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"Les conducteurs de RER n'en foutent pas une rame"

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Pour la SNCF, les conducteurs de RER n'en foutent pas une rame. Les déclarations de la direction durcissent la grève des agents de conduite.

Il leur a envoyé, il y a quinze jours, une lettre pour les féliciter de leur travail pendant le soulèvement des banlieues. Hier, il a qualifié leur mouvement de grève de «choquant, inacceptable, contre-productif et pas responsable». Thierry Mignauw, directeur du Transilien (réseau SNCF desservant la banlieue) s'est mis à dos les agents de conduite du RER D. «Ça a jeté de l'huile sur le feu», dénonce Franck, conducteur. De fait, «c'est une des premières fois que la SNCF prend à ce point l'opinion à témoin contre des cheminots», dit-on au siège de l'entreprise, où un dirigeant concède même à propos de la com de crise : «On s'est vraiment lâché.» Pour répondre à un conflit particulièrement dur, où les conducteurs ont décidé, eux, de ne rien lâcher. Jacques Chirac en a rajouté une couche dans une interview publiée aujourd'hui dans le Parisien, où le Président a qualifié le mouvement de grève sur les RER B et D de «disproportionné» et «incompréhensible», appelant «à la raison et à la responsabilité».

Les agents de conduite de la ligne D du RER ont débuté une grève le 5 décembre pour dénoncer les modifications de leurs conditions de travail provoquées par l'augmentation du trafic sur leur ligne. Au lieu des neuf week-ends d'affilée pendant lesquels ils pouvaient travailler, la direction a porté le chiffre à onze. «Quand on leur dit que ce n'est pas acceptable de travailler onze samedis et dimanches de suite, ils nous répondent que c'est réglementaire», explique Philippe Beaumont, responsable du syndicat FGAAC (agents de conduite) pour la région Paris sud-est. La direction est finalement revenue à neuf week-ends, mais, pour faire circuler les 157 trains supplémentaires par semaine, elle a choisi d'allonger l'amplitude des journées de travail et de titulariser onze nouveaux conducteurs. Les agents de conduite, eux, préfèrent des journées moins longues mais plus nombreuses. «Il y avait un peu de mou, explique Philippe Beaumont, mais avec les provocations de la direction, c'est reparti.»

Les conducteurs sont d'autant plus remontés que le directeur du Transilien a voulu les faire passer pour des nantis. «Une durée de travail de 182 jours par an, ce qui veut dire un jour sur deux travaillé dans l'année et six heures par jour. Ce ne sont pas ce que l'on peut appeler des conditions de travail inhumaines !» Sûr qu'à ce tarif, les candidats seraient nombreux à la conduite d'un train de banlieue. Mais pour démontrer le mauvais calcul de leur direction, Cyrille, gréviste, sort son planning. Semaine type de cinq jours de travail : le lundi, il embauche à 11 h 31 à Paris, et finit à 18 h 44 à Montereau, redémarre le lendemain à 5 h 52 pour finir à Paris à 11 h 51. Le mercredi, il reprend de Paris à 9 heures, et arrive à Melun à 16 heures, redémarre de Melun à 2 h 28 pour finir à Paris à 8 h 36 et réembaucher à 23 h 36 de Paris jusqu'à 4 h 20 le lendemain matin à Paris.
«Les chiffres on peut leur faire dire ce qu'on veut. Mais on travaille 40 week-ends par an et on dort 90 nuits à l'extérieur. Je ne pense pas être une feignasse.» Car quand le conducteur part de Melun à 2h28, il a dormi dans un foyer de la RATP, «dans un lit de 90, avec la douche sur le palier», décrit Cyrille.

Les grévistes ne digèrent pas non plus les propos de la direction sur leurs salaires. Franck, conduit le RER D depuis 1982, il touche 2.500 euros par mois, «mais en incluant primes et défraiement. Il faut savoir qu'on ne touche que 3,70 euros supplémentaires de l'heure quand on travaille le dimanche».

Hier, Thierry Mignauw a persisté : «Je ne dis pas les choses de façon inconsidérée.» Et la grève a été reconduite à la majorité des conducteurs.

Par Stéphanie PLATAT pour Libération.

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Mis à jour ( Mercredi, 14 Décembre 2005 01:26 )  

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