Une petite révolution se prépare, en catimini, à l’ANPE. Conformément à l’annonce du premier ministre en juillet, l’Agence pour l’emploi mettra en place, à partir de janvier, un «suivi mensuel» des demandeurs d’emploi. L’objectif affiché était d’offrir un meilleur «accompagnement» aux chômeurs, en les recevant tous les mois contre six mois actuellement.
Un document préparatoire de l’ANPE Île-de-France, que l’Humanité s’est procuré, montre que les intentions du gouvernement sont tout autres : désormais l’ANPE sélectionnera les chômeurs en fonction de leur «profil», s’occupera en priorité des plus facilement reclassables pour accélérer au maximum leur reprise d’emploi, et laissera les autres sur le bord de la route. Datée du 9 novembre dernier, cette note interne sur le suivi mensuel stipule que «l’objectif général est l’accès ou le retour à l’emploi sans perte de temps» des chômeurs. «En articulation avec l’ASSEDIC, cette population est segmentée en fonction de ses risques de chômage de longue durée.» Lors du premier entretien, le conseiller doit faire un «diagnostic» sur le chômeur en fonction de son profil personnel (y compris la nationalité !) par rapport au marché du travail local, et l’orienter vers un des quatre «services différenciés».
1. Parcours express
Le parcours 1 (15% à 20% des effectifs), intitulé «trouver un emploi en trois mois», est un «parcours express» pour les chômeurs fraîchement inscrits, travaillant dans des secteurs où il y a des offres. Il s’agit de les «prendre en charge immédiatement», pour «augmenter le volume des sorties dans les premiers mois». Le conseiller les reçoit au moins tous les quinze jours et «intensifie les propositions d’emploi», mais ne leur propose aucune formation.
Donc, pression accrue et reconversion interdite ! Cela concernerait 15% à 20% des chômeurs. On pense naturellement aux secteurs «en tension» comme le BTP, la restauration.
2. Deuxième classe
Le deuxième parcours (50% des effectifs) s’adresse aux chômeurs ayant échoué au parcours 1 ou présentant un risque chômage plus élevé. Ils suivent un parcours dit «classique», avec pour but une «légère adaptation au marché du travail». L’ANPE leur propose des emplois aidés, des formations de moins de 300 heures. Le suivi est mensuel à partir du quatrième mois de chômage seulement, et doit permettre de «mesurer», puis «réduire» les écarts entre «le positionnement de la personne, les moyens mis en oeuvre et les besoins du marché».
3. Chômeurs sous-traités
Le troisième parcours (25% des effectifs) réunit les chômeurs qui «d’entrée de jeu, ont une problématique de projet professionnel ou de positionnement sur le marché». Ces services sont carrément «co-traités ou sous-traités» par d’autres institutions que l’ANPE.
4. Les abandonnés
Enfin, le parcours 4 (5% des effectifs), intitulé «renouer avec une activité», s’adresse aux chômeurs en très grande difficulté, avec des dispositifs très encadrés. Il «suppose que l’ANPE élargisse son champ de co-traitance», autrement dit qu’elle externalise cette activité.
Avec ce profilage des chômeurs, l’ANPE met fin officiellement à l’égalité de traitement censé être la marque d’un service public. Les chômeurs du parcours «express», immédiatement employables, subiront une pression accrue pour prendre le premier emploi venu, rabaisser leurs exigences, et sortir des ASSEDIC. Pour les autres, la mensualisation du suivi entraînera une explosion mécanique des radiations pour «non-réponse à convocation» mais aussi pour «refus d’emploi ou de formation», selon le nouveau système de sanctions entré en vigueur cet été. Au final, le gouvernement pourra afficher une baisse des chiffres du chômage, les ASSEDIC dirigés par le MEDEF feront des économies, et les employeurs trouveront une main-d’oeuvre de moins en moins coûteuse.
Pour mater la réticence des conseillers ANPE à pressurer et radier les chômeurs, la direction prévoit une individualisation du travail. «Chaque conseiller est responsable d’un portefeuille de demandeurs d’emploi», précise la note, ce qui permet un «suivi des contributions individuelles», alors que le travail était jusqu’à présent évalué par agence. Cela ouvre la porte à toutes les pressions pour que l’agent se plie aux objectifs : par la carotte (un système de primes) ou le bâton (la menace d’une insuffisance professionnelle pouvant conduire à un licenciement). La note insiste sur cette nouvelle culture du métier de conseiller ANPE, axée sur le «résultat» en fonction des «exigences du marché», et non plus sur le conseil.
(Source : L'Humanité)
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A LIRE AUSSI EN COMMENTAIRE : Une série d'articles qui dénoncent les "chiffres mensongers" et autres "magouilles officielles" concernant le chômage en France.
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