façon à objectiver, tant que possible, la liste des participants. Indépendamment, je serai ravi de vous recevoir. Ce pourrait être également l'occasion d'évoquer avec vous les recommandations du médiateur de Pôle emploi s'agissant des radiations. Je vous laisse prendre attache avec mon secrétariat pour convenir d'un rendez-vous»...

Pour la famille de Monsieur CHAAR, pour tous les chômeurs qui luttent seuls contre une machine qui les broie, nous n'en resterons pas là.

Rose-Marie Pechallat
www.recours-radiation.fr

[1] Chaar ou Chaab : les deux noms circulent... Au début de l'affaire, c'était Chaab. Depuis quelques jours, c'est Chaâr.

[2] Selon Presse Océan, il s'agissait du mois d'août.

Aucune information précise n'a été communiquée. La presse n'a que trop peu enquêté sur cette affaire, certainement bridée par l'omerta qui règne à Pôle Emploi. Il n'empêche :

Immolation d'un chômeur : circulez, y’a rien à voir !

Le traitement de l'information de ces jours-ci a été la démonstration parfaite des dérives de l'industrie médiatique. Elle n'est plus que divertissement public ou recherche de scandales, mais n'en attendez surtout pas d'analyses sociétales.

On y a beaucoup lu ou entendu sur la St Valentin ou sur un athlète sud africain qui a tué sa petite amie. Et si parler du scandale du cheval devenu bœuf ou de pères aux motivations douteuses perchés sur des grues était important, c'est devenu quasi 100% des infos. Alors qu'un fait de société exemplaire, révélateur de l'état de désespérance d'une partie grandissante des Français n'a généralement pas été évoqué, ou n'a mérité qu'un entrefilet.

Mais bien sûr, il ne s'agissait pas de faire marcher le commerce des fleuristes ou de parler du fait divers sanglant d'un people du bout du monde. Non, il ne s'agissait QUE D'UN CHÔMEUR ! Quel intérêt ? Des chômeurs qui s'immolent pour contester leurs conditions de vie ! Ils n'étaient pas les premiers et ne seront malheureusement pas les derniers. Cela n'a aucun intérêt pour nos médias, ce n'est que révélateur d'une descente aux enfers des oubliés de notre société, alors circulez, y'a rien à voir. Ne nous demandons surtout pas le pourquoi du comment, le journalisme n'est pas fait pour se poser des questions.

En s'immolant devant son Pôle-Emploi, Djamal Chaab espérait certainement que son sacrifice déclencherait une révolution comme pour Mohamed Bouazizi. Il a seulement oublié qu'ici on est pas en dictature… ou plutôt, que la dictature des médias est super efficace pour faire oublier à la démocratie ses devoirs envers les citoyens.

(Source : Mediapart)


NDLR : Pour info => INDUS, étapes et procédures (à consulter en pdf)

La phase amiable
La phase contentieuse
L'indu solidarité-Etat (ASS/AER…)



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