Les troupes du tandem Macron-Philippe sont en ordre de bataille. Objectif numéro 1 : L’inversion réelle et durable de la courbe du chômage… dans une conjoncture ô combien périlleuse.
Emmanuel Macron, son Premier ministre Édouard Philippe et son ministre de l’Économie Bruno Le Maire sont attendus au tournant de cette longue ligne droite électorale. Le virage à négocier, l’inversion de la courbe du chômage, en a envoyé plus d’un dans le décor.
Entre janvier 2008 et avril 2017, sous deux présidences sans lendemain, le nombre de demandeurs d’emploi dans la seule catégorie A a bondi de 2 millions à plus de 3,5 millions, malgré le plan massif de formations exigé par François Hollande il y a un an.
Des centaines de milliers de chômeurs (autour de 500.000 dit-on) en auraient bénéficié et en bénéficieraient encore. Combien d’entre eux retrouveront-ils un vrai boulot à terme ? Combien resteront sur le carreau et retourneront à la case Pôle Emploi ? Les derniers chiffres du chômage ne sont guère encourageants.
Pour brouiller plus encore la donne, des centaines de milliers de RSAstes aujourd’hui invisibles dans les statistiques officielles pourraient le devenir, visibles, dans les mois qui viennent si les Conseils départementaux emboîtent le pas du Nord. Là-haut, 45.000 bénéficiaires du RSA (sur 115.000 allocataires) ont été sommés de s’inscrire à Pôle Emploi sous peine de sanctions. Ils n’étaient suivis par personne depuis des années. Si tous les départements adoptaient cette mesure, le chômage de catégorie A pourrait mécaniquement «gagner» 500.000 inscrits supplémentaires au bas mot (lire notre article de septembre dernier : Le taux de chômage va exploser en 2017).
L’action du gouvernement en faveur d’une inversion de la courbe se heurtera aussi à la fameuse directive travailleurs détachés qui fait couler beaucoup d’encre sans pour autant avoir été réformée. Des centaines de milliers d’emplois, principalement dans le BTP et la rénovation de l’habitat, sont occupés par des travailleurs originaires d’Europe de l’Est et du Sud (Bulgarie, Pologne, Portugal…) qui ne paient pas de cotisations sociales en France. Combien sont-ils ? De 300.000 à 600.000 selon les estimations, certains étant déclarés d’autres pas. Mais tant du coté du ministère du Travail que des organisations syndicales, les observateurs s’accordent sur un chiffre. Leur nombre explose : +25% entre 2014 et 2015 (source : Arte – le 7 janvier 2017).
Le gouvernement Macron-Philippe devra plus encore s’atteler à sauvegarder ce qui reste des emplois industriels qui fondent comme neige au soleil. Depuis la crise financière de 2008, 261.000 postes d’ouvriers qualifiés et non qualifiés ont été détruits dans les usines de France. Entre 1999 et 2008, la baisse fut encore plus forte avec 390.000 emplois supprimés. Résultat : les ouvriers ne représentent plus que 45% du total de l’emploi industriel, contre 57% en 1999 (source : L’Usine Nouvelle – le 27 avril 2017).
Ces derniers ne sont pas les seuls touchés par les fermetures et délocalisations. L’automatisation et la robotisation font aussi des ravages. Depuis 2008, l’industrie a perdu 57.000 emplois dans les professions intermédiaires et 42.000 chez les employés. «L’hémorragie se poursuit et s’amplifie», titrait il y a un mois L’Usine Nouvelle.
Constat révélateur de la désindustrialisation à marche forcée et du désintérêt de nos dirigeants pour ce secteur stratégique, le gouvernement Philippe ne compte pas de portefeuille attitré à l’industrie, pas plus qu’au commerce et à l’artisanat pourtant grands pourvoyeurs d’emplois.
Concomitamment, les flux migratoires vers un pays qui compte 6,5 millions d’inscrits à Pôle Emploi restent soutenus. Les chiffres de l'Insee attestent que la France a enregistré 338.000 entrées et 238.000 sorties en 2013. Le solde migratoire était positif de 100.000 personnes (source : RTL – le 18 avril 2017). Les évaluations provisoires pour 2014 et 2015 indiqueraient des gains de +70.000 à +90.000 par an. Sous le quinquennat Hollande, le solde migratoire serait alors de +400.000 personnes. Parmi elles, combien en recherche d’emplois ?
