Ecrire sur Pôle Emploi est à la mode. Après les "Confessions d'une taupe à Pôle emploi" (écrit par un conseiller, Gaël Guiselin - un pseudo - avec le concours d'une journaliste, Aude Rossigneux) et "183 jours dans la barbarie ordinaire" (écrit par Marie Bergeron, jeune graphiste de formation qui y narre ses mésaventures : «les objectifs intenables», les collègues transformés en «petits sergents» et les entretiens en «coquilles vides qui se succèdent à des cadences infernales»), c'est au tour de Christian Charpy d'agiter sa plume.
Son livre, "La tête de l'emploi", sort le 8 septembre dans les librairies. J'écris ce billet non pas pour en faire la promotion mais pour m'en indigner !
En effet, que Christian Charpy qui a, pendant trois ans, dirigé Pôle emploi en prenant directement ses ordres du gouvernement et de l'Elysée, vienne maintenant régler ses comptes et cracher dans la soupe est pour le moins scandaleux !
Voici quelques explications qui motivent ma colère.
Nous pouvons lire dans Le Figaro : «Dans son livre, le patron de Pôle emploi n'attaque pas nommément son ministre de tutelle. Mais il s'évertue, dans un chapitre final "pour aller plus loin", à critiquer un par un les axes d'action de Xavier Bertrand»…
Bertrand n'est cependant pas la seule cible des flèches de Charpy. Celui-ci évoque aussi sa «véritable épreuve de force» en interne avec les syndicats. Pour eux, «la meilleure façon de parler d'une seule voix, c'était de s'opposer à la direction, déplore-t-il, s'exprimant déjà au passé. Ce qu'ils ont fait avec beaucoup de détermination».
Christian Charpy évoque les manières de Christine Lagarde : «J'ai le souvenir de moments détendus où nous prenions les décisions indispensables, relate-t-il. Elle apportait une touche de convivialité à ces rendez-vous qui ont beaucoup contribué à pacifier les conflits latents». François Fillon est qualifié de «soutien précieux» et Nicolas Sarkozy salué pour son implication. «Peu de réformes ont été suivies avec autant d'attention de la part d'un président» , reconnaît-il, regrettant que la fusion soit «devenue un objet politique et non une simple réforme de structures».
En revanche Laurent Wauquiez, alors secrétaire d'État à l'Emploi, chargé de superviser la fusion en avril 2008, en prend pour son grade. «Deux hommes pour un fauteuil», c'était un de trop. «Nos relations étaient parfois tendues, avoue-t-il, exemples à l'appui. J'avais mes idées, il avait les siennes et elles n'étaient pas toujours convergentes.»
Ces écrits ne feront pas oublier que Christian Charpy a cautionné et mis en application des directives qui ont conduit Pôle Emploi et les chômeurs dans la situation que nous connaissons. Aussi, il est pour le moins outrecuidant de venir porter critique sur les «ordres» qu'il a appliqués en Énarque docile !
Ces écrits ne feront pas oublier également :
• La gourmandise de Monsieur Charpy qui, en prenant la tête de l'institution née de la fusion de l'ANPE et de l'Assedic, a bénéficié d'une augmentation de 20% de sa rémunération, portée de 230.000 à 275.000 euros bruts par an. Une augmentation qui tombait assez mal au moment où les salariés des deux organismes dénonçaient leurs nouvelles conditions de travail et une fusion à la va-vite et mal préparée.
• Ses méthodes de management. En 2010, Alain Lecanu (CGC), qui présidait le comité d'évaluation de Pôle Emploi, tirait à boulets rouges contre Christian Charpy, demandant ouvertement son départ. Il déclarait à Leïla de Comarmond dans le journal Les Echos : «La réalité, c'est que le directeur général fonctionne en cercle fermé avec quelques proches. Les directions régionales n'ont pas de marge de manœuvre. Les ex-Assedic sont mis sur la touche. Je vous donne un exemple : est-il normal que Christian Charpy vienne de confirmer discrètement l'ancien responsable des ressources humaines de l'ANPE, censé faire l'intérim, au poste de DRH de Pôle emploi, alors qu'il avait affirmé au conseil d'administration qu'il allait recruter quelqu'un à l'extérieur pour remplacer Jean-Louis Sciberras, dont j'aimerais bien connaître les vraies raisons du départ ? Ce n'est pas la première fois que le directeur général met ainsi le conseil d'administration de Pôle emploi devant le fait accompli. Et il ne se cache même plus de prendre ses ordres directement auprès du gouvernement. (...) Il est grand temps de donner un second souffle à la fusion et de changer de directeur général. Il nous faut à la tête du service public de l'emploi un vrai patron qui vienne du privé car Pôle emploi n'est pas une administration comme l'était l'ANPE mais une entreprise.»
• Les grèves incessantes des agents de Pôle Emploi, qui dénonçaient et dénoncent toujours leurs conditions de travail. Chaque conseiller de Pôle Emploi doit suivre en moyenne 100 chômeurs, ce chiffre pouvant monter jusqu'à 250 ou 300 dossiers en région parisienne.
• Le climat de tension sociale dans lequel travaille le personnel, soumis à des ordres et des contre ordres incessants, et les risques psycho-sociaux qui ont explosé, aboutissant aux suicides de plusieurs salariés sur leur lieu de travail.
• Le fiasco du 3949, les innombrables retards et erreurs dans le traitement des dossiers mettant en situation de précarité des milliers de chômeurs...
• Les radiations abusives dont le chiffre est jalousement gardé.
• Le scandale du contrôle des pièces d'identité des demandeurs d'emploi qui transforme les agents en auxiliaires de police ! Dans un article de Mediapart, on pouvait lire la note de service suivante (diffusée dans une agence de Toulouse) : «L’agent qui reçoit le demandeur fait une photocopie de la pièce recevable présentée et en vérifie l’authenticité à l’aide de la lampe UV. Cette vérification s’effectue en dehors de la présence du demandeur, l’agent devra donc se diriger vers un photocopieur situé en retrait à proximité de la lampe UV». Copie est ensuite envoyée en préfecture !
• Alors que tout allait mal à Pôle Emploi, suite à une "grande consultation" lancée par Wauquiez, Christian Charpy déclarait sur RTL : «On a interrogé 500.000 personnes; 100.000 ont répondu. Quelle est la conclusion principale ? C'est que deux-tiers des demandeurs d'emploi sont à mon avis favorables, et positifs sur Pôle Emploi. Si la situation était telle qu'elle est décrite par les syndicats ou parfois par certains journaux, nous n'en serions pas là. Nos premiers clients : deux tiers sont satisfaits. Les entreprises : 68% ont une opinion positive sur Pôle Emploi. (...) La fusion, ça a aussi permis de faire des économies de fonctionnement. En l'espace de deux ans, nous avons économisé pour près de 90 millions d'euros d'économie sur le fonctionnement quotidien de Pôle Emploi sans nuire au service des demandeurs d'emploi, sans nuire au service des entreprises. Eh bien voilà, nous faisons face comme tout le monde à la réduction des déficits budgétaires.»
NON, Monsieur Charpy, mille fois non. Lorsqu'on est un homme d'envergure, on n'applique pas les ordres et directives qu'on réprouve... on claque la porte !
Alors aujourd'hui, votre livre, publié trois mois avant la fin de votre mandat à la tête de Pôle Emploi, ressemble fort au faible aboiement d'un petit roquet...
(Source : Le blog d'Artemis)
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