Nous évoquons ici l’immigration légale pour laquelle nous disposons de données relativement fiables. L’immigration clandestine, elle, est par principe plus opaque.
On évalue le nombre d’entrées entre 60.000 et 100.000 par an en France. Tentons d’être plus précis. Entre avril 2013 et mars 2014, 60.000 personnes ont demandé l’asile dans notre pays (chiffre Eurostat repris par Le Monde – le 23 octobre 2014). Aucune information n’est évidemment disponible concernant les clandestins qui s’abstiennent de déposer une demande d’asile. Ils pourraient être plus nombreux encore.
Un rapport du Sénat de 2006, titré «Immigration clandestine : Une réalité inacceptable», évoque «un flux annuel d'entrées entre 30.000 et 40.000 personnes, chiffre tout à fait compatible avec celui de l'INED – Institut national d’études démographiques». Cette évaluation a été établie antérieurement aux conflits libyen et syrien qui ont jeté sur les routes de l’exode vers l’Europe des centaines de milliers de migrants et réfugiés.
Par extrapolation, on peut cependant évaluer entre 150.000 et 200.000 le nombre d’immigrés clandestins entrés en France pendant le quinquennat Hollande. Parmi eux, combien à la recherche d’un travail ?
Dans ce contexte de destruction massive d’emplois dans l’industrie, de mise en concurrence des travailleurs français avec leurs homologues de l’Union européenne, avec les immigrés légaux et clandestins, comment peut-on envisager une inversion de la courbe du chômage ?
Tous les indicateurs s’y opposent formellement et laissent au contraire entrevoir une augmentation massive du nombre d’inscrits à Pôle Emploi dans les mois à venir. Elle s’accompagnera de celle des déficits sociaux qui s’élèvent à des dizaines de milliards d’euros par an. La seule assurance-chômage présente un déficit cumulé de 35 milliards. L’assurance-maladie accuse 7,8 milliards de pertes pour l'année 2016 (source : Les Échos – le 16 mars 2017).
D’autres indicateurs macro-économiques sont tout aussi préoccupants. Selon les douanes, le déficit commercial de la France s'est élevé à 8 milliards d'euros en janvier 2017. Un niveau jamais atteint ! L'année dernière, notre déficit a dépassé les 48 milliards quand l'Allemagne enregistrait un excédent record de 253 milliards (source : La Tribune – le 8 mars 2017).
La dette de la France s’élevait quant à elle à 2.147 milliards d’euros fin 2016, soit 96% du PIB (source : Le Journal du Net – le 12 mai 2017).
En se portant sur Emmanuel Macron, 66% des votes exprimés au second tour ont reconduit au pouvoir ceux qui ont intégré la France à l’Union européenne (Traité de Maastricht), à l’espace Schengen, à la Zone Euro, aux accords internationaux de libre-échange, en s’interdisant toute mesure protectionniste, de contrôle des frontières et plus encore de préférence nationale dans l'attribution des marchés publics… et des emplois.
Trois France s’affrontent aujourd’hui : Les «Progressistes» auxquels nous devons depuis 15 ans l’augmentation du chômage, de la concurrence déloyale entre travailleurs européens, du dumping social, de l’endettement, des déficits et de l’austérité à venir. Les «Insoumis» qui incarnent l'opposition de Gauche hostile à la suprématie des marchés et de la finance. Les «Conservateurs», souverainistes et protectionnistes, accusés de «replis identitaire» par leurs détracteurs modérés, de xénophobie par les plus virulents.
La recomposition politique imposée par le Président Macron a l’immense mérite de fixer une frontière bien dessinée entre trois conceptions de la France, de sa place dans l’Union européenne et dans le monde.
L’évolution de la courbe du chômage sur le quinquennat livrera son verdict. Son inversion réelle et durable pourrait confirmer le bien-fondé des orientations «progressistes» ; une amélioration dont notre association de Défense des droits des chômeurs et précaires ne pourrait que se réjouir. Sa dégradation, prévisible à l’heure où nous rédigeons cette analyse, aura au contraire des répercussions de grande ampleur bien avant les échéances électorales de 2022.
Bon Courage Messieurs Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Bruno Le Maire !
Yves Barraud
